Les villes sur la ligne de front du combat climatique

Jean-François Venne
Collaboration spéciale
Entre 67% et 72% de toutes les émissions de GES mondiales proviennent des zones urbaines, selon le GIEC.
Photo: Ryan Herron iStock Entre 67% et 72% de toutes les émissions de GES mondiales proviennent des zones urbaines, selon le GIEC.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche

Plus de la moitié de la population vit dans des zones urbaines et pas moins de sept personnes sur dix y habiteront d’ici 2050, selon la Banque mondiale. Les villes constituent donc des acteurs de première importance dans la lutte contre les changements climatiques.

Près de huit personnes sur dix au Québec résident déjà en zone urbaine, tout comme dans le reste du Canada, aux États-Unis et en Europe. Plusieurs pays d’Asie comme le Japon (92 % !), la Corée du Sud et l’Australie atteignent ou dépassent ces seuils. Et l’Afrique subsaharienne connaît une explosion démographique qui gonfle la taille de ses villes à la vitesse grand V.

« Les agglomérations urbaines forment de grandes concentrations de population et d’activité ; elles émettent donc de grandes quantités de gaz à effet de serre (GES) », souligne Sophie Van Neste, professeure agrégée d’action politique au Centre urbanisation culture et société de l’INRS.

De fait, entre 67 et 72 % de toutes les émissions de GES mondiales proviennent des zones urbaines, calcule le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Selon lui, les villes pourraient atteindre une quasi-carboneutralité en 2050 si elles adoptaient des mesures importantes d’atténuation des émissions, comme l’électrification et une meilleure efficacité énergétique.

Des avancées intéressantes

 

La professeure Van Neste rappelle que les villes possèdent de nombreux leviers d’action dans la lutte contre les changements climatiques. Elles détiennent des budgets à investir, elles peuvent adopter des règlements et elles se trouvent au centre de beaucoup d’activités de planification, de concertation et de construction avec les organismes locaux et la population citoyenne.

« Les villes prennent beaucoup de décisions relatives à la construction et à l’utilisation des infrastructures de mobilité, d’eau et d’énergie ou encore à l’aménagement du territoire, illustre-t-elle. Or, cela représente un peu le coeur de ce que nous devons transformer pour réduire les émissions de GES. »

En tant que titulaire de la Chaire de recherche du Canada en action climatique urbaine, Sophie Van Neste pose justement un regard critique sur les actions des villes nord-américaines face aux changements climatiques. Elle a noté plusieurs avancées dans les efforts d’utilisation de la réglementation pour installer les activités et les services près des transports collectifs, bien qu’il reste du travail à accomplir sur ce plan.

Elle se réjouit aussi de constater plus de liens qu’avant entre différents champs d’action. C’est le cas, par exemple, du logement social et du verdissement ou encore de l’urbanisme et de la mobilité. Ces liens se tissent beaucoup à l’interne, mais également de plus en plus fréquemment avec des partenaires de la société civile.

La Chaire porte une attention particulière aux questions de justice climatique et aux inégalités que les réponses apportées aux changements climatiques peuvent générer. « On constate partout dans le monde que, trop souvent, les solutions mises de l’avant exacerbent les inégalités, ce qui devient contre-productif, même sur le plan des changements climatiques », explique Mme Van Neste.

C’est le cas, par exemple, de l’embourgeoisement vert. Quand des villes décident de planter beaucoup d’arbres et de créer des parcs et des espaces verts dans des quartiers qui en manquent, elles peuvent contribuer à faire augmenter la valeur des terrains, des propriétés et des loyers. Des résidents devront alors quitter leur quartier, devenu inabordable pour eux.

Rester inclusif

 

La chercheuse rappelle par ailleurs que si les villes possèdent des moyens d’action, elles ne détiennent pas tous les leviers. Certains demeurent la prérogative de paliers gouvernementaux supérieurs. Elles manquent aussi souvent de financement pour se montrer plus ambitieuses, encore là parce que les budgets relèvent d’autres autorités. C’est le cas, par exemple, dans le logement social ou abordable où la construction se fige rapidement lorsque l’argent n’arrive plus du gouvernement provincial.

Cela n’a pas empêché la Ville de Montréal de s’engager à devenir carboneutre d’ici 2050 et à réduire ses émissions de GES d’au moins 55 % sous le niveau de 1990 d’ici 2030. Son plan climat actuel comporte 46 mesures réparties dans cinq chantiers : mobiliser la communauté ; mobilité, urbanisme et engagement ; bâtiments ; exemplarité de la Ville et gouvernance. En mai dernier, Montréal a même devancé de dix ans la cible de 2050 pour des bâtiments zéro émission.

« Ce plan contient beaucoup d’éléments positifs et ambitieux, note Mme Van Neste. Cependant, la question de l’inclusion y apparaît moins précise que dans le plan de Vancouver, par exemple, qui identifie mieux les populations que les nouvelles mesures risquent d’affecter et qui propose davantage de pistes de solution. Cet aspect reste à travailler. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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