Un accord à portée de main à la COP15

Le ministre chinois de l’Environnement, Huang Runqiu
Andrej Ivanov Agence France-Presse Le ministre chinois de l’Environnement, Huang Runqiu

Le marathon de négociations pour parvenir à la signature d’un « cadre » mondial de protection de la biodiversité devrait se conclure par un accord qui reconnaît la nécessité de mieux protéger 30 % des milieux naturels d’ici 2030, mais aussi de prévoir des ressources financières substantielles pour l’atteinte de cet objectif. Le projet d’entente prévoit toutefois certains compromis, afin d’éviter l’impasse au moment où se termine la conférence.

C’est la Chine, qui préside la conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15), qui a publié dimanche matin un projet d’accord, au terme des négociations intensives qui se sont tenues à Montréal au cours des derniers jours. Au moment où ces lignes étaient écrites, cet « accord de Kunming-Montréal » devait encore être adopté par consensus par les délégations réunies jusqu’à lundi au Palais des congrès.

La proposition de « cadre post-2020 » qui était disponible dimanche soir et qui devait être discutée en plénière, après certains ajustements, conserve l’objectif crucial de protéger 30 % des milieux naturels terrestres et marins d’ici 2030, tout en précisant que la priorité doit être mise sur les zones de grande « importance » pour la biodiversité. Le libellé de cette cible prévoit une « utilisation durable » des ressources qui ne compromet pas la protection.

En plus de la conservation des milieux naturels, le document propose la « restauration » d’au moins 30 % des zones « dégradées » par l’activité humaine, un objectif jugé essentiel pour freiner le déclin de la biodiversité sur la planète.

Financement

Sur la question centrale du financement de la mise en oeuvre du cadre mondial, la présidence de la COP15 a suggéré une augmentation substantielle du soutien financier des pays développés aux pays en développement : 20 milliards de dollars par année d’ici 2025, puis 30 milliards de dollars jusqu’en 2030. L’objectif, d’ici la fin de la décennie, serait toutefois de parvenir à mobiliser chaque année 200 milliards de dollars. Ces fonds seraient de nature publique et privée.

Dans le cadre de la conférence, des pays en développement ont demandé une enveloppe annuelle de 100 milliards de dollars par an, soit au moins dix fois l’aide internationale actuelle pour la biodiversité.

Outre les subventions, les pays du Sud poussent aussi fortement à la création d’un fonds mondial consacré à la biodiversité — une question de principe — à l’image de celui obtenu en novembre pour les aider à affronter les dégâts climatiques.

Sur ce point, la Chine a proposé un compromis : établir dès 2023 une branche consacrée à la biodiversité au sein de l’actuel Fonds pour l’environnement mondial (FEM), dont le fonctionnement actuel est jugé très déficient par les pays les moins développés.

Le texte souligne aussi la nécessité d’éliminer, de réduire ou de « réformer » les subventions néfastes pour la biodiversité. Celles-ci peuvent par exemple servir à soutenir des pêcheries non durables ou des pratiques agricoles dommageables. D’ici 2030, on vise une réduction de 500 milliards de dollars de ces subventions.

Pollution

La réduction des « risques » que représentent « toutes les sources » de pollution d’ici 2030 est également inscrite dans le projet d’accord, qui précise qu’elles devraient être réduites « à des niveaux qui ne sont pas dommageables pour la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes ». En ce qui a trait à la « pollution plastique », on indique le besoin de la réduire et de l’éliminer progressivement.

Cette « cible sept » ne prévoit toutefois aucune cible chiffrée de réduction de l’usage des pesticides, évoquant simplement le besoin de « réduire le risque global » que représentent ces produits largement utilisés dans le monde. S’ils parviennent à s’entendre sur le texte proposé, les 196 délégations s’engageraient néanmoins à se tourner vers une agriculture, une foresterie et des pêcheries qui intègrent des pratiques favorables à la biodiversité.

Les différentes cibles rédigées au terme d’années de négociations doivent permettre d’atteindre des objectifs planétaires, comme le maintien de l’« intégrité, la connectivité et la résilience de tous les écosystèmes » et l’arrêt de l’extinction d’espèces imputable à l’activité humaine, et ce, d’ici 2050.

Le défi est pour le moins colossal : 70 % des écosystèmes mondiaux ont été dégradés par l’activité humaine, et plus d’un million d’espèces sont menacées de disparition sur la planète. Plusieurs experts évoquent maintenant l’idée que l’humanité a enclenché une « sixième extinction » de masse, la première depuis la disparition des dinosaures, il y a de cela 65 millions d’années.

Signal positif

La proposition présentée dimanche matin par la Chine a été relativement bien accueillie. « Je pense que nous sommes très près d’une entente », a réagi le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, estimant qu’il ne reste que des « ajustements » à faire dans les heures à venir.

Mais le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius, a émis une note plus prudente, signalant que les chiffres de financement discutés pourraient être difficiles à atteindre. « Si d’autres pays s’engagent à atteindre ces objectifs, comme la Chine, je pense que cela peut être réaliste », a-t-il déclaré, appelant également les États arabes à jouer leur rôle. Braulio Dias, qui représente le futur gouvernement brésilien de Luiz Inácio Lula da Silva, a pour sa part redemandé une « meilleure mobilisation des ressources » financières.

« Bien qu’imparfait, ce projet de décisions représente un énorme pas dans la bonne direction, un appel à la justice en matière de biodiversité et une reconnaissance du rôle des peuples autochtones, nous permettant de mettre derrière nous le bilan d’échec que représente l’héritage des objectifs d’Aichi », a fait valoir Eddy Pérez, directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action climat Canada.

En 2010, les 196 pays signataires de la Convention sur la diversité biologique (CDB) de l’ONU s’étaient engagés à mettre en oeuvre des mesures, appelées « objectifs d’Aichi », pour freiner le déclin de la biodiversité à l’horizon 2020. Aucune des cibles n’a été atteinte.

M. Pérez a toutefois appelé les délégations à un sursaut d’ambition. « Cet accord Kunming-Montréal doit envoyer un message au monde entier que nous allons inverser le cours de l’extinction des espèces causée par les humains d’ici 2030, et non attendre 2050. »

Avec l’Agence France-Presse

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