Hydro-Québec étudie le potentiel de la rivière du Petit Mécatina

En 2018, la société d’État avait par ailleurs identifié le « complexe du Petit Mécatina » dans une courte liste de sites potentiels pouvant accueillir un nouveau projet hydroélectrique au Québec.
Ryan Remiorz La Presse canadienne En 2018, la société d’État avait par ailleurs identifié le « complexe du Petit Mécatina » dans une courte liste de sites potentiels pouvant accueillir un nouveau projet hydroélectrique au Québec.

Hydro-Québec veut accélérer l’évaluation du potentiel hydroélectrique du Québec afin de répondre à la demande croissante d’électricité prévue au cours des prochaines années. Elle étudie actuellement le potentiel de la rivière du Petit Mécatina, située sur la Côte-Nord. Le ministre de l’Économie et de l’Énergie Pierre Fitzgibbon s’attend à obtenir les résultats de l’étude préliminaire d’ici environ un an.

« Une analyse sommaire est en cours relativement à quelques secteurs. Cette première étape de l’évaluation se terminera sous peu pour la rivière du Petit Mécatina, sur la Côte-Nord » est-il écrit dans un communiqué diffusé mardi en après-midi. Cette rivière se jette dans le golfe du Saint-Laurent, à la hauteur de Chevery, sur la Basse-Côte-Nord.

Dans son plan stratégique 2009-2013, Hydro-Québec avait déjà identifié le « complexe du Petit-Mécatina » dans son « portefeuille de projets », avec notamment la rivière Magpie. Il était alors question d’un projet de 1200 MW dont la mise en service était prévue « post-2015 ».

Avec une telle puissance et une production d’énergie prévue de 5,5 térawattheures, il serait possible d’alimenter annuellement environ 250 000 résidences. Mais pour construire deux centrales, comme cela a déjà été évoqué, il faudrait inonder potentiellement 228 km2, soit l’équivalent de la moitié de la superficie de l’île de Montréal.

« La prochaine étape nous amènera à engager un dialogue avec les collectivités locales et, au cours des prochains mois, à effectuer des visites de reconnaissance dans ce secteur », explique Hydro-Québec dans son communiqué.

Pour ce faire, le producteur compte impliquer les communautés autochtones et les collectivités locales concernées dans des discussions de « niveau de confidentialité très secret ». Aucun projet de centrale n’est par ailleurs confirmé à ce jour. « Le fait que nous menions des études préliminaires ne signifie pas automatiquement qu’un projet sera élaboré », précise la société d’État.

Cette annonce survient alors qu’Hydro-Québec doit augmenter sa capacité de production. Dans son Plan stratégique 2022-2026, publié l’an dernier, la société d’État soutenait devoir ajouter plus de 100 térawattheures (TWh) à sa production actuelle pour que le Québec atteigne la carboneutralité d’ici 2050.

Hydro-Québec affirme par ailleurs que La Grande rivière de la Baleine, la rivière Nottaway et la rivière Magpie ne sont pas actuellement visées par des études préliminaires. Des Innus et des élus de la Côte-Nord ont promis de bloquer tout projet de construction d’un nouveau barrage sur la Magpie.

La CAQ applaudit

 

Si les conclusions des analyses en cours sont positives, le projet pourrait être réalisé en « une douzaine d’années », a estimé mardi le ministre Fitzgibbon. « C’est des études approfondies qu’Hydro-Québec va faire, a-t-il dit en point de presse. Il est trop tôt pour conclure. Mais ils ont considéré [à Hydro-Québec] que c’est un ouvrage qui pourrait avoir du sens. »

Le premier ministre François Legault s’est félicité de voir Hydro-Québec aller de l’avant avec l’étude préliminaire. En campagne électorale, il avait annoncé son intention de relancer la construction de barrages. « C’est exactement ce qu’on veut », a-t-il dit.

Rien n’est joué, mais M. Fitzgibbon et son homologue aux Affaires autochtones, Ian Lafrenière, ont rencontré les chefs innus afin de discuter du projet sur la rivière Petit Mécatina. « On parle avec tout le monde, mais je ne vous dirai pas quelle communauté nous dit quoi, ce serait un bris de confiance », a expliqué M. Lafrenière.

Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau affirme pour sa part que la relance de projets hydroélectriques n’est pas obligatoire. « Le potentiel de réduction de la consommation et de flexibilité accrue de la consommation, notamment dans les bâtiments et dans la recharge de véhicules, pourrait permettre d’éviter ces projets — et de miser sur l’éolien, le solaire et la géothermie pour combler les besoins additionnels tout en gérant l’intermittence de la production éolienne et solaire », explique-t-il.

M. Pineau estime par ailleurs que l’étude du potentiel de la rivière Petit Mécatina peut être « instructive », mais « comme les études pour le troisième lien, je ne crois pas que ces études vont mener à la réalisation du projet ».

La Fondation Rivières juge que l’idée même d’« artificialiser » une autre grande rivière du Québec et d’« inonder un vaste territoire » est désolante. « On comprend que c’est la volonté du gouvernement Legault de vouloir construire de nouveaux barrages, mais le projet n’a pas de sens. On parle d’une rivière située en territoire très éloigné. Les coûts seraient très élevés », souligne le directeur général de l’organisme, André Bélanger.

La prochaine personne qui dirigera la société d’État devra gérer le dossier. La p.-d.g Sophie Brochu quittera ses fonctions la semaine prochaine. M. Fitzgibbon dit qu’il est peu probable qu’un successeur permanent soit nommé dès son départ. « Mme Brochu part le 11, c’est bientôt. C’est fort probable qu’il y aura un intérim. »

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