Quelle est la répartition des émissions de GES en fonction des revenus?

Les 10 % des Canadiens qui émettent le plus de CO2 génèrent chacun 60 tonnes de CO2 par année.
Valerian Mazataud Le Devoir Les 10 % des Canadiens qui émettent le plus de CO2 génèrent chacun 60 tonnes de CO2 par année.

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Tout le monde ne pollue pas autant. La taille des véhicules à essence, le recours aux vols en avion, la portion carnée de l’alimentation, la consommation de biens matériels : de nombreuses variables modifient l’empreinte carbone d’une personne ou d’une famille. Et dans bien des cas, ces variables dépendent aussi du revenu.

Comment se répartissent les émissions de gaz à effet de serre au sein de notre société en fonction des différentes tranches de revenus ? nous demande une lectrice, Kateri Morin. Des informations tirées de la World Inequality Database (WID) permettent de répondre à cette question.

Les scientifiques responsables de cette base de données ont calculé, à partir de modèles sophistiqués et de statistiques officielles, comment les émissions de GES se distribuent parmi les citoyens de plus de 100 pays. Ils établissent une correspondance étroite entre le revenu d’un individu et son empreinte carbone.

Nous pouvons donc considérer, par exemple, que la tranche de 10 % des citoyens les plus riches coïncide avec la tranche de 10 % des citoyens qui polluent le plus.

Voici leurs résultats pour le Canada, en 2019 :

  • Au sein de la moitié de la population qui émet le moins de GES, chaque personne génère, en moyenne, 10,0 tonnes d’équivalent CO2 (éq. CO2).
  • Au 50e rang percentile, chaque personne émet 14,6 tonnes d’éq. CO2.
  • Parmi les 10 % qui émettent le plus, la moyenne s’établit à 60,3 tonnes d’éq. CO2.
  • Et parmi le 1 % des plus grands émetteurs, elle se situe à 190,2 tonnes d’éq. CO2.

Ces bilans comptent les émissions directes des ménages, comme l’essence, mais aussi les GES associés à la fabrication des produits qu’ils consomment. L’empreinte carbone de leurs investissements est également prise en compte. La somme des émissions est divisée également entre les membres de chaque ménage.

Un premier constat s’impose : la répartition des émissions de GES est fortement inégale au sein de la population. Au Canada, le premier décile des émetteurs génère 10 fois plus de GES que le dernier décile. Et ce phénomène n’est pas propre à notre pays : les citoyens des autres pays se divisent aussi le gâteau de manière foncièrement inégale.

Comment se comparent les émissions des plus riches habitants de notre pays à celles des habitants d’ailleurs sur la planète ? Les 10 % des Canadiens qui émettent le plus (60,3 tonnes par année) ont une empreinte carbone légèrement inférieure à ce même groupe aux États-Unis (74,7 tonnes), mais bien supérieure à celle du même groupe en France (24,7 tonnes), et plus du sextuple de celle en Inde (8,8 tonnes).

Et quel portrait se dessine, d’un pays à l’autre, au sein de la moitié de la population qui émet le moins ? Au Canada, ce groupe émet 10,0 tonnes par année. Ce même groupe émet environ autant aux États-Unis (9,7 tonnes), moitié moins en France (5,0 tonnes), et dix fois moins en Inde (1,0 tonne). Ces nombres ne disent évidemment rien de la qualité de vie des habitants de ces pays.

Pour espérer limiter le réchauffement mondial à 1,5 °C, il faudrait que chaque humain émette au maximum 1,9 tonne de CO2 éq. par année d’ici 2050, avant de descendre à zéro. Ainsi, les émissions de GES des habitants les moins nantis des pays riches se révèlent déjà trop élevées. Même les 34 millions de Français les moins riches, avec chacun 5,0 tonnes par année, sont loin du but.

En contrepartie, les politiques publiques orientées vers la réduction des émissions des plus grands émetteurs ont un immense potentiel, selon Lucas Chancel, codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales, qui produit la WID. « Tout le monde doit descendre à zéro. La question, c’est où mettre le curseur, et à qui est-ce qu’on demande davantage d’efforts », expliquait-il en entrevue au journal Le Monde l’an dernier.

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