L’environnement, un sujet délicat

Illustration: Audrey Malo

Affirmation : Pendant les Fêtes, ce n’est pas le temps de se priver et de s’imposer des restrictions alimentaires. C’est aux végétariens et aux végétaliens de faire l’effort de manger autrement pour l’occasion. »

Réplique : C’est bien de prévoir un plat végétarien pour diversifier les menus, car à Noël, on multiplie souvent la confection de plats carnés et le gaspillage alimentaire, dommageables pour la planète.

« Si on veut sensibiliser quelqu’un au végétarisme, la pire chose à faire est de critiquer ses choix alimentaires, son mode de vie, bref de faire du « shaming ». Si on est l’invité, on peut proposer de faire soi-même son plat végé, pour éviter du stress aux hôtes », estime Sarah-Jane Turcot, psychosociologue. Insistez plutôt sur l’importance du temps partagé ensemble et remerciez vos hôtes des efforts qu’ils ont consacrés à la préparation du repas, dit-elle. « On ne peut éviter de parler de nos choix alimentaires, ajoute Colleen Thorpe, directrice chez Équiterre. Mais il faut les assumer. Parfois, ça veut dire d’apporter ses propres plats, comme si vous étiez intolérant au lactose ou au gluten. La première fois, ça surprend. À la longue, les gens comprennent. »


Affirmation : À Noël, il faut gâter les enfants et entretenir à tout prix la magie par de multiples cadeaux »

Réplique : Tomber dans le consumérisme, avec des jouets de plastique ou jetables, est néfaste pour l’environnement et donne un piètre exemple aux enfants.

« Parfois, mieux vaut oublier le cadeau et regarder l’intention derrière le geste : la générosité, l’émotion. On peut honorer le geste sans renier ses convictions », affirme Sarah-Jane Turcot. On peut dire à l’avance à ses proches les valeurs qu’on souhaite inculquer à ses enfants, faire des propositions, indique-t-elle. Surtout, il ne faut pas critiquer en public le jouet jugé trop violent ou mal venu. « Parlez-en plutôt avec la personne concernée. » Préconiser la non-consommation à Noël n’est pas facile, car c’est contraire à tous les messages ambiants, ajoute Colleen Thorpe, directrice chez Équiterre. « Suggérer d’offrir des livres ou des activités, ça choque au début. Au fil des ans, l’idée fait son chemin. L’important, c’est d’ouvrir la discussion. »


Affirmation : On n’a pas à changer nos modes de transport, l’auto reste le seul moyen de se déplacer rapidement au Québec, et c’est un choix strictement personnel »

Réplique : Le tout-à-l’auto va à contre-courant des efforts déployés pour réduire les gaz à effet de serre, et le transport contribue à la moitié des GES au Québec.

« Les modes de transport, ça touche directement les choix de vie des gens, donc c’est un sujet extrêmement délicat », selon Colleen Thorpe, d’Équiterre. Il faut toujours rester dans le discours collectif, plutôt que de ramener la discussion sur le seul plan personnel. « Ça heurte moins », dit-elle. Par exemple : « C’est vrai que c’est dur de faire des choix différents, car il manque encore d’options en transport collectif. » « Après avoir écouté l’autre, parlez plutôt de vos expériences personnelles, faites valoir les avantages qu’elles vous ont apportés. C’est parfois en parlant de ses choix de vie, sans chercher à convaincre, que l’on suscite l’intérêt des autres pour un point de vue différent », explique Sarah-Jane Turcot.

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Ce texte fait partie de notre section Perpectives.


Affirmation : Partir dans le Sud est la meilleure façon de s’offrir des vacances rapides, pas chères, avec le beau temps garanti »

Réplique : Prendre l’avion est ce qui pèse le plus lourd dans le poids carbone des GES liés au transport et on devrait se tourner vers d’autres formes de voyage, plus écoresponsables.

« Ce genre de situation concrète ébranle beaucoup de gens », explique Inês Lopes, psychologue et éducatrice aux enjeux environnementaux et sociaux. « Souvent, les gens rétorquent que leur geste individuel ne va pas changer l’avenir de la planète. On peut poliment ajouter qu’il existe d’autres types de voyage plus écoresponsables que les tout-inclus ou les croisières, et que la somme des gestes personnels est aussi importante que les actions des gouvernements », estime la psychologue. Rien ne sert de blâmer les gens et de faire la leçon, ajoute Colleen Thorpe, d’Équiterre. « On peut toutefois souligner leur chance d’avoir cette option, en rappelant que d’autres font le choix des voyages plus près ou de limiter leurs déplacements en avion. »


Affirmation : Des incendies ont toujours ravagé les forêts, le réchauffement est grossi par les médias »

Réplique : Le consensus scientifique est on ne peut plus clair : les inondations, les feux de forêt et autres événements climatiques extrêmes se multiplient, ce qui prouve que les changements climatiques s’accélèrent.

« Certains nient la réalité, mais la mission de les changer ne vous incombe pas », affirme Inês Lopes. Ne portez jamais seul le poids de l’argumentaire, dit-elle. Rappelez les faits avérés par 99 % des scientifiques, pas juste des environnementalistes. « Proposez de donner des sources d’information fiables, des rapports du GIEC par exemple, dit-elle. Il faut aussi choisir ses batailles. De fuir ou de combattre. Si vous espérez sensibiliser l’autre, allez-y. Mais s’adapter, ça peut aussi vouloir dire de lâcher prise et de s’occuper de soi. » « Des gens projettent souvent leur culpabilité de poser des gestes non durables sur ceux qui font des choix plus verts, observe Colleen Thorpe. Mais ceux-ci n’ont pas à porter cette culpabilité. » 


Affirmation : Avec la crise climatique, les jeunes ne devraient plus faire d’enfants, pour éviter à ceux-ci de subir les affres des changements du climat et d’ajouter un poids additionnel à la planète »

Réplique : Il est naturel de faire des enfants, et important pour l’avenir de notre société d’encourager à coup sûr les jeunes à devenir parents.

Au baromètre des sujets explosifs, celui-ci remporte à coup sûr la palme ! croit Inês Lopes. Cet enjeu assez récent peut s’avérer inconcevable pour bien des gens. Et peut générer de vives réactions chez les aspirants grands-parents, bousculés émotivement. Même sans crise climatique, le désir d’avoir des enfants est un choix personnel qui n’a pas à être justifié en public, estime la psychologue. « Dans le contexte actuel, on peut dire que plus de jeunes remettent en question le fait d’avoir des enfants. Mais ça ne se compare pas à « manger ou pas de la viande ». Un choix de vie aussi fondamental impacte directement les espoirs et les profondes attentes de nos proches », précise-t-elle. Bref, il s’agit d’un sujet à aborder avec diligence, et dans l’intimité plutôt qu’autour de la bûche de Noël.



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