La crise climatique risque de provoquer des pénuries d’eau au Québec
Frappé de plein fouet par les effets de la crise climatique, le Québec pourrait faire face à des pénuries d’eau potable au cours des prochaines décennies. Le réchauffement appréhendé aura aussi des conséquences négatives sur la santé de la population, sur l’économie et sur la biodiversité, selon ce qui se dégage d’un nouveau rapport publié mardi. Pourtant, les mesures d’adaptation demeurent nettement insuffisantes, selon les scientifiques.
Dans un contexte de bouleversements climatiques, le Québec sera davantage vulnérable aux inondations, mais aussi aux périodes de fortes baisses des niveaux d’eau, prévient le rapport Perspectives régionales, financé par le gouvernement fédéral et rédigé principalement par des experts du consortium scientifique Ouranos.
Ces épisodes « plus sévères et plus longs » risquent d’« affecter la disponibilité et la qualité » de l’eau potable au Québec. « L’augmentation des étiages, notamment dans le fleuve Saint-Laurent, pourrait causer des dégâts considérables compte tenu du fait que ce fleuve est la source d’approvisionnement en eau potable de près du tiers de la population québécoise. » Le manque d’eau risque aussi d’avoir un impact sur l’irrigation des terres agricoles et la navigation commerciale.
« Une telle situation s’ajouterait aux nombreuses pressions anthropiques déjà existantes, telles que l’industrialisation, l’urbanisation, les activités agricoles, la villégiature et l’absence ou l’insuffisance de certains systèmes de traitement des eaux usées qui, au fil des ans, ont détérioré la qualité des eaux », affirme-t-on dans le document de 127 pages, qui s’inscrit dans une série de rapports sur la situation dans les différentes régions du Canada.
Le Québec devra donc être nettement plus prudent avec l’utilisation de l’eau, souligne Angelica Alberti-Dufour, spécialiste en recherche et mobilisation des connaissances chez Ouranos. « Il faudra un changement de mentalité, parce qu’historiquement, nous avons tendance à croire que les ressources en eau sont infinies. » Résultat : chaque Québécois consomme en moyenne plus de 400 litres d’eau par jour.
Chaleur extrême
Ce rapport constate par ailleurs que le Québec se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale. Depuis 1950, la température moyenne de la province a augmenté de 1 °C à 3 °C selon les régions.
Ce n’est toutefois que le prélude de ce qui nous attend. Si aucune mesure de réduction majeure des gaz à effet de serre n’est prise à l’échelle mondiale, « les températures moyennes annuelles au Québec pourraient continuer d’augmenter de 3,5 °C à l’horizon 2050 par rapport à la période 1981-2010. À l’horizon 2080, ces changements pourraient atteindre plus de 6 °C ».
Ce réchauffement généralisé accentuera notamment la « extrêmes climatiques », comme par exemple les vagues de chaleur. Ainsi, « les épisodes de chaleur extrême durant l’été sont appelés à s’intensifier en durée et en fréquence ». Or, sur des périodes prolongées, « cette chaleur a de nombreuses répercussions négatives sur la santé des populations ». En effet, « elle favorise la formation de smog et dégrade la qualité de l’air».
Qui plus est, « au-delà de certains seuils, ces températures peuvent provoquer des problèmes de santé comme des coups de chaleur et de la déshydratation, et sont liées à des taux de mortalité plus élevés ». Le rapport rappelle du même coup que « les principaux groupes vulnérables sont les personnes âgées et les personnes plus jeunes qui ont déjà des problèmes de santé, notamment de santé mentale, ainsi que des personnes vivant dans des milieux défavorisés ».
Érosion des côtes
En plus des risques liés à la chaleur — principalement en milieu urbain, où habite 80 % de la population —, le rapport permet de constater que les répercussions du réchauffement planétaire se manifesteront de différentes manières selon les régions. Le Québec maritime, par exemple, est plus que jamais aux prises « avec des enjeux importants d’érosion et de submersion côtières, exacerbés par la réduction du couvert de glace qui amplifie l’impact des tempêtes ». Plus de la moitié du littoral est déjà en érosion.
Sur la Côte-Nord, dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, cette érosion causera de sérieux maux de tête au ministère des Transports du Québec. Le ministère a d’ailleurs déjà relevé pas moins de 173 segments de route vulnérables. Un « programme d’intervention », qui pourrait s’avérer coûteux, devrait suivre au cours des prochaines années.
Les forêts québécoises risquent elles aussi de pâtir de décennies d’inaction climatique mondiale. « Des modifications au régime de feux pourraient faire en sorte que ceux-ci deviennent la plus grande menace posée par les changements climatiques sur les forêts du Québec », et donc sur l’industrie forestière, qui en dépend.
Culture et adaptation
Le secteur de l’agriculture pourrait par ailleurs connaître des gains et des pertes. Si la culture du soya peut être facilitée, celles qui sont mieux adaptées aux régions fraîches, comme le canola, l’orge et le blé, risquent d’être pénalisées. « Les épisodes de pluie intense et l’excès d’eau accentueront quant à eux les risques déjà importants de dommages aux cultures, de ruissellement de surface et d’érosion des sols. »
Par ailleurs, les écosystèmes naturels seront perturbés par l’augmentation des températures. En moyenne, les habitats favorables pour de nombreuses espèces fauniques et floristiques pourraient se déplacer d’environ 45 kilomètres vers le nord par décennie, « ce qui est très rapide ». « Certaines espèces indigènes, notamment les arbres et autres végétaux, n’auront pas la capacité de suivre le rythme de déplacement», peut-on lire dans le rapport.
La priorité est la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est nécessaire. Mais il ne faut pas oublier que l’atteinte de la carboneutralité devra être planétaire si on veut stabiliser le climat.
Dans ce contexte d’impacts appréhendés, le directeur d’Ouranos, Alain Bourque, note l’insuffisance des mesures d’adaptation mises en oeuvre au Québec. « C’est clair qu’il n’y a pas assez d’efforts en adaptation », affirme-t-il, tout en soulignant que plusieurs mesures ont tout de même été prises, pour réduire les risques liés aux inondations par exemple.
« La priorité est la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est nécessaire, ajoute M. Bourque. Mais il ne faut pas oublier que l’atteinte de la carboneutralité devra être planétaire si on veut stabiliser le climat. Le Québec doit donc aussi investir en adaptation, parce qu’on ne sait pas si les autres États seront assez ambitieux. Et comme la locomotive climatique est déjà bien lancée, une partie des changements est inéluctable au cours des prochaines années. »
Dans le cadre du programme de mise en oeuvre 2022-2027 de son Plan pour une économie verte, le gouvernement Legault a annoncé plus tôt cette année des investissements de 437 millions de dollars pour « renforcer la résilience ». Cela représente un peu plus de 5 % des 7,6 milliards de dollars prévus.