Au moins 2253 espèces sont «possiblement en péril» au Canada

Plus le portrait de la biodiversité se précise au Canada, plus on constate une hausse du nombre d’espèces sauvages qui seraient menacées. C’est ce qui se dégage d’un rapport fédéral publié mardi, à quelques jours de l’ouverture de la conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15), et qui démontre que la situation de plusieurs milliers d’espèces est toujours méconnue au pays.
Le rapport Espèces sauvages 2020, qui a nécessité cinq ans de travail, évalue la situation de 50 534 espèces qu’on retrouve au Canada (dont 21 933 présentes au Québec), sur les quelque 80 000 qu’on retrouverait au pays. Cette évaluation ratisse donc très large. Elle comprend autant les champignons que les mammifères marins, en passant par les insectes, les plantes, les mollusques, les poissons, les oiseaux, les reptiles ou les amphibiens.
Les résultats de cette évaluation à l’échelle nationale indiquent que 2253 espèces sont « possiblement en péril » au Canada. Cela comprend 873 espèces « gravement en péril », 1245 « en péril », 40 espèces « présumées disparues » et 95 « possiblement disparues ».
Parmi toutes les espèces « possiblement en péril », 137 ont 75 % ou plus de leur aire de répartition au Canada, dont 105 espèces considérées comme endémiques au Canada (qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans le monde). « Le Canada a une responsabilité importante pour conserver ces espèces », souligne le rapport de 183 pages, qui mentionne peu d’espèces précisément.
Depuis 2000, précise-t-on, « le nombre d’espèces qui sont possiblement en péril identifiées dans les rapports Espèces sauvages a constamment augmenté, surtout à la suite de l’augmentation du nombre d’espèces incluses ». Dans le rapport publié en 2015, on recensait 1659 espèces « possiblement en péril » sur les 29 848 évaluées.
Parmi les catégories d’espèces qui sont les plus menacées, les reptiles sont les plus touchés. À peine 28 % des espèces sont jugées « en sécurité ». Il faut dire qu’ils sont exposés à plusieurs menaces, dont « la fragmentation et la destruction de l’habitat, la mortalité routière, la capture d’individus aux fins du commerce d’animaux de compagnie, les prédateurs, la pollution, les espèces envahissantes, les maladies, et la persécution par les humains ».
Les amphibiens subissent des menaces similaires, selon le rapport fédéral, qui rappelle que « dans certaines régions du Canada, 90 % des milieux humides ont disparu ».
« Manque de connaissances »
Selon les données mises en avant par le gouvernement mardi, « 80 % des espèces évaluées sont en sécurité, tandis que 20 % présentent un certain niveau de risque d’extinction au Canada ».
Cela signifierait qu’au moins une espèce sur cinq serait menacée. Selon ce qui ressort du rapport, il est toutefois impossible d’évaluer la situation de 21 997 des 50 534 espèces en raison d’« un manque de connaissances ». Une telle évaluation permettrait de savoir, par exemple, si l’espèce est en péril ou si son habitat est menacé.
En prenant en compte l’ensemble des 50 534 espèces, le rapport conclut que 39 % sont « apparemment en sécurité ou en sécurité ». « Le pourcentage est faible en raison de la proportion élevée d’espèces inclassables ou non classées », peut-on lire dans le document.
On retrouve des espèces dont la situation actuelle est impossible à préciser dans plusieurs catégories. Des 1395 espèces de poissons connues, 382 sont inclassables. On compte aussi 903 espèces d’abeilles au Canada, dont 590 sont inclassables. Parmi les 5430 espèces connues de papillons, 1426 ne peuvent être classées, de même que 95 des 152 espèces de coraux connues.
De plus, il y a au moins 30 000 espèces pour lesquelles « nous n’avons pas de listes d’où elles se retrouvent au Canada, précise le rapport. Si elles ne sont pas documentées, les espèces pourraient disparaître sans qu’on s’en rende compte. Dans les rapports futurs, des efforts seront faits pour augmenter le nombre de groupes d’espèces afin de combler ces lacunes dans nos connaissances sur la biodiversité du Canada ».
La publication de cet état de situation survient à quelques jours du début de la COP15, à Montréal. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs réitéré mardi son engagement à protéger 30 % des milieux naturels terrestres et maritimes du pays d’ici 2030.
Portrait « alarmant »
Responsable de la conservation bioculturelle et marine à la Société pour la nature et les parcs du Québec, Véronique Bussières presse d’ailleurs le gouvernement fédéral, mais aussi celui du Québec, à créer de nouvelles aires protégées afin de préserver une diversité d’écosystèmes au pays.
La biologiste estime que le rapport publié mardi dresse « un portrait alarmant » de la situation de la biodiversité au Canada, en soulignant que 20 % des espèces sauvages sont menacées, à divers degrés, d’extinction. Dans ce contexte, elle juge nécessaire de renforcer l’application des lois censées les protéger, dont la Loi sur les espèces menacées et vulnérables du Québec.
« Si plusieurs espèces sont protégées par des lois, la volonté politique n’en permet pas toujours l’application. Il faut aussi s’entendre entre ordres de gouvernement sur les stratégies et mesures à adopter pour protéger et rétablir une espèce comme le cas des caribous forestiers et montagnards », souligne Cyril Frazao, directeur général par intérim de Nature Québec.
Selon lui, la COP15 serait « l’occasion parfaite pour le Québec et le Canada de faire des annonces quant à la protection légale de nouvelles espèces, l’ajout de nouvelles mesures pour le rétablissement d’espèces déjà protégées ou la conclusion de partenariats afin d’améliorer la coopération pour protéger plus efficacement la faune, la flore et les habitats ».