Pas d’évaluation environnementale du troisième lien avant 2023

À un peu plus d’un mois du déclenchement de la campagne électorale, le ministère des Transports du Québec a lancé des travaux préliminaires en vue de la construction du troisième lien, mais il n’a toujours pas déposé l’« avis de projet » qui déclenchera l’évaluation environnementale du futur tunnel. Il ne sera donc pas possible pour les électeurs de connaître les impacts réels du mégaprojet routier, qui sera pourtant un enjeu majeur en environnement en vue du prochain scrutin.
« Aucun avis de projet concernant le projet d’implantation d’un nouveau lien entre Québec et Lévis (3e lien) n’a été déposé au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) », a confirmé le ministère en réponse aux questions du Devoir.
Or, « ce n’est que suivant la réception d’un avis de projet que le MELCC transmet à l’initiateur d’un projet une directive dans laquelle sont précisés les éléments que doit contenir l’étude d’impact », avait rappelé récemment le ministère, dans le cadre d’une demande similaire.
En vertu de la législation québécoise, le promoteur du troisième lien, soit le ministère des Transports du Québec (MTQ), doit en effet d’abord déposer un « avis de projet » au MELCC. Après que le ministère a reçu cet avis, il publie une « directive » qui précise quels sont les éléments qui devront être analysés dans le cadre de l’étude d’impact. Dans le cas d’un projet routier comme ce tunnel, ceux-ci devraient probablement inclure les impacts sur les milieux d’accueil, sur le climat, sur le transport dans la région et sur le fleuve Saint-Laurent, mais aussi les effets psychosociaux associés au projet.
Une fois l’étude déposée au MELCC, plusieurs ministères seront appelés à donner leur avis sur sa « recevabilité ». Ces avis, ainsi que ceux du MELCC, devraient mener à plusieurs échanges entre le promoteur et le ministère. C’est seulement au terme de tout ce processus que l’étude pourra être jugée comme étant recevable. Toutes ces étapes nécessitent habituellement plusieurs mois de travaux.
Mais ce n’est pas tout. La législation prévoit par la suite le déclenchement de la procédure d’évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Ce dernier mènera alors des audiences publiques avant de produire un rapport, qui sera soumis au gouvernement.
Projet « nécessaire »
Quand donc le MTQ compte-t-il déposer son « avis de projet » au MELCC ? Le promoteur du projet routier souterrain de 6,5 milliards de dollars n’a pas répondu précisément à cette question du Devoir. « Nous visons rapidement en 2023 pour le dépôt de l’avis de projet », a toutefois indiqué le MTQ. « Une étude d’impact sur l’environnement a débuté en septembre 2021 et se poursuit », a aussi fait valoir le ministère. Celle-ci est donc menée actuellement sans la « directive » du ministère de l’Environnement.
« Le projet de tunnel Québec-Lévis suivra toutes les étapes environnementales requises, le gouvernement a déjà indiqué son intention de soumettre le projet à la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement », a ajouté le MTQ.
Peu importent les résultats de cette évaluation environnementale, le gouvernement Legault a déjà annoncé qu’il ira de l’avant avec son projet routier. « C’est une infrastructure qui va se construire, n’en déplaise à certaines personnes. Notre rôle est que ça se fasse dans le respect de la Loi sur la qualité de l’environnement et avec le moins d’impacts possible sur l’environnement », a notamment fait valoir fin 2021 le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette. Ce projet est « utile et nécessaire », selon lui.
Le ministre des Transports, François Bonnardel, a pour sa part soutenu qu’il est « faux » de dire que le troisième lien favorisera l’étalement urbain. Selon M. Charette, ce nouveau lien routier conçu pour faciliter les déplacements entre Québec et Lévis serait plutôt « une belle façon » de contrer l’étalement urbain.
Forages dans le fleuve
Preuve de la détermination du gouvernement, des travaux de forage sont en cours directement dans le fleuve Saint-Laurent, à Québec. Huit forages sont prévus d’ici le mois d’octobre, a précisé le MTQ.
Ces forages, qui seront réalisés à partir d’une barge flottante, « font partie d’une étude de caractérisations des sols le long du tracé du tunnel ». C’est la coentreprise SNC-Lavalin/Englobe qui a été mandatée par le ministère pour mener « cette campagne d’investigation géotechnique », incluant des forages et « des analyses en laboratoires » dans le cadre du projet de construction du tunnel Québec-Lévis.
Le MTQ a également indiqué qu’il détient toutes les autorisations nécessaires pour mener ces forages. Pêches et Océans Canada a confirmé que des travaux « de relevés sismiques et de forages » ont été autorisés. Le MELCC a indiqué pour sa part que le promoteur a procédé par « déclaration de conformité » pour obtenir le droit de forer dans le littoral du fleuve Saint-Laurent.
D’autres travaux similaires, lancés en 2020, ont permis de réaliser pas moins de 20 forages. « Ça démontre qu’on fait le travail. On veut réaliser ce projet qui est important pour Lévis et les gens de Québec. C’est une première étape qui est extrêmement sérieuse, d’aller chercher les données scientifiques et techniques qui vont nous amener à prendre les bonnes décisions pour la suite », a expliqué François Bonnardel au cours des derniers jours.
Le tunnelier doit commencer à creuser en 2027, selon l’échéancier actuellement avancé par le gouvernement. Le troisième lien serait en fonction en 2032.