Québec reporte de six mois la traçabilité des sols contaminés

Le ministère de l’Environnement repousse au 30 juin 2023 l’entrée en vigueur de Traces Québec, un système informatique qui vise à assurer la traçabilité des sols contaminés excavés. Cet outil phare de Québec pour contrer les déversements illégaux devait être opérationnel dès le 1er janvier de cette année.
Mis au point par l’organisme Attestra, Traces Québec doit permettre de suivre en temps réel le déplacement des sols contaminés de leur lieu d’excavation au site où ils doivent être valorisés, traités ou enfouis. Par l’entremise d’un « bordereau de suivi électronique », le système assurera une géolocalisation des camions qui transportent les sols contaminés excavés au Québec, acheminés aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la province.
Or, Attestra — déjà responsable de la traçabilité des animaux d’élevage — « a pris du retard dans le développement de certains modules de l’application », dont celui relatif à la connexion des appareils de géolocalisation (GPS) intégrés aux camions des entreprises responsables de la disposition des sols contaminés, explique le ministère de l’Environnement dans un courriel.
Entre l'excavation et la disposition, il y a parfois un monde qu'on ne connaît pas. Souvent, on se rend compte du problème uniquement lorsqu'on constate que des sols ont été déversés de façon illégale.
Le report de six mois devrait permettre à Attestra de « finaliser l’application et [de] permettre une phase de test avec les transporteurs avant l’entrée en vigueur de la mesure », ajoute le ministère.
« La participation des transporteurs est essentielle pour assurer la traçabilité des sols contaminés excavés et lutter contre les déversements illégaux, qui sont dommageables pour l’environnement et pour l’industrie de la gestion des sols contaminés », est-il écrit dans un bulletin publié l’automne dernier par Attestra.
Lors de l’adoption du Règlement concernant la traçabilité des sols contaminés excavés, en juin 2021, le ministère de l’Environnement estimait que plus de trois millions de tonnes métriques de sols contaminés excavés étaient chaque année dirigées vers des lieux autorisés à les recevoir.
Un enjeu majeur
Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a resserré l’encadrement des pratiques dans le secteur des sols contaminés. Outre le développement du système Traces Québec, il a également relevé les pénalités pour ceux qui contreviennent à la réglementation. Les sanctions administratives pécuniaires prévues varient maintenant de 2500 $ à 10 000 $ pour les personnes morales, et les sanctions pénales oscillent entre 7500 $ et 6 millions de dollars.
L’enjeu est majeur, selon Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets. Sans traçabilité, il est impossible de connaître le cycle de traitement et de disposition des sols contaminés. « Entre l’excavation et la disposition, il y a parfois un monde qu’on ne connaît pas. Souvent, on se rend compte du problème uniquement lorsqu’on constate que des sols ont été déversés de façon illégale. »
Les considérations ne sont pas qu’environnementales, elles sont aussi industrielles. M. Ménard rappelle que l’industrie a fait pression pour qu’on resserre la réglementation dans le secteur afin de freiner la délinquance de certaines entreprises. « C’est une initiative du secteur privé, parce qu’il a des compagnies qui, en agissant de façon pas très casher, faisaient de la concurrence déloyale. Il y avait aussi, et surtout, beaucoup de contamination à cause de dépôts sauvages souvent extrêmement contaminés partout dans l’environnement. »
Son de cloche similaire de la part de Kevin Morin, directeur général du Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec. « Nous, on souhaite que ce soit implanté rapidement, pour qu’il n’y ait pas de dispositions illégales de sols contaminés dans des zones qui ne sont pas autorisées. »
L’implantation d’un système de géolocalisation « va donner un levier supplémentaire au ministère de l’Environnement pour faire appliquer la réglementation », estime-t-il. « L’idée principale, c’est de pouvoir suivre en temps réel les camions qui transportent les sols contaminés. C’est un bel outil pour s’assurer de l’application sur le terrain des exigences environnementales. »