Les marées du Québec ont du potentiel électrique

Ce texte est tiré du Courrier de la planète. Pour vous abonner, cliquez ici.
Le Québec se classe au deuxième rang des provinces canadiennes pour le potentiel de production d’électricité grâce au courant des marées. Hydro-Québec a d’ailleurs analysé au cours des derniers mois des sites propices dans la baie d’Ungava, selon ce qui se dégage d’un document obtenu par Le Devoir. Mais pour le moment, aucun projet ne serait prévu.
En recourant à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Le Devoir a demandé à Hydro-Québec de lui transmettre tout rapport, toute étude ou toute note d’information produits depuis trois ans sur le potentiel de développement de l’énergie éolienne en milieu marin et sur le potentiel de développement de l’énergie marémotrice au Québec.
En guise de réponse, la société d’État a transmis quatre pages extraites d’un document « confidentiel » d’au moins 26 pages, non daté, et dont plusieurs passages ont été caviardés. C’est le cas, par exemple, pou r11 des 13 « références » inscrites à la fin du document. Celles qui ont été laissées visibles permettent cependant de comprendre que celui-ci a été rédigé après juin 2022.
Énergie des marées
Le document transmis ne comporte aucune information sur l’énergie éolienne en milieu marin, mais il aborde le développement de l’« énergie hydrolienne », qui peut être produite à partir du courant des marées ou de celui des rivières.
On mentionne que « l’énergie marémotrice » semble être la technologie la plus prometteuse, puisque « les turbines peuvent être généralement plus grosses en mer et produire des puissances électriques de plus d’un mégawatt ».
Selon un document produit par Hydro-Québec, le « potentiel théorique » lié au courant des marées à « huit sites de qualité » serait d’environ 4200 mégawatts. À titre de comparaison, le complexe hydroélectrique de la Romaine a une puissance installée de 1550 mégawatts.
Ce potentiel se trouve toutefois loin des principaux lieux de consommation. Hydro-Québec indique en effet que « la région de la baie d’Ungava a un potentiel intéressant à cause des fortes marées » et présente une carte de sites qui pourraient s’avérer propices. On en trouve à l’embouchure de la rivière George, de la rivière Arnaud, de la rivière aux Feuilles, mais aussi deux à l’embouchure de la rivière Koksoak, près de Kuujjuaq.
Au chapitre des « avantages » de cette technologie, on souligne le fait que « les hydroliennes ne nécessitent pas d’ouvrages de génie civil complexes comme des barrages », mais aussi que « les courants de marée sont prévisibles à l’avance avec une grande précision », ce qui permet de « prévoir avec exactitude » la production d’électricité à venir.
Hydro-Québec note également des « désavantages » liés à cette filière, qui peut nécessiter « un système de stockage d’énergie ». Dans le cas de la baie d’Ungava, on souligne aussi le besoin de construire « une ligne de transport de plus de 200 km ». Qui plus est, le coût de l’énergie hydrolienne est plus élevé que celui de l’éolien ou du solaire, la technologie « est encore au stade de recherche et développement » et on manque d’informations sur « l’impact environnemental » de tels projets.
Aucun projet
Par courriel, la société d’État ajoute qu’elle n’a pas, pour le moment, de projet de développement de cette filière. « Nous surveillons son évolution, mais les plus récents essais, y compris ici, au Québec, n’ont pas permis de conclure que cette source d’énergie pouvait s’avérer plus intéressante que l’hydroélectricité, l’éolien ou même le solaire. »
Hydro-Québec souligne qu’« aménager un réseau de transport dans un milieu aux conditions météorologiques extrêmes comme la toundra demeure un défi important » et que la « maintenance » d’hydroliennes serait pour le moins « complexe ».
Professeur titulaire au Département de physique de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, Normand Mousseau est d’avis que cette filière ferait face à plusieurs défis majeurs, dont l’éloignement des sites de production des lieux de consommation. « Je ne suis pas convaincu que ce soit une technologie très intéressante », conclut-il.
« Dans un contexte de grande consommation et de potentiel d’efficacité énergétique, et dans un contexte où des énergies éoliennes terrestres sont déjà établies et ne coûtent pas si cher, il est difficile pour des options plus marginales, souvent plus nichées ou techniquement plus difficiles, d’émerger », explique pour sa part Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.
« Le gros avantage des hydroliennes est la production constante, mais pour l’instant, au Québec, avec les réservoirs, on a une capacité à absorber plus d’énergie intermittente éolienne sans devoir compter immédiatement sur des apports de production réguliers », ajoute-t-il. Dans ce contexte, les hydroliennes ne seraient pas encore nécessaires. « Elles pourraient le devenir dans quelques années, surtout quand les populations seront rendues plus sensibles au déploiement de parcs éoliens et voudront des options moins visibles. »