À la rescousse des baleines empêtrées dans des engins de pêche

La femelle baleine noire nommée Snow Cone avait réussi à donner naissance à la fin de 2021 malgré le fait qu'elle était prise dans un câble d'engin de pêche. Elle en était à son quatrième empêtrement. Elle a depuis été revue prise avec de nouveaux cordages autour de la tête, et les scientifiques estiment qu'elle est condamnée.
Photo: NOAA permit 20556 La femelle baleine noire nommée Snow Cone avait réussi à donner naissance à la fin de 2021 malgré le fait qu'elle était prise dans un câble d'engin de pêche. Elle en était à son quatrième empêtrement. Elle a depuis été revue prise avec de nouveaux cordages autour de la tête, et les scientifiques estiment qu'elle est condamnée.

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Les empêtrements dans les engins de pêche constituent l’une des principales menaces pour la survie des baleines noires de l’Atlantique, mais une invention québécoise pourrait permettre de réduire les risques de mortalité. Une bonne nouvelle pour les pêcheurs canadiens, qui doivent se conformer à la réglementation américaine de protection des mammifères marins afin de conserver l’accès à ce marché.

L’Université du Québec à Rimouski et le centre de recherche appliquée Merinov, qui se spécialise dans le domaine de la pêche, ont mis au point un système dit « de maillon faible » qui permet aux pêcheurs de crabes des neiges de remonter leurs imposants casiers. Mais celui-ci peut aussi faire en sorte que le câble auquel est attaché le casier cède, si jamais une baleine noire venait à s’y empêtrer.

« Ce qui est innovant avec cette technologie, c’est que ces maillons faibles peuvent résister à des tensions élevées lorsque les pêcheurs remontent leurs casiers, mais lorsque la baleine va mettre de la tension sur le cordage lorsqu’elle est empêtrée, le maillon faible, au bout de quelques minutes, va se déclencher pour faciliter la libération de la baleine. Donc, l’innovation réside dans ce double comportement », explique Jérôme Laurent, chercheur industriel chez Merinov.

Le « prototype » en question, qui a nécessité plus de trois ans de travaux, a déjà été testé dans le cadre de simulations menées en 2022. Mais des tests en situation réelle seront effectués au cours des prochaines semaines, alors que la saison de la pêche au crabe débute dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent.

M. Laurent espère que ces premières utilisations seront concluantes, de façon à convaincre Pêches et Océans Canada d’approuver le système, qui pourrait éventuellement être adapté pour une utilisation par les pêcheurs de homards.

Règles américaines

Il faut dire que les pêcheurs doivent impérativement réduire les risques que représente leur industrie pour les mammifères marins pour conserver leur accès à leur principal marché d’exportation. En vertu du Marine Mammal Protection Act, les produits de la pêche exportés vers les États-Unis sont classés selon la fréquence des prises accessoires de mammifères marins.

Dans ce contexte, le pays exportateur, dans ce cas-ci le Canada, doit démontrer d’ici la fin de 2023 qu’il impose des mesures pour réduire ces prises accidentelles. Le défi est majeur, puisque le Canada exporte plus de 60 % de ses produits de la mer aux États-Unis.

C’est d’autant plus important puisque la protection des baleines noires de l’Atlantique Nord est au coeur des règles imposées aux pêcheurs américains de la côte est. Or, ces baleines sont de plus en plus nombreuses à migrer vers le golfe du Saint-Laurent pour s’alimenter en période estivale.

À la suite de la mort de 12 baleines noires dans les eaux canadiennes en 2017, le gouvernement fédéral a d’ailleurs décidé d’imposer, année après année dès la fin du mois d’avril, des fermetures de zones de pêche lorsque la présence d’une baleine est confirmée dans un secteur. Des limites de vitesse sont également en vigueur, puisque les collisions avec les bateaux constituent aussi une cause de mortalité importante pour l’espèce.

En 2022, au moins deux baleines noires ont été aperçues empêtrées dans le golfe du Saint-Laurent. En janvier 2023, des intervenants en sauvetage de mammifères marins aux États-Unis ont aussi réussi à secourir un animal qui s’était empêtré au large de la Nouvelle-Écosse.

Risque mortel

Les empêtrements constituent un problème majeur pour cette espèce, qui compte environ 335 individus et qui décline. Plus de 80 % des adultes portent des marques d’empêtrements, qui surviennent principalement dans les engins de pêche au homard ou au crabe.

Cela pourrait expliquer le faible taux de natalité de cette population de cétacés. Les chercheurs du New England Aquarium estiment, en effet, qu’il est possible, dans certains cas, que des femelles qui se sont empêtrées dans des engins de pêche ne soient pas en mesure de se reproduire en raison des répercussions importantes sur leur santé.

« Beaucoup de femelles peuvent être incapables d’accumuler assez de graisse pour réussir à tomber enceintes ou à mener une grossesse à terme en raison de possibles réductions de la disponibilité de la nourriture et d’un effort accru pour trouver de la nourriture », souligne par ailleurs le North Atlantic Right Whale Consortium.

Selon le groupe de chercheurs, le taux de reproduction a tellement reculé au cours des dernières années que « les faibles naissances chaque année ont éliminé la capacité de la population à croître et à faire face à la mortalité causée par les humains ».

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