Attention aux tortues sur les routes

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Toutes les espèces de tortues qu’on trouve au Québec sont en péril et plusieurs meurent chaque année écrasées sur des routes de la province qui traversent ou qui longent des habitats de ces reptiles. À défaut d’obtenir des mesures plus ambitieuses pour protéger ces reptiles, Conservation de la nature Canada demande aux automobilistes de faire preuve de vigilance pour réduire les risques.
Directrice de programme dans l’ouest du Québec pour Conservation de la nature Canada (CNC), Caroline Gagné souligne que les « mortalités routières » des tortues au Québec représentent une menace bien réelle pour les huit espèces, qui sont toutes inscrites sur la liste fédérale des espèces en péril. La tortue molle à épines, la tortue mouchetée et la tortue ponctuée y sont même classées « en voie de disparition ».
« Pendant la période de la ponte, qui débute bientôt, les femelles cherchent un site propice pour enterrer leurs oeufs. Elles peuvent parfois traverser une route ou décider de pondre en bordure d’une route si elles trouvent un substrat propice, comme du sable fin ou du gravier », explique-t-elle.
Les tortues se retrouvent donc à risque d’être écrasées par un véhicule, ce qui tue l’individu et représente une ponction dangereuse pour l’avenir de l’espèce. « Chaque tortue qui meurt dans une collision routière entraîne une réaction en chaîne considérable pour l’ensemble de son espèce, puisqu’elle peut mettre jusqu’à 25 ans pour se reproduire. Le taux de survie des oeufs de tortue est très faible et seulement 2 % des tortues atteindront l’âge adulte. Perdre un seul adulte veut dire 20 ans de retard pour le développement d’une population », fait valoir Francisco Retamal Diaz, coordonnateur de projets à CNC.
Année après année, l’organisme reçoit des formulaires d’observation remplis en ligne par des citoyens qui font état de reptiles blessés ou morts. L’an dernier, 1344 formulaires ont été soumis, pour un total de 1782 tortues observées, dont 5,7 % étaient mortes sur la route. « En ajoutant les tortues blessées, nous constatons que près de 7 % des tortues ont été directement touchées par la problématique de la mortalité routière », précise CNC. Cela représente au moins 125 individus.
Vigilance
Dans ce contexte, Mme Gagné suggère aux automobilistes de faire preuve de vigilance lorsqu’ils roulent sur des routes qui longent ou traversent des milieux humides, par exemple. « Lorsque c’est possible et sécuritaire, on peut ralentir et observer, pour voir s’il y a une tortue qui traverse. C’est assez facile de les repérer, parce qu’elles sont plutôt lentes. » L’Estrie et la Montérégie sont les deux régions cumulant le plus d’observations, suivies par les Laurentides et l’Outaouais.
Si une tortue se trouve sur la route et qu’il est sécuritaire de s’arrêter, CNC invite les citoyens à aider l’animal à traverser. Pour une tortue qui cache sa tête dans sa carapace, ce qui est le cas pour certaines espèces couramment observées (tortue mouchetée, tortue peinte ou tortue géographique), « il suffit de la soulever à deux mains, comme on tient un hamburger, en soutenant son ventre et son dos, puis de la transporter de l’autre côté de la route, idéalement dans le sens où elle se dirigeait déjà », explique Caroline Gagné.
Pour une tortue serpentine, parfois très grosse, à la queue lourde et épineuse et aux allures de dinosaure, la technique est différente. Comme sa morsure peut être dangereuse, CNC recommande de la prendre par l’arrière de sa carapace, de chaque côté de sa queue, puis de lui faire traverser la route en lui permettant de s’appuyer sur ses pattes avant, à la manière d’une brouette. Vous pouvez aussi vous aider en la glissant sur un objet trouvé dans votre véhicule, comme un tapis d’auto ou une pelle à neige, qui sera plus facile à déplacer, précise l’organisme.

Pour réduire à long terme les risques de mortalité routière, Mme Gagné estime qu’il serait nécessaire d’implanter des passages fauniques dans les secteurs où on documente la présence de tortues. Jumelées à des clôtures de déviation qui orientent les tortues vers les passages, ces infrastructures permettraient de réduire substantiellement les décès et les risques pour les différentes espèces. L’installation de panneaux de signalisation dans certains secteurs, comme on le fait pour les cerfs de Virginie, pourrait aussi être très utile.
Les tortues sont par ailleurs menacées par la destruction d’habitats. C’est le cas par exemple dans la grande région de Montréal. Le zoo Ecomuseum pilote d’ailleurs des projets de recherche et de protection, notamment pour la tortue des bois et la tortue géographique. Pour cette dernière, un projet a notamment permis de repérer des habitats importants à protéger dans le lac des Deux Montagnes, mais aussi de créer un site de ponte, explique le directeur général, David Rodrigue.