Le projet Bay du Nord mis sur pause

La compagnie pétrolière Equinor utiliserait une «unité flottante de production, de stockage et de déchargement en mer» semblable à celle de la photo pour l’exploitation du projet Bay du Nord.
Photo: Rodger Bosch Agence France-Presse La compagnie pétrolière Equinor utiliserait une «unité flottante de production, de stockage et de déchargement en mer» semblable à celle de la photo pour l’exploitation du projet Bay du Nord.

La pétrolière Equinor reporte sa décision d’aller de l’avant, ou non, avec le mégaprojet pétrolier Bay du Nord. L’entreprise, qui a obtenu le feu vert du gouvernement Trudeau l’an dernier, pourrait exploiter près d’un milliard de barils de pétrole en eaux profondes, au large de Terre-Neuve-et-Labrador.

Dans une déclaration publiée mercredi, la multinationale norvégienne a fait savoir que les conditions « du marché » ont fait grimper le coût de cet ambitieux projet d’exploitation pétrolière en milieu marin, et ce, « dans de nombreux aspects du développement ».

Par courriel, Equinor a aussi dit vouloir « améliorer la robustesse du projet », tout en assurant que l’exploitation aura bel et bien lieu un jour. « Bay du Nord est un projet important », a souligné le gestionnaire de l’entreprise au Canada, Tore Loseth. « Nous sommes aussi encouragés par le fort appui à Terre-Neuve-et-Labrador et au Canada », a-t-il ajouté.

L’entreprise se donne un maximum de trois ans pour décider de la suite des choses. Si elle va de l’avant, Equinor souhaite forer jusqu’à 60 puits d’exploitation sur une période de 30 ans, tout en poursuivant les forages exploratoires, dans une zone située à 470 kilomètres des côtes canadiennes et à plus de 1000 mètres de profondeur.

Au moment de l’approbation du projet, l’an dernier, par le gouvernement Trudeau, on évoquait un potentiel de 300 millions de barils. L’Office Canada–Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers a toutefois confirmé plus tôt cette année une « découverte significative » de 385 millions de barils qui, combinée aux autres découvertes faites dans le secteur, porterait le potentiel à 979 millions de barils de pétrole.

« Excellente nouvelle »

Le cabinet du ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, a réagi mercredi en rappelant que le projet d’exploitation est toujours bien vivant. « Le promoteur a décidé de suspendre temporairement son avancement en raison de la volatilité du marché, mais il a indiqué qu’il souhaitait fermement travailler à la réussite de son développement final. »

La Fondation Sierra Club Canada et Greenpeace ont salué le report du projet Bay du Nord. Le porte-parole de Greenpeace y voit « une excellente nouvelle » et souligne qu’« il n’y a pas de place pour de nouveaux projets d’énergies fossiles si on veut respecter l’Accord de Paris ».

L’approbation du projet est par ailleurs toujours contestée devant les tribunaux par la Fondation Sierra Club Canada et par Équiterre, un organisme cofondé par Steven Guilbeault.

« Nous continuerons de revendiquer [l’]abandon complet [du projet], qui va à l’encontre des cibles climatiques et de préservation de la biodiversité », a déclaré mercredi le directeur des relations gouvernementales d’Équiterre, Marc-André Viau. « Les gouvernements doivent miser sur le développement des énergies renouvelables et la création d’emplois d’avenir tant à Terre-Neuve-et-Labrador que dans le reste du pays, plutôt que sur des projets dangereux et risqués comme ceux d’exploitation des hydrocarbures », a-t-il ajouté.

Le projet Bay du Nord est cependant très attendu à Terre-Neuve-et-Labrador, où l’industrie est un poids lourd de l’économie. Le premier ministre Andrew Furey s’est dit déçu du report mercredi, tout en insistant sur le fait que le projet n’a pas été abandonné.

Son gouvernement souhaite doubler la production en mer après 2030. Elle atteindrait alors 650 000 barils par jour, soit un potentiel de plus de 237 millions de barils par année. En partenariat avec le gouvernement Trudeau, deux appels d’offres pour de nouveaux permis d’exploration ont d’ailleurs été lancés au cours des derniers mois. D’autres sont prévus au cours des prochaines années.

Risques de déversement

Dans son rapport final sur le projet Bay du Nord, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada écrivait que « compte tenu de la mise en oeuvre des mesures d’atténuation, [elle] conclut que le projet d’exploitation de Bay du Nord n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants ».

L’évaluation a néanmoins mis en lumière plusieurs questions environnementales. Le projet d’Equinor se situe dans une « zone d’importance écologique et biologique de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique », mais aussi dans des « écosystèmes marins vulnérables ».

Les experts de Pêches et Océans Canada ont par ailleurs fait une mise en garde contre les risques d’un déversement de pétrole brut dans leur analyse de l’étude d’impact du promoteur. Dans un document daté de janvier 2022, le ministère réfute les prétentions d’Equinor, qui affirmait dans son étude d’impact que le risque d’un déversement est « extrêmement faible ». « Si 40 puits sont forés en 30 ans, la probabilité d’un déversement extrêmement important est de 16 % », écrivent les experts fédéraux.

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