Que promettent les partis sur le transport et les industries?

Les secteurs du transports et des industries représentent, à eux seuls, près des trois quarts des émissions totales de GES du Québec.
Valérian Mazataud Le Devoir Les secteurs du transports et des industries représentent, à eux seuls, près des trois quarts des émissions totales de GES du Québec.

Au Québec, 43,3 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent des transports et 29,4 % du secteur des industries. Ces deux secteurs représentent, à eux seuls, près des trois quarts des émissions totales de la province, ce pourquoi les partis en lice dans la campagne électorale ont multiplié les engagements pour électrifier les transports, inciter les déplacements en transport collectif et décarboner le secteur industriel.

Pour y voir plus clair, Le Devoir vous résume les engagements des partis concernant les deux secteurs émettant le plus de GES — et ce qu’en pensent les experts.

Électrification des véhicules

Coalition avenir Québec

  • Interdire la vente des véhicules à essence à partir de 2035
  • Tripler le nombre de bornes de recharge de niveau 2 et doubler le nombre de bornes de recharge rapide
  • Électrifier 65 % des autobus scolaires, 55 % des autobus urbains et 40 % des taxis d’ici 2030
  • Électrifier tous les véhicules légers de la flotte gouvernementale, 25 % des camionnettes d’ici 2030 et 100 % des véhicules lourds d’ici 2040

Parti libéral du Québec

  • Tripler le nombre de bornes de recharge du réseau public
  • Ajouter des bornes électriques à tous les nouveaux bâtiments
  • Électrifier davantage la flotte gouvernementale (pas de cible précise)
  • Bonifier le programme Roulez vert
  • Encadrer les publicités des véhicules pour mieux indiquer la consommation d’essence

Québec solidaire

  • Devancer à 2030 l’interdiction de vendre des voitures à essence
  • Imposer un bonus-malus pour les véhicules traditionnels de passagers (voitures et camions légers à essence, au diesel, au gaz naturel et au propane) représentant en moyenne 15 % du prix d’achat entre 2023 et 2030
  • Interdire l’immatriculation des véhicules à essence à partir de 2040

Parti québécois

  • Devancer à 2030 l’interdiction de vendre des voitures à essence
  • Rétablir la subvention à l’achat d’un véhicule électrique neuf de 8000 $
  • Pénalité appliquée à l’achat de véhicules à essence à partir de 2027
  • Un marché composé de 50 % de véhicules électriques en 2025 et de 75 % en 2027

Parti conservateur du Québec

  • Électrifier progressivement les transports et en assurer le financement en exploitant nos hydrocarbures
  • Cesser progressivement les subventions aux véhicules électriques

Alors que la Coalition avenir Québec garde le cap sur 2035 pour interdire la vente de véhicules à essence, Québec solidaire et le Parti québécois proposent de devancer l’interdiction à 2030. Pour Charles Séguin, professeur au Département des sciences économiques de l’UQAM, la date risque de ne pas changer grand-chose pour les consommateurs — d’autant que l’objectif 2035 de la CAQ est aussi celui de la Californie pour interdire les véhicules à essence.

« On sait que, quand [la Californie] va faire le changement, ça va probablement beaucoup influencer les constructeurs automobiles dans leur offre de gamme de véhicules électriques ici, note M. Séguin. Si on devance [cette politique] à 2030, comme le proposent le Parti québécois et Québec solidaire, il va peut-être y avoir des difficultés d’approvisionnement pendant cinq ans. Ce n’est pas la décision du Québec qui va influencer le choix des constructeurs, on n’est pas assez gros à ce niveau-là. »

Pour Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, trop peu de mesures ont été proposées pour s’attaquer au potentiel enjeu des gros véhicules électriques. « Il va falloir créer des taxes pour décourager l’achat de gros véhicules électriques, parce qu’ils vont consommer beaucoup d’électricité et que ça va s’ajouter à la pointe hivernale. Il y a donc un coût pour l’ensemble de la société en matière de développement des infrastructures électriques », dit-il.

Transport en commun

 

Coalition avenir Québec

  • Construction d’un pont d’étagement enjambant l’A-25 destiné aux autobus, aux voitures, aux cyclistes et aux piétons
  • Prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal
  • Prolongement du REM de l’Est jusqu’à la région de Lanaudière

Parti libéral du Québec

  • Gratuité des transports en commun pour les étudiants et pour les personnes âgées de 65 ans et plus
  • Un passeport mobilité serait instauré, soit une application et une carte de mobilité universelle utilisable dans tous les services de transports durables du Québec

Québec solidaire

  • Réduction de 50 % du prix des titres de transport collectif, dans un objectif de gratuité à long terme
  • Création de Québec-Rail et de Québec-Bus, deux organismes publics qui auraient pour mission d’offrir du transport interurbain partout au Québec
  • Prolongement de deux lignes de métro de Montréal existantes (verte et orange) et construction d’une nouvelle ligne de métro (mauve) reliant l’est de Laval au centre-ville

