Y a-t-il suffisamment de ressources sur la planète pour électrifier les transports?

Ce texte est tiré du Courrier de la planète du 5 juillet 2022. Pour vous abonner, cliquez ici.
Les ressources en lithium, en cuivre, en nickel, en graphite et en cobalt, les principaux minéraux nécessaires à la production de batteries pour les véhicules électriques, ne sont pas illimitées. Mais — pour répondre à la question de Guy Hébert — elles sont présentes en telles quantités qu’il y a très peu de risques de les épuiser.
Par exemple, si la production de lithium restait au niveau de 2020, il y aurait assez de ressources connues sur la planète pour 1345 ans, selon les données du Centre d’information national sur les minéraux des États-Unis. Pour le graphite, on parle de 1159 ans.
Ce texte est publié via notre Pôle environnement.
Évidemment, la demande est appelée à augmenter pour répondre aux besoins de l’électrification des transports. Par exemple, la Banque mondiale prévoit que de 4 à 10 millions de tonnes de lithium seront produites d’ici 2050 pour les technologies énergétiques. Toutefois, cela ne représente qu’environ 9 %, au maximum, des 111 millions de tonnes de réserves et ressources mondiales de lithium connues en ce moment. De plus, l’exploration minière devrait permettre de trouver de nouveaux gisements, souligne Michel Jébrak, professeur émérite au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM.
On peut toutefois se demander si ces réserves seront suffisamment et adéquatement exploitées pour répondre à la demande. Les sources d’approvisionnement en ces minéraux sont actuellement très peu variées. Pour le lithium et le cobalt, les trois plus grands producteurs contrôlent près des trois quarts de la production, a déjà souligné l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en 2021 dans un rapport intitulé The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions.
C’est dans ce contexte que de nombreux pays, dont le Canada, tentent de développer leur production de minéraux critiques et stratégiques. Or, la mise en service de nouvelles mines prend beaucoup de temps. L’AIE estime qu’il s’écoule en moyenne plus de 16 ans entre la découverte d’un gisement et la première production.
« La demande est si forte qu’il peut y avoir des pénuries temporaires du fait des délais à la mise en production des mines, note M. Jébrak. Cela fait monter les prix brutalement, et ceux-là redescendent dès que les anticipations de rupture d’approvisionnement s’achèvent. »
La volatilité des prix rend donc ce marché très risqué. L’abondance de ces ressources peut aussi être une épine dans le pied pour les projets d’affaires, selon Ugo Lapointe, consultant en production et consommation responsable des minéraux et co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine. « Les investisseurs peuvent hésiter à mettre un milliard de dollars dans un projet alors qu’ils savent qu’il y a plein d’autres projets miniers sur la planète », croit-il.
Les effets de l’exploitation minière sur l’environnement présenteront également un défi. « La limite à l’extraction minière, ce n’est pas la disponibilité des ressources, mais les conséquences environnementales qu’on est prêt à accepter », estime M. Lapointe.
Enjeux environnementaux
En particulier, la production minière nécessite l’utilisation d’une grande quantité d’eau, cause de la déforestation et génère beaucoup de déchets. Par exemple, en 2017, pour chaque tonne de nickel ou de cuivre produite, ce sont près de 700 tonnes de déchets miniers qui étaient générés, selon l’AIE. Cette proportion était d’ailleurs en augmentation, puisque le minerai recherché est présent en concentration de moins en moins grande dans les roches extraites du sol.
« Si les enjeux environnementaux et sociaux sont mal gérés, ils peuvent causer du tort aux communautés locales et perturber l’approvisionnement en ressources minérales », écrit d’ailleurs l’organisation internationale dans son rapport.
Dans ce contexte, la Banque mondiale et l’Agence internationale de l’énergie recommandent de développer fortement la filière du recyclage et de la réutilisation de ces minéraux. Le recyclage fait d’ailleurs partie des étapes de la filière des batteries que le Québec souhaite développer.