Ottawa et Québec exhortés à s’engager concrètement pour la biodiversité

Le « Collectif COP15 » réclame l’agrandissement du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, en raison notamment de son rôle d’«habitat essentiel» du béluga.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir Le « Collectif COP15 » réclame l’agrandissement du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, en raison notamment de son rôle d’«habitat essentiel» du béluga.

Les gouvernements du Québec et du Canada doivent faire preuve de « leadership » avant la Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15), qui se tiendra à Montréal en décembre. Un regroupement de 67 organisations mobilisées en vue de l’événement plaide pour des « gestes concrets » de protection des milieux naturels et des espèces menacées au cours des prochaines semaines.

« La COP15 pourrait être l’événement le plus important pour la biodiversité de la décennie, a fait valoir jeudi le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec (SNAP Québec), Alain Branchaud. Cette conférence, qui doit adopter un cadre mondial pour stopper le déclin du vivant et faire de la protection de la nature un fondement de notre société, pourrait être l’équivalent de la conférence de l’ONU qui a permis l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat en 2015. »

Dans ce contexte, le Collectif COP15, qui compte des groupes environnementaux et de la société civile, demande aux gouvernements du Québec et du Canada « des gains concrets en matière de protection des milieux naturels et des espèces menacées » d’ici la tenue de la conférence de l’ONU, du 7 au 19 décembre.

M. Branchaud cite en exemple l’agrandissement du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, qui est à l’étape de projet depuis plusieurs années, mais aussi la protection « intégrale » de la rivière Magpie, où un projet d’aire protégée a été mis de côté par le gouvernement Legault en 2020 pour conserver son potentiel de développement hydroélectrique.

À Montréal, le regroupement réclame notamment « la réalisation d’un grand parc-nature » dans l’est de l’île qui viendrait « corriger un déficit d’accès ».

Biodiversité et climat, étroitement liés

 

Les gouvernements du Québec et du Canada, qui soutiennent financièrement les événements qui seront organisés par le collectif, sont aussi invités à faire preuve de « leadership » et à mettre en oeuvre les grands objectifs des négociations qui réuniront 196 parties membres de la Convention sur la diversité biologique : protéger 30 % du territoire terrestre et marin d’ici 2030, offrir le soutien financier nécessaire pour atteindre les cibles et imposer des « mesures contraignantes » pour y parvenir.

« Nous ne pourrons pas lutter contre les changements climatiques et prévenir les prochaines pandémies sans protéger la nature », souligne David Cooper, secrétaire exécutif adjoint du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, qui a pris la parole lors de l’événement de lancement du collectif jeudi.

« Pour assurer le succès de la COP15 et l’atteinte des objectifs de la Convention et du cadre mondial sur la diversité biologique, les gouvernements et les parties prenantes de tous les secteurs devront travailler ensemble, tant dans le processus de décision que dans la mise en oeuvre de ces décisions », ajoute M. Cooper.

En marge de la réunion onusienne, le Collectif COP15 compte organiser une conférence internationale sur « les causes sous-jacentes responsables de la perte de biodiversité », une manifestation à Montréal et des « dialogues pour la biodiversité ouverts au public pour vulgariser les enjeux des négociations ».

Selon le regroupement, il reste encore beaucoup à faire pour que le déclin de la biodiversité obtienne autant d’attention que le réchauffement climatique. « Il y a une incompréhension de la part des gouvernements, qui s’attaquent à la crise climatique et à la crise de la biodiversité séparément. Mais ces deux crises sont liées. En protégeant des milieux naturels, on protège des espèces, mais aussi des puits de carbone », explique Anne-Céline Guyon, chargée de projet climat à Nature Québec.

Échecs

 

Prévue initialement en octobre 2020 en Chine, la COP15 a été repoussée maintes fois. Une première partie protocolaire s’est tenue à Kunming en octobre 2021. La conférence qui se tiendra à Montréal devait d’ailleurs avoir lieu dans cette ville du sud-ouest de la Chine. Son déplacement au Québec a été annoncé en juin, puisque Pékin applique de nombreuses restrictions anti-COVID qui rendaient difficile la tenue de l’événement dans le pays.

Le temps presse pour la protection de la biodiversité, puisque les États ont échoué à tenir leurs engagements sur la dernière décennie et que la dégradation de la nature, qui fournit eau potable, air et nourriture, se poursuit à un rythme effréné.

Des espèces de mammifères qui disparaissent de plus en plus rapidement, victimes du braconnage et de la destruction de leurs habitats naturels ; des populations d’oiseaux, d’amphibiens, d’insectes ou de poissons en chute libre ; des écosystèmes jadis riches rayés de la carte au nom de l’étalement des activités humaines : les voyants sont plus que jamais au rouge, à l’image de la « liste rouge » de l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui recense les espèces menacées et qui s’allonge année après année.

En entrevue au Devoir au début du mois de juin, la secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique, Elizabeth Maruma Mrema, citait en exemple le portrait dressé par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) : pas moins d’un million d’espèces animales et végétales, sur le nombre de quelque huit millions estimé sur Terre, sont menacées d’extinction, dont « beaucoup dans les prochaines décennies ».

L’activité humaine est directement en cause dans les déclins observés un peu partout dans le monde. Déforestation, agriculture intensive, surpêche, urbanisation galopante, braconnage, exploitation des ressources naturelles non renouvelables : 75 % de l’environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines, et 66 % de l’environnement marin est également touché, selon l’IPBES.

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