Parti québécois

  • Instaurer une « PasseClimat » au coût de 365 $ par année pour l’utilisation illimitée des transports en commun partout au Québec, tous modes confondus
  • Doubler l’offre de service de transport en commun d’ici 2035
  • Doubler, sur la période 2023-2033, les investissements en transport collectif dans le Plan québécois des infrastructures
  • Soutenir le déploiement de services d’autopartage et de vélopartage dans toutes les régions du Québec

Parti conservateur du Québec

  • Projet-pilote de transport en commun gratuit pour tous dans la région de Québec, projet qui pourrait ensuite être déployé partout dans la province selon les résultats de l’expérience faite à Québec

De la gratuité à la réduction des prix, en passant par un laissez-passer offrant un tarif annuel, plusieurs partis misent sur l’accessibilité financière au transport en commun. Normand Mousseau avoue d’emblée ne pas « être chaud à l’idée de la gratuité ». Pour le chercheur, il faut d’abord miser sur un renforcement du service et de grands projets appuyant la capacité de se déplacer.

« Si on veut que les gens puissent abandonner la voiture, il faut avoir des services de transport interurbain efficaces, fréquents et accessibles. Québec solidaire le propose avec Québec-Bus et Québec-Rail. […] Le PQ, sans donner de détails, dit qu’on va doubler l’offre de service de transport en commun d’ici 2035. Il y a donc quand même une volonté d’augmenter le service », note M. Mousseau.

Les tarifs n’auraient qu’un impact « très faible », croit M. Séguin, de l’UQAM. Pour lui, il serait plus avisé d’agir sur le coût d’utilisation de l’automobile. « On a souvent dit que les gens ne réagissaient pas beaucoup au prix de l’essence. Mais quand on a eu les grosses augmentations cette année, quand le prix a monté au-dessus de 2 $ le litre, là, on a vu que les gens réagissaient. »

Empreinte carbone des industries

 

Coalition avenir Québec

  • Prioriser les interventions dans les activités où les technologies sont opérationnelles et offrent le meilleur potentiel d’électrification
  • Assurer une contribution du secteur industriel à l’atteinte de la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 2030 par une diminution des allocations gratuites qui leur sont octroyées
  • Miser sur la compétitivité du secteur industriel en tenant compte de l’évolution de la tarification du carbone ailleurs dans le monde

Parti libéral du Québec

  • Soutenir le développement de projets industriels d’alimentation à l’hydrogène vert
  • Convier tous les acteurs liés à l’industrie à un sommet sur l’hydrogène vert
  • Prévoir des cibles de carboneutralité spécifiques aux secteurs pétrolier et gazier

Québec solidaire

  • Mettre en place des quotas d’émission spécifiques pour toutes les industries émettant plus de 10 000 tonnes de CO2 par année
  • Instaurer une taxe dissuasive sur les émissions excédentaires de 100 $ la tonne, qui atteindrait 205 $ la tonne en 2030
  • Limiter le recours aux crédits carbone en exigeant des grands émetteurs qu’ils réalisent au moins 70 % de leurs réductions d’ici 2030 localement

Parti québécois

  • Rehausser significativement la valeur des droits d’émission du SPEDE (mesure d’aide pour la décarbonation du secteur industriel québécois)
  • Promouvoir l’économie circulaire, notamment en développant des systèmes de traçabilité des matériaux de construction
  • Développer un programme d’appui technique et financier pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone en industrie

Parti conservateur du Québec

  • Miser sur la captation du carbone pour un meilleur contrôle des rejets industriels et agricoles
  • Exiger l’abolition de la taxe fédérale sur le carbone tout en maintenant la Bourse du carbone au Québec, pour verser le fruit des taxes actuelles à un Fonds des générations

Au Québec, le secteur de l’industrie vient au deuxième rang quant aux émissions de GES, avec des rejets évalués à 29,4 % des émissions totales. Dans ce secteur, 50,1 % des émissions proviennent de la combustion, 49,3 % sont issues des procédés et de l’utilisation des produits et 0,6 % sont des émissions fugitives. Les émissions de GES du secteur de l’industrie ont par ailleurs diminué de 22,7 % entre 1990 et 2019.

Pour réduire davantage les émissions de ce secteur, M. Mousseau croit que les efforts concernant la production de chaleur sont nécessaires. « Selon moi, on aurait pu être beaucoup plus exigeant en ce qui concerne la production de la chaleur pour décarboner, puisque c’est quand même la moitié des émissions de l’industrie », rappelle-t-il.

Globalement, si M. Séguin applaudit aux programmes électoraux en environnement, qui « s’améliorent » au fil des campagnes, un élément l’a toutefois laissé sur sa faim, et ce, de la part de tous les partis. « On n’a pas assez mis l’accent sur l’adaptation aux changements climatiques. Même si on réduit nos émissions, [notre avenir] va dépendre de ce qui va se passer aux États-Unis, en Inde et en Chine. La seule chose qu’on contrôle, c’est notre adaptation à ces changements », conclut M. Séguin.

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