Une plus grande contribution demandée aux minières

Les Québécois souhaitent que les compagnies minières contribuent davantage aux deniers publics pour pouvoir extraire les ressources du sol et polluer, selon un sondage Léger commandé par la Coalition Québec meilleure mine.
Six mesures fiscales ou économiques ont été soumises au jugement de 995 personnes formant un échantillon représentatif de la population québécoise, lors d’un sondage Web mené entre les 15 et 18 juillet derniers. Il s’agit de mesures qui, de l’avis des membres de la Coalition, peuvent favoriser de meilleures pratiques environnementales. Ces résultats constituent la deuxième partie d’un sondage dévoilé le 2 août dans nos pages.
L’idée « d’appliquer le principe pollueur-payeur pour que l’industrie paie la totalité de ses impacts sur l’environnement et la santé publique » est appuyée par 83 % des répondants. Environ 79 % des sondés sont également favorables à ce que soient augmentées « les tarifications environnementales pour les volumes d’eau utilisés et les volumes de déchets miniers générés ».
« L’industrie génère énormément de déchets miniers et consomme beaucoup d’eau pour sa production. Actuellement, il y a une tarification qui existe, mais elle est ridicule et n’a aucune incidence sur les choix des entreprises », affirme Ugo Lapointe, co-porte-parole de la Coalition.
Selon un règlement du ministère de l’Environnement, les sociétés minières doivent débourser entre 0,0223 $ et 0,0355 $ par tonne de résidus de traitement minier déposés annuellement dans une aire d’accumulation. Selon les calculs de la Coalition Québec meilleure mine, un minimum de 97,9 millions de tonnes de résidus miniers ont été générés au Québec en 2020, ce qui reviendrait à 3,5 millions de dollars payés par cette industrie, qui avait la même année une production de 11,6 milliards de dollars.
En comparaison, les lieux d’enfouissement doivent payer des redevances de 24,32 $ par tonne de matières résiduelles reçue. Par ailleurs, les compagnies minières bénéficient d’un plafond de un million de dollars par établissement pour le total des droits concernant l’eau, l’air et les résidus miniers. Quant à la tarification sur l’usage de l’eau, elle est environ 30 % moins élevée qu’en Ontario.
« Si la tarification était assez élevée, ça induirait un incitatif pour que les entreprises changent leur mode de fonctionnement, trouvent des façons de réduire le volume de déchets miniers et d’eau », indique M. Lapointe. Certaines entreprises ne pourraient pas payer la facture, ce qui ferait en sorte que des projets ayant une grande empreinte environnementale n’iraient pas de l’avant, reconnaît M. Lapointe.
Plus de transparence
Le sondage met également en lumière un désir de transparence. Ce sont 82 % des répondants qui souhaitent que soient rendues publiques, « mine par mine, les données sur les revenus, les profits et les impôts versés aux gouvernements ». À cet effet, le coordonnateur du collectif Échec aux paradis fiscaux, William Ross, estime qu’il est difficile d’obtenir de l’information sur le taux d’imposition effectif dans le secteur minier.
« On est capable de savoir combien [les sociétés] ont payé au gouvernement, mais on ne sait pas par rapport à quel revenu ça a été fait », explique M. Ross.
Ces données pourraient notamment permettre au public, selon M. Ross, de juger si cette industrie, qui bénéficie souvent de subventions et de partenariats gouvernementaux, paie sa juste part. Elles pourraient également donner des indices d’évasion fiscale ou d’évitement fiscal.
Si la tarification était assez élevée, ça induirait un incitatif pour que les entreprises changent leur mode de fonctionnement, trouvent des façons de réduire le volume de déchets miniers et d’eau
Selon le philosophe Alain Deneault, l’opinion de la population québécoise n’a pratiquement jamais été prise en compte en ce qui a trait à la gestion de la filière minière. Il considère d’ailleurs le Québec comme un « minéralo-État », « ultrapermissif et opaque ».
« On a, avec ce sondage, une amorce de réflexion sur ce que le peuple veut. Et ce que le peuple nous dit, c’est qu’on désavoue les politiques publiques qui sont menées depuis des décennies. On désavoue l’opacité, le caractère polluant de cette industrie, son côté défiscalisé en grande partie », affirme l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’industrie minière.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec, Jonatan Julien, n’était pas disponible pour commenter les deux volets du sondage Léger