Multiplier les solutions pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050

Leïla Jolin-Dahel
Collaboration spéciale
En 2021, le Canada s’est engagé à devenir un pays carboneutre d’ici 2050 en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité.
Illustration: Sébastien Thibault En 2021, le Canada s’est engagé à devenir un pays carboneutre d’ici 2050 en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité.

Ce texte fait partie du cahier spécial Énergies

Alors que le Canada prévoit parvenir à la carboneutralité d’ici 2050, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les cibles fixées, estiment des experts. Transition vers des énergies renouvelables, capture des émissions de gaz à effet de serre (GES), compensation, plusieurs outils sont à la disposition des États, qui devront assurément collaborer pour réaliser leurs objectifs.

« La combinaison de ces différentes voies est sujette à un gros débat », explique Mark Purdon, professeur au Département de stratégie et responsabilité sociale et environnementale de l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQAM.

En 2021, le Canada s’est engagé à devenir un pays carboneutre d’ici 2050 en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Cette loi prévoit entre autres des cibles nationales de réduction des émissions de GES tous les cinq ans à partir de 2030.

Dans une lettre datée de novembre dernier, Steven Guilbeault et Jonathan Wilkinson ont fait connaître leurs préoccupations concernant les émissions des secteurs pétrolier et gazier. Les ministres fédéraux de l’Environnement et du Changement climatique et des Ressources naturelles évaluent que ces émissions ont connu une hausse de 20 % depuis 2005, et représentent 26 % des émissions au Canada.

Pour la présidente du conseil d’administration de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER), Viviane Maraghi, la réduction de GES émis par les secteurs des énergies fossiles se fait notamment par la transition énergétique. « C’est l’objectif primaire de la production d’énergies renouvelables », souligne celle qui est aussi directrice du développement durable chez Kruger Énergie. Elle concède néanmoins que l’atteinte de la carboneutralité au Canada passe par un ensemble de mesures mises sur pied par plusieurs acteurs.

Collaborer et réduire

Le Canada arrivera-t-il à atteindre ses objectifs en matière de carboneutralité ? Oui, croit M. Purdon. Néanmoins, celui qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche sur la décarbonisation estime que le gouvernement ne doit pas répéter la même expérience que par le passé. « Le Canada a une volonté de réduire les émissions, mais il en avait également une auparavant », dit-il, pour le protocole de Kyoto, signé en 1997, et pour l’Accord de Paris, adopté en 2015.

Le chercheur est d’avis que le Canada doit dorénavant miser sur la coopération internationale en investissant notamment dans des projets de crédits carbone. D’ailleurs, il estime que la réduction des émissions de GES pour les secteurs pétrolier et gazier pose un « défi majeur ». « Les gens doivent avoir une perspective un peu plus nuancée sur les possibilités que le Canada doive peut-être acheter des droits d’émission, des crédits carbone ou d’autres instruments pour faciliter la carboneutralité. Parce que, si on n’est pas capables de diminuer les émissions à 100 % chez nous, on peut collaborer ailleurs dans le monde pour chercher à limiter les émissions de GES », soutient-il.

Il cite notamment en exemple le cas du Québec, qui a déjà un partenariat établi avec la Californie. En 2020, la province a réussi à faire baisser ses émissions de 13,2 % par rapport à 1990. Mais en plus, les entreprises assujetties au marché du carbone du Québec ont fait des achats nets de droits d’émission en provenance du marché du carbone de la Californie à hauteur de 11,4 millions de droits d’émission. « Ce flux représente l’attribution au Québec de réductions d’émissions de GES réalisées aux États-Unis, pour une valeur de 11,4 millions de tonnes en équivalent CO2, ou 13,4 % du niveau d’émissions du Québec en 1990 », précise le ministère québécois de l’Environnement sur son site Web. La province a donc dépassé sa cible originale de réduction, fixée à 20 %, par le biais de son partenariat avec la Californie.

M. Purdon observe d’ailleurs dans ses travaux que les plus grands acheteurs de crédits compensatoires sont généralement ceux qui cherchent parallèlement à faire baisser leurs émissions de GES en interne. « Les gens veulent faire le maximum pour limiter, parce qu’ils vont épargner de l’argent et ils vont investir et trouver des innovations qui peuvent parfois même être exportées pour faire des profits », dit-il.

Pour Mme Maraghi, la réalisation des objectifs canadiens pour 2050 passe entre autres par l’établissement de politiques et par l’efficacité énergétique, notamment en réduisant le nombre de véhicules, même si ces derniers sont électriques, illustre-t-elle. « La transition énergétique s’introduit dans une notion beaucoup plus large de transition sociale et économique, croit-elle. La production d’électricité ne sera pas un équivalent à la production de produits pétroliers. Il va y avoir une dose d’efficacité énergétique qui va nous permettre d’atteindre ces objectifs en 2050. »

Stocker les émissions de l’industrie pétrolière

En janvier dernier, l’Alliance nouvelles voies, qui regroupe les principales entreprises d’exploitation de sables bitumineux au Canada, a annoncé qu’elle avait conclu un accord avec le gouvernement albertain. L’entente vise notamment à évaluer les caractéristiques géologiques et les propriétés du sol en vue de stocker le CO2. Pour Mme Maraghi, la séquestration du carbone va certainement faire partie des solutions pour atteindre la carboneutralité. Toutefois, elle estime crucial que cette méthode s’accompagne également d’une réduction de la production et de la consommation. « Si c’est du “un pour un”, on ne s’en sort pas, à aucun niveau, dans la transition énergétique », souligne-t-elle. De son côté, M. Purdon considère comme « légitimes » les craintes de certains par rapport à cette façon de faire, si elle n’est pas encadrée. « Mais si le gouvernement de l’Alberta l’appuie, c’est trop facile de dire que c’est du greenwashing », croit-il. Et ce, malgré les différences de perspective politique entre la province et d’autres instances canadiennes sur la question des changements climatiques. « Peut-être que ce n’est pas idéal, dans le sens où on doit éliminer la transformation du pétrole et les émissions de GES qui y sont associées. Mais si on commence à réduire nos GES, je pense que c’est une bonne chose », dit-il.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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