Le retard climatique demeure énorme à l’aube de la COP27

À moins de trois semaines de la prochaine conférence climatique de l’ONU (COP27), le fossé qui sépare les engagements des États des exigences scientifiques pour limiter le réchauffement est toujours aussi profond, révèle un nouveau rapport publié mercredi.
La plus récente mise à jour des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre des États dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat démontre ainsi que le respect de cette entente internationale est loin d’être acquis, ce qui menace directement l’objectif de limiter les dérèglements climatiques au cours des prochaines décennies.
Pour espérer ne pas dépasser un réchauffement moyen de 1,5 °C, l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) calcule que les émissions mondiales de GES devraient reculer de 43 % par rapport au niveau de 2019 d’ici 2030. Elles devraient ensuite être réduites à un « net zéro » à l’horizon 2050.
Or, un nouveau rapport publié mercredi par le World Resources Institute (WRI), un centre de réflexion américain spécialisé dans les analyses environnementales, estime que l’ensemble des engagements actuels mis en avant par les États conduiraient à une réduction d’à peine 7 % des émissions de GES d’ici 2030. Il faudrait donc que les pays s’engagent à réduire « six fois plus » leurs émissions pour espérer limiter les impacts du réchauffement à un niveau jugé viable par la science climatique.
Pour en arriver à ce constat, le WRI a calculé les « contributions déterminées au niveau national », soit les engagements volontaires pris par les États. Celles-ci se trouvent au coeur de l’Accord de Paris. Elles permettent de préciser les efforts déployés par chaque pays pour réduire ses émissions nationales et s’adapter aux effets du réchauffement climatique.
Sept ans après Paris
Les constats du nouveau rapport du WRI signifient que la situation a peu évolué depuis la conférence climatique de Glasgow (COP26), à l’automne 2021. À ce moment, les Nations unies ont indiqué que le manque d’ambition conduit la planète sur une trajectoire de réchauffement d’au moins 2,7 °C. Celui-ci atteint déjà 1,2 °C.
Qui plus est, de nouvelles données publiées mercredi par l’Agence internationale de l’énergie indiquent que les émissions mondiales de gaz à effet de serre imputables à la combustion d’énergies fossiles vont augmenter de 300 millions de tonnes en 2022, pour atteindre 33,8 millards de tonnes. La production d'électricité et le secteur de l’aviation ont largement contribué à cette croissance.
Pour le porte-parole de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, le WRI dresse un portrait de l’échec climatique international. « Sept ans après l’Accord de Paris, il existe encore un écart gigantesque entre l’objectif de l’accord et les engagements des pays. »
« Tous les pays doivent redoubler d’ardeur, à commencer par les plus riches qui ont le devoir d’assumer le leadership climatique. Le Canada et le Québec sont d’ailleurs loin d’être des exemples, alors que leurs cibles de réductions de GES sont bien moins ambitieuses que ce qu’exige la science et qu’ils n’ont pas de plan pour les atteindre », déplore-t-il.
« Le défi est énorme, mais tous les pays sont dans le même bateau, et la recette du succès est connue. Il faut réduire radicalement les émissions, ne plus ajouter de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles, protéger et restaurer les écosystèmes et les puits de carbone et aider financièrement les pays en développement ainsi que les plus vulnérables. »
L’action « au point mort »
Au début du mois d’octobre, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a d’ailleurs de nouveau critiqué la lenteur des États à agir pour réduire leurs émissions de GES. « Le chaos climatique avance au galop, mais l’action climatique, elle, est au point mort », a-t-il illustré.
Il a également dénoncé le retard et les carences des engagements collectifs des gouvernements du G20, qui en l’état actuel compromettent les chances de limiter l’augmentation de la température mondiale. « C’est une question de vie et de mort, pour notre sécurité aujourd’hui et pour notre survie demain », a-t-il insisté.
M. Guterres a du même souffle demandé aux pays développés de montrer « plus de clarté » sur la réalisation de leur promesse de fournir 100 milliards de dollars par an pour soutenir l’action climatique dans les pays en développement et sollicité « des preuves » sur la façon dont ils doubleront à au moins 40 milliards de dollars le financement de l’adaptation climatique en 2025, comme convenu à la COP26.
« Sur tous les fronts climatiques, la seule solution est une action décisive et solidaire », a insisté António Guterres, exhortant les dirigeants à participer à la COP27 de Charm el-Cheikh, en Égypte, « pour montrer qu’ils participent eux aussi à ce combat ».
Des cibles en deçà des augmentations
Le GIEC indique dans son plus récent rapport que, pour espérer limiter le réchauffement planétaire à une moyenne de 1,5 °C, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2019.
Le Canada a choisi une cible de réduction de 40 % d’ici 2030, par rapport à 2005. Cela signifie que le pays devrait alors émettre 443 millions de tonnes (Mt) de GES. Si on appliquait ici la cible inscrite dans le rapport du GIEC, les émissions devraient atteindre 416 Mt en 2030. La différence, soit 27 Mt, équivaut aux émissions annuelles de 11 millions de voitures.
Le Québec a opté pour une cible de réduction de 37,5 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990. Cela devrait ramener les émissions annuelles de GES à 54 millions de tonnes en 2030. Si on appliquait ici la cible inscrite dans le rapport du GIEC, les émissions devraient atteindre 48 Mt en 2030. La différence, soit 6 Mt, équivaut aux émissions annuelles de 2,4 millions de voitures.