Le papillon monarque classé «en voie de disparition»

Le gouvernement fédéral classera le papillon monarque comme étant « en voie de disparition » en vertu des dispositions de la Loi sur les espèces en péril. Cette désignation ouvre la porte à la protection d’espaces verts, notamment dans la région de Montréal, qui constituent des habitats essentiels à sa survie.
Selon des informations qui viennent d’être publiées dans la Gazette du Canada, Ottawa se rangera derrière l’avis du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, qui avait recommandé dès 2016 que le lépidoptère reçoive cette désignation, le statut le plus sévère prévu par la Loi sur les espèces en péril avant celui d’espèce « disparue » au pays.
Une consultation de 30 jours est prévue avant la désignation officielle, qui imposera au gouvernement fédéral d’élaborer au cours de la prochaine année un « programme de rétablissement » pour ce papillon migrateur bien connu.
Dès que l’espèce sera officiellement classée comme étant en voie de disparition, la Loi sur les espèces en péril interdira à quiconque de perturber ou de tuer des papillons monarques, mais aussi « d’endommager ou de détruire la résidence d’un ou de plusieurs individus ».
Le décret publié dans la Gazette du Canada précise ainsi que les plants d’asclépiade peuvent être considérés comme des lieux de résidence de l’espèce, puisque le monarque en « dépend uniquement […] pour se reproduire ». Des oeufs, des chenilles ou des chrysalides peuvent se trouver sur cette plante lorsque le monarque se trouve au Canada, soit de juin à octobre. Lors de la période de reproduction, la destruction de telles plantes nécessitera donc la délivrance d’un permis en vertu de la Loi sur les espèces en péril.
Le fédéral a déjà signifié son intention d’utiliser le nouveau classement du monarque afin de mieux protéger les lieux qu’il fréquente. Plusieurs habitats pourraient être désignés au Québec, dont le « champ des monarques », un terrain appartenant à Aéroports de Montréal et situé tout près de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.
L’organisme Technoparc Oiseaux milite d’ailleurs depuis plusieurs années pour la protection du secteur, qui a fait l’objet de coupes ayant fauché de nombreux plants d’asclépiade à l’été 2022.
Papillon et poisson
Le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec, Alain Branchaud, a salué vendredi la décision du gouvernement fédéral. « Le changement de statut du papillon monarque comme espèce en voie de disparition est une bonne nouvelle et donnera davantage d’outils légaux au gouvernement pour protéger l’espèce et son habitat sur les terres fédérales », a-t-il souligné.
M. Branchaud ajoute qu’Ottawa devrait aussi agir afin d’éviter l’extinction d’autres espèces très menacées au Québec. « Nous espérons que l’enthousiasme du gouvernement à protéger cette espèce emblématique sera contagieux et l’incitera à agir concrètement pour protéger le chevalier cuivré, également espèce en voie de disparition. »
Le fédéral doit décider sous peu s’il accorde les autorisations nécessaires en vertu de Loi sur les espèces en péril pour permettre à l’administration portuaire de Montréal de détruire un habitat essentiel du chevalier cuivré pour construire son nouveau port industriel à Contrecoeur.
Monarque sans frontières
Le cycle de vie complexe du papillon signifie que les efforts de protection de l’espèce doivent dépasser les frontières canadiennes en s’étendant aux États-Unis et au Mexique.
Les papillons adultes qui passent l’hiver au Mexique se reproduisent au printemps suivant, et les femelles pondent ensuite sur une espèce de plante précise, l’asclépiade. Les monarques migrent ensuite vers le nord pour arriver au Québec en juin, où ils se reproduisent aussi. Plusieurs générations de monarques peuvent se succéder avant que ces papillons atteignent nos régions.
L’insecte fait donc face à de multiples menaces, dont les répercussions des dérèglements du climat. Les chenilles de monarques sont d’ailleurs particulièrement vulnérables aux destructions d’habitats.
Les populations de monarques se sont effondrées au cours des dernières années en Amérique du Nord. La population de l’Est (qui migre notamment jusqu’au Québec) est passée de 384 millions de papillons en 1996 à environ 60 millions aujourd’hui ; il s’agit d’une chute de 85 %. La situation de la population dite « de l’Ouest » est encore pire : elle est passée de 1,2 million de papillons en 1997 à moins de 30 000 aujourd’hui.