Le réchauffement climatique devrait dépasser 1,5°C d’ici 10 ans

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Sera-t-il possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, soit l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris ? Certains en doutent, et une nouvelle étude scientifique menée grâce à l’intelligence artificielle (IA) conclut que ce seuil pourrait être atteint d’ici à peine 10 ans.
Pour éviter le pire des conséquences des dérèglements du climat planétaire, la communauté internationale a convenu de tout mettre en oeuvre pour éviter de dépasser le seuil du +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Or, cet engagement nécessiterait de plafonner les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2025, au plus tard, puis de les réduire de 43 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2019.
Pour le moment, les efforts des États sont nettement insuffisants pour espérer atteindre cet objectif, si bien que la barre du +1,5 °C devrait être atteinte entre 2033 et 2035, conclut une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Cette nouvelle analyse ajoute qu’il existe une « probabilité substantielle » de dépasser les +2 °C avant 2065, et ce, même si l’humanité parvenait à atteindre la carboneutralité.
Intelligence artificielle
Pour parvenir à ces constats, les chercheurs américains ont eu recours à l’IA pour établir trois scénarios de hausse des températures, dont un scénario dit « central » qui prévoit la hausse de 1,5 °C d’ici une dizaine d’années. Celle-ci atteint déjà +1,2 °C.
L’IA leur a notamment permis de combiner les données historiques sur le réchauffement et les modèles déjà disponibles pour prévoir la suite. Cette méthode permet aussi de traiter de grandes quantités de données et d’apprendre à mesure qu’elle traite plus d’informations, ce qui ouvre la voie à l’obtention de projections plus précises.
Les résultats de cette recherche, qui a été révisée par le célèbre climatologue Michael Mann, s’inscrivent dans la foulée des plus récents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Limiter le réchauffement à 1,5 °C n'est pas une question de limites technologiques, financières ou d'infrastructures. C'est une question de volonté politique et d'ambition.
Dans tous les scénarios envisagés — du plus optimiste au plus pessimiste —, la température mondiale grimpe de 1,5 °C ou 1,6 °C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici 2030, voire 2040. Selon les scénarios les plus sévères, soit ceux d’un maintien des émissions au rythme actuel, le réchauffement atteindrait une hausse catastrophique de +3,6 °C à +4,4 °C entre 2081 et 2100.
Impacts
Bien que les bouleversements climatiques n’aient pas encore atteint les seuils dramatiques inscrits dans ce nouveau rapport scientifique international, les conséquences sont déjà bien réelles, selon le GIEC. Les vagues de chaleur, les canicules et les sécheresses sont très certainement « plus fréquentes et plus intenses » dans la plupart des régions du globe, tout comme les événements de précipitations intenses.
L’humanité est également responsable de la fonte des glaces du Groenland et de celles de plusieurs glaciers de la planète. Même chose pour la hausse du niveau des océans et leur réchauffement. Et une fois que le réchauffement dépassera 1,5 °C, plus de 90 % des récifs de corail de la planète risquent de disparaître.
Pour la directrice générale par intérim du Réseau action climat Canada, Caroline Brouillette, la nouvelle étude publiée dans PNAS devrait inciter les gouvernements à redoubler d’efforts. « Limiter le réchauffement à 1,5 °C n’est pas une question de limites technologiques, financières ou d’infrastructure. C’est une question de volonté politique et d’ambition. »
« Même si le budget carbone restant pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C s’amenuise dangereusement, les efforts financiers et sociétaux visant cet objectif seront toujours beaucoup plus rentables que le maintien de la trajectoire vers l’atteinte de 2,5 °C à 2,7 °C d’augmentation de température à la fin du siècle sur laquelle nous nous trouvons actuellement », ajoute Mme Brouillette.
Selon l’ONU, le réchauffement pourrait effectivement dépasser les 2,5 °C d’ici la fin du siècle, et ce, même en supposant que les 193 parties à l’Accord de Paris respectent leurs engagements. Les pays sont donc invités à revoir à la hausse leur ambition climatique en vue de la prochaine conférence climatique de l’ONU (COP28).
Dans le cadre de son premier voyage à l’international en tant que président de la COP28, le sultan Ahmed al-Jaber a plaidé mardi pour des investissements substantiels dans le développement des énergies propres. Mais « le monde a toujours besoin d’hydrocarbures et en aura besoin pour faire la transition entre le système énergétique actuel et le nouveau », a-t-il affirmé, en reprenant des arguments mis en avant par l’industrie des énergies fossiles depuis les années 1980.