La menace sanitaire des changements climatiques
Coauteurs de L’état du Québec 2023

Ce texte fait partie du cahier spécial L'état du Québec 2023
Les changements climatiques représentent la menace sanitaire la plus importante des prochaines décennies, comme l’a souligné l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans cet extrait d’un entretien réalisé par Sandra Larochelle et Josselyn Guillarmou pour L’état du Québec 2023, une directrice et deux directeurs régionaux de santé publique nous parlent des inégalités sociales de santé entre des communautés qui vivent dans des environnements très différents à Montréal, dans la Capitale-Nationale, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.
Les citoyennes et les citoyens ne sont pas tous égaux face à la santé, et cela est d’autant plus vrai face aux changements climatiques. Comment ces inégalités se manifestent-elles concrètement pour vous ?
Yv Bonnier Viger : Les impacts des changements climatiques vont se faire ressentir différemment selon les populations, mais aussi selon les régions. On sait que le réchauffement est beaucoup plus intense au nord, donc dans des régions comme le Nunavik. Au-delà de la fonte des glaciers et de la libération d’espaces autrement pris dans les glaces, on constate actuellement la fonte du pergélisol sur lequel les maisons sur pilotis sont bâties. La fonte des glaciers entraîne aussi une augmentation du niveau de la mer et un réchauffement de l’eau. Cela va avoir un effet sur l’ensemble des territoires qui sont proches de la mer. Je pense évidemment à la Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine en particulier, mais cela touchera toutes les côtes maritimes. On assiste déjà à des phénomènes d’érosion côtière importante. Dans la forêt boréale, les feux sont de plus en plus intenses et fréquents. Ça menace évidemment les communautés autochtones, comme les Cris ou les Innus qui vivent dans ces régions. Voilà autant d’éléments que l’on doit prendre en compte en tant que directions régionales de santé publique pour nous préparer, repenser nos infrastructures et nous adapter.
André Dontigny : Il est vrai qu’à travers notre mission, nous nous intéressons particulièrement aux personnes qui sont plus vulnérables face aux changements climatiques. Spécifiquement, cela concerne les personnes vieillissantes, mais aussi les personnes qui se retrouvent dans des situations socio-économiques difficiles. C’est le cas, par exemple, lorsqu’il y a des épisodes de chaleurs extrêmes, car les îlots de chaleur se retrouvent dans les quartiers les plus défavorisés. Et puis, il y a de plus en plus de phénomènes climatiques extrêmes qui ont et auront des conséquences aiguës sur la santé et d’autres enjeux, comme l’accès à l’alimentation, en raison des perturbations annoncées sur le plan agricole. Le phénomène ne touche évidemment pas que le Québec, mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas faire des efforts pour mieux nous adapter aux situations d’urgence et aux différentes menaces et réduire les risques sanitaires […].
Mylène Drouin : À Montréal, ma perspective d’intervention est urbaine et, dans ce contexte, l’exemple de la chaleur extrême est instructif. Comme le mentionne André, il y a des populations plus vulnérables qui, de par leur milieu de vie, leur logement, le type de travail qu’elles exercent, sont davantage exposées à cette chaleur. On le voit dans certains quartiers minéralisés, dans certains appartements mal construits et mal isolés. Cela est également vrai quand on pense à la capacité d’adaptation des populations à faibles revenus. Leur accès à des parcs, à des logements plus grands et climatisés est souvent limité. On doit également s’interroger sur les mesures d’adaptation mises en place pour ne pas accroître davantage les inégalités existantes. Par exemple, le verdissement des villes est primordial, mais il faut s’assurer que la création de quartiers verts ou de parcs ne conduise pas à gentrifier les quartiers et à déplacer les populations vulnérables vers des zones excentrées et mal desservies par les services.
À propos des auteurs :
Mylène Drouin, directrice régionale de santé publique de Montréal
Yv Bonnier Viger, directeur régional de santé publique de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
André Dontigny , directeur régional de santé publique de la Capitale-Nationale
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