Des groupes écologistes pressent les États à fermer la porte à l’exploitation minière des fonds marins
Ce texte est tiré du Courrier de la planète du 13 décembre 2022. Pour vous abonner, cliquez ici.
Des scientifiques et des groupes écologistes ont profité de la tribune de la conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) pour presser les États à fermer la porte à l’exploitation minière des fonds marins internationaux. Si certains semblent vouloir se rallier à cette position, le Canada, lui, confirme au Devoir qu’il reste ouvert à l’extraction, mais à condition qu’elle se fasse dans le cadre d’une « réglementation rigoureuse ».
À l’heure actuelle, une trentaine de permis d’exploration ont déjà été accordés dans le monde par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), une organisation de l’ONU. Ils sont détenus par 22 entreprises ou États et représentent une superficie de fonds marins des océans Atlantique, Indien et Pacifique qui totalise plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés.
Avant de pouvoir lancer des projets d’exploitation des ressources qui seraient destinées notamment à la fabrication de téléphones cellulaires, d’ordinateurs et de véhicules électriques, les 168 pays membres de l’AIFM doivent cependant convenir d’un cadre réglementaire. Trois rencontres majeures ont d’ailleurs eu lieu cette année et le cadre pourrait se préciser dès 2023.
Prématuré
Dans ce contexte, la Deep Ocean Stewardship Initiative (DOSI), qui regroupe des experts des écosystèmes marins, a fait valoir dans le cadre de la COP15 qu’il serait pour le moins prématuré d’aller de l’avant avec des autorisations d’exploitation des ressources minières. « Il y a eu un appel de la part de plusieurs scientifiques, d’États et de membres de la société civile pour un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins, en raison du manque de connaissances et de compréhension des écosystèmes. Si on ne connaît pas bien ces milieux, on ne peut pas penser à gérer les impacts potentiels de l’exploitation », a résumé Anna Metaxas, professeure d’océanographie à l’Université Dalhousie et collaboratrice au DOSI, au Devoir.
La Deep Sea Conservation Coalition, qui plaide pour une meilleure protection de la haute mer, va plus loin dans ses mises en garde contre l’exploitation à des centaines, voire à des milliers de mètres de profondeur. Selon le regroupement, cette industrie provoquerait des pertes importantes pour la biodiversité marine et l’extinction d’espèces qui sont encore aujourd’hui méconnues.
On estime entre autres que les rejets de polluants seraient impossibles à contrôler et que ces écosystèmes subiraient aussi des impacts du simple fait de la présence de cette industrie dans ces milieux jusqu’ici relativement épargnés par l’activité industrielle.
« Il est évident que l’exploitation minière aura, dans une certaine mesure, des conséquences sur l’environnement marin, en particulier près des activités minières », reconnaît d’ailleurs Michael Lodge, secrétaire général de l’AIFM, sur le site de l’organisation. Il cite la « destruction d’organismes vivants, la disparition de l’habitat et la formation de panaches sédimentaires », auxquelles s’ajoutent les conséquences de fuites hydrauliques, les atteintes au vivant générées par le bruit et la lumière.
Exploitation
Devant les critiques de scientifiques et d’écologistes, le président français, Emmanuel Macron, a d’ailleurs annoncé plus tôt cet automne que la France militerait en faveur d’une interdiction de tout projet d’exploitation. « J’assume cette position, et la porterai dans les enceintes internationales », a-t-il fait valoir lors de son passage à la conférence de l’ONU sur le climat (COP27), en Égypte, en novembre.
Le Canada refuse pour sa part de fermer la porte à toute exploitation des fonds marins internationaux, tout en plaidant pour que cette industrie encore naissante se développe dans un cadre réglementaire précis.
« Le Canada maintient que l’exploitation minière des fonds marins ne devrait être autorisée que si le milieu marin peut être protégé efficacement par une réglementation rigoureuse qui applique une approche préventive fondée sur les écosystèmes en utilisant une gestion scientifique et transparente et qui garantit une conformité effective à l’aide d’un solide mécanisme d’inspection », a fait valoir Ressources naturelles Canada dans une réponse écrite aux questions du Devoir.
Ottawa dit en outre participer, à titre de membre du Conseil de l’AIFM, « à l’élaboration de règlements sur l’exploitation minière des fonds marins ». Le Canada collabore aussi aux travaux qui doivent permettre d’obtenir « des connaissances et des règlements suffisants pour que toutes les activités liées à l’exploitation minière des fonds marins soient écologiquement durables et fondées sur des données scientifiques ».