Une approbation définitive de Bay du Nord, avec un bémol

La pétrolière Equinor compte utiliser une « Unité flottante de production, stockage et déchargement en mer » pour l’exploitation du projet « Bay du Nord ».
Rodger Bosch Archives Agence France-Presse La pétrolière Equinor compte utiliser une « Unité flottante de production, stockage et déchargement en mer » pour l’exploitation du projet « Bay du Nord ».

Ce texte est tiré du Courrier de la planète du 12 juillet 2022. Pour vous abonner, cliquez ici.

Est-ce que des pressions citoyennes pourraient arriver à faire reculer Ottawa en ce qui concerne le projet Bay du Nord ? se demande Hélène Létourneau.

L’approbation du projet pétrolier Bay du Nord est définitive et ne peut être révoquée par le gouvernement fédéral à moins que l’entreprise ne respecte pas l’une des conditions qui lui ont été imposées. Des groupes écologistes estiment toutefois que des pressions populaires pourraient encore faire reculer le promoteur.

Ce texte est publié via notre Pôle environnement.

Même s’il le souhaitait, le gouvernement Trudeau n’aurait pas le droit de réanalyser le dossier pour en arriver à un résultat différent, précise Anne-Sophie Doré, avocate au Centre québécois du droit de l’environnement. Seule l’entreprise promotrice du projet dispose de recours pour contester la décision rendue à son endroit.

« Dans ce cas-ci, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale [de 2012] ne prévoit pas de mécanismes afin que le gouvernement puisse modifier une décision prise », explique Me Doré.

Peu de temps après l’approbation de son projet, le promoteur Equinor a revu à la hausse ses ambitions d’extraction pétrolière au large de Terre-Neuve, faisant passer l’ampleur du projet de 300 millions à « plus de 500 millions de barils ».

Malgré tout, le feu vert d’Ottawa demeure inchangé, puisque l’évaluation environnementale fédérale, effectuée en vertu de l’ancienne version de la loi, n’a pas été réalisée en tenant compte de la quantité de pétrole extraite ; elle prévoyait même la possibilité d’une expansion. « Pour tenir compte de la possibilité que le promoteur trouve d’autres réserves de pétrole, l’évaluation environnementale fédérale a pris en compte les effets potentiels de l’exploitation au-delà des limites de la zone centrale de mise en valeur », explique la porte-parole de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, Jaclyn Sauvé.

L’agence fédérale a tranché en avril que Bay du Nord « n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants ». Elle a imposé une série de 137 conditions juridiquement contraignantes à Equinor, comme la production de rapports annuels, la protection des habitats de poissons et d’oiseaux migrateurs ou encore l’obligation de ne pas nuire aux pêcheurs. L’entreprise a en outre promis que ses installations d’extraction de pétrole en mer deviendraient carboneutres d’ici 2050.

Le non-respect de l’une des conditions mentionnées par le fédéral donnerait le droit au gouvernement de retirer son autorisation. Une telle violation pourrait théoriquement être révélée par un rapport ou un autre des mécanismes de surveillance prévus.

Mobilisation possible

 

Or, l’approbation gouvernementale n’est pas toujours un gage de la réalisation d’un projet, et l’entreprise Equinor est bien placée pour le savoir. Un autre de ses projets de forage en haute mer est tombé à l’eau en Australie après la mobilisation de ses opposants.

Malgré son approbation par le gouvernement, le projet de la Great Australian Bight (la Grande Baie australienne) a été abandonné en février 2020 après des forages exploratoires — officiellement parce qu’il n’était pas « compétitif commercialement », selon le dirigeant d’Equinor pour l’Australie, Jone Stangeland.

Le groupe écologiste québécois Équiterre voit de grandes similitudes entre le projet australien abandonné et celui prévu au large des côtes canadiennes, explique son directeur des relations gouvernementales, Marc-André Viau. « Dans ce cas-là, même après l’approbation environnementale du projet par le gouvernement australien, c’est le promoteur du projet lui-même qui s’est retiré devant la levée de boucliers de la population locale, des groupes environnementaux et des peuples autochtones. Ce succès de mobilisation est possible ici aussi. On l’a vu notamment avec Énergie Est et GNL Québec », écrit-il dans un courriel.

Équiterre assure qu’il est aussi possible de contrecarrer l’approbation fédérale de Bay du Nord par des voies juridiques. L’organisme s’est joint à la Fondation Sierra Club Canada pour affirmer devant la Cour fédérale que la décision favorable au projet va à l’encontre des obligations climatiques internationales du Canada. La date des audiences n’est pas encore connue.



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