Résolution «historique» de l’ONU pour la justice climatique

« Aujourd’hui, nous avons été témoins d’une victoire épique pour la justice climatique », a commenté Ishmael Kalsakau, premier ministre du Vanuatu ravagé début mars par deux puissants cyclones en quelques jours.
Ed Jones Agence France-Presse « Aujourd’hui, nous avons été témoins d’une victoire épique pour la justice climatique », a commenté Ishmael Kalsakau, premier ministre du Vanuatu ravagé début mars par deux puissants cyclones en quelques jours.

Après une bataille « épique » du Vanuatu, en première ligne des dévastations liées au réchauffement, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté mercredi sous les applaudissements une résolution « historique » demandant à la justice internationale de clarifier les « obligations » des États dans la lutte contre le changement climatique.

Avancée « historique », « moment qui fera date », « triomphe de la diplomatie climatique internationale »… ONG et nombre d’États parmi les 130 pays qui ont appuyé le texte ont salué dans les termes les plus forts ce document adopté par consensus.

La Cour internationale de justice (CIJ) devra répondre à la question des « obligations qui incombent aux États » dans la protection du système climatique, « pour les générations présentes et futures ».

« Ensemble, vous écrivez l’Histoire », a lancé le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, estimant que le futur avis de l’organe judiciaire des Nations unies pourra aider les gouvernements à « prendre les mesures climatiques plus courageuses et plus fortes dont le monde a si désespérément besoin ».

« Aujourd’hui, nous avons été témoins d’une victoire épique pour la justice climatique », a déclaré Ishmael Kalsakau, premier ministre du Vanuatu, pays ravagé début mars par deux puissants cyclones en quelques jours.

C’est aussi « une victoire pour les peuples et les communautés de partout dans le monde qui sont en première ligne de la crise climatique », a indiqué Lavetanalagi Seru, coordonnateur pour le Pacifique du réseau d’ONG Climate Action Network.

Poids moral

Le gouvernement vanuatais a lancé cette initiative en 2021, après une campagne lancée deux ans plus tôt par des étudiants d’une université des Fidji, aujourd’hui « fiers » de cet accomplissement.

Il y a une semaine, les experts climat de l’ONU ont une nouvelle fois averti que le réchauffement devrait atteindre dès 2030-2035 le seuil de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Limiter le réchauffement à ce seuil est l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris. Un rappel brutal de l’urgence à agir radicalement durant cette décennie pour assurer un « futur vivable » à l’humanité.

Alors que les engagements nationaux des États à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de l’Accord de Paris ne sont pas contraignants, la résolution souligne l’importance d’autres textes internationaux, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme.

« Cette résolution met au centre les droits de la personne et l’équité entre les générations en matière de changement climatique — deux éléments clés généralement absents du discours dominant », a salué auprès de l’AFP Shaina Sadai, du groupe de réflexion Union of Concerned Scientists, au moment où la Cour européenne des droits de l’homme tient une audience sur un premier recours contre l’inaction climatique d’États, la France et la Suisse.

Même si les avis de la CIJ, organe judiciaire de l’ONU, ne sont pas contraignants, ils portent un poids légal et moral important, souvent pris en compte par les tribunaux nationaux.

Désaccord américain

Le Vanuatu et ses soutiens espèrent donc que le futur avis, attendu d’ici environ deux ans, encouragera les gouvernements à accélérer leur action, par eux-mêmes ou par le biais des recours contre les États qui se multiplient dans les tribunaux aux quatre coins du monde.

Cet enthousiasme ne fait toutefois pas l’unanimité. « Je ne vois pas ce que la Cour pourrait dire d’utile », a déclaré à l’AFP Benoît Mayer, spécialiste de droit international à l’Université chinoise de Hong Kong, qui, à l’inverse, évoque le risque d’un avis « contraire à ce que désiraient les tenants de la requête ».

Et même si aucun pays n’a opposé d’objection à l’adoption de la résolution par consensus, les États-Unis et la Chine, les deux plus gros émetteurs mondiaux, n’ont pas appuyé le texte.

Les États-Unis ont même clairement indiqué après l’adoption leur désaccord avec l’initiative. « Nous sommes très préoccupés par le fait que ce processus peut compliquer nos efforts collectifs et ne nous rapproche pas des objectifs communs » climatiques, a déclaré le représentant américain Nicholas Hill, soulignant préférer la « diplomatie » à un « processus judiciaire » qui risque d’« accentuer les désaccords ».

La résolution fait notamment référence aux « actions » d’États responsables du réchauffement et aux « conséquences juridiques » de leurs « obligations » à l’égard des petits États insulaires ainsi que des peuples d’aujourd’hui et de demain.

Une question centrale dans le combat des pays les plus pauvres pour le financement des « pertes et dommages » qu’ils subissent, mais susceptible de froisser certains pays opposés à toute idée de « réparations » pour leur responsabilité dans le réchauffement. Les Américains avaient d’ailleurs obtenu lors des négociations de l’Accord de Paris une clause précisant que le texte « ne servira pas de base » pour engager « des responsabilités ou des compensations ».

À voir en vidéo