Une deuxième baleine noire empêtrée aperçue dans le golfe du Saint-Laurent

Une deuxième baleine noire a été aperçue empêtrée dans un engin de pêche dans le golfe du Saint-Laurent, a annoncé mardi Pêches et Océans Canada. C’est la première fois depuis 2019 que plus d’une baleine de cette espèce en voie de disparition est observée dans une telle situation, qui pourrait bien lui être fatale.
Selon les informations publiées par les autorités fédérales, la baleine en question a été vue le 30 juin dans le sud du golfe du Saint-Laurent, entre l’île Miscou, au Nouveau-Brunswick, et les îles de la Madeleine, une région où se trouvent actuellement plusieurs individus de l’espèce. Le cétacé a été identifié comme étant EG 1403, un mâle de 38 ans bien connu des scientifiques qui étudient la baleine noire, qui l’ont surnommé Meridian.
Depuis cette observation, la baleine n’a pas été revue. « Les partenaires d’intervention auprès des mammifères marins sont en attente. Si l’on aperçoit la baleine à nouveau et que les conditions météorologiques et l’état de la mer le permettent, des efforts pourraient être déployés dans les prochains jours pour tenter de la désempêtrer », a précisé Pêches et Océans Canada par communiqué.
On ne sait pas pour le moment si l’animal s’est empêtré dans le golfe du Saint-Laurent ou s’il a traîné cet engin de pêche depuis les eaux américaines, où les baleines noires passent l’hiver. Certains individus peuvent en effet demeurer empêtrés pendant plusieurs mois avant de rendre l’âme.
C’est la deuxième baleine de cette espèce très menacée à être repérée empêtrée dans le golfe du Saint-Laurent cette année. En mai, une des rares femelles de la population, âgée de 14 ans, a été vue empêtrée au large de la Gaspésie. Elle n’a pas été revue depuis, mais on sait qu’elle a déjà été prise dans des engins de pêche à cinq reprises au fil des ans.
Baisse des naissances
Les empêtrements constituent un problème majeur pour cette espèce, qui compte environ 335 individus. Plus de 80 % des adultes portent des marques d’empêtrements, qui surviennent principalement dans les engins de pêche au homard ou au crabe.
Cela pourrait expliquer le faible taux de natalité de cette population de cétacés. Les chercheurs du New England Aquarium estiment en effet qu’il est possible, dans certains cas, que des femelles qui se sont empêtrées dans des engins de pêche ne soient pas en mesure de se reproduire en raison des répercussions importantes sur leur santé.
« Beaucoup de femelles peuvent être incapables d’accumuler assez de graisse pour réussir à tomber enceintes ou à mener une grossesse à terme en raison de possibles réductions de la disponibilité de la nourriture et d’un effort accru pour trouver de la nourriture », souligne par ailleurs le North Atlantic Right Whale Consortium (NARWC).
Selon le groupe de chercheurs, le taux de reproduction a tellement reculé au cours des dernières années que « les faibles naissances chaque année ont éliminé la capacité de la population à croître et à faire face à la mortalité causée par les humains ».
Mortalité record
En plus du faible taux de natalité, les baleines noires ont subi une mortalité record au cours des dernières années. En 2017, pas moins de 17 individus adultes ont été retrouvés morts, dont 12 dans les eaux canadiennes. Un total de 10 baleines noires sont mortes en 2019, dont une femelle qui s’était empêtrée à au moins quatre reprises en 15 ans.
L’an dernier, le gouvernement canadien a recensé un empêtrement — mais aucun décès — dans le cadre des opérations de surveillance sans précédent qui sont menées dans le golfe du Saint-Laurent depuis 2018 pour tenter de protéger l’espèce. Des avions patrouillent dans la zone et on utilise aussi des systèmes de détection acoustique.
Ces mesures de protection, qui comprennent encore cette année l’imposition de limites de vitesse aux navires et la fermeture de zones de pêche lorsque la présence d’une baleine noire est confirmée, sont essentielles pour protéger l’accès à un marché américain vital pour les pêcheurs, notamment ceux du crabe des neiges et du homard. Il existe en effet une loi aux États-Unis qui permet au pays de « bannir les importations » des produits de la pêche si l’industrie met en péril les mammifères marins.
Or, tout indique que les baleines noires sont de plus en plus nombreuses à fréquenter le golfe du Saint-Laurent du printemps à l’automne, après avoir déserté en bonne partie des zones comme la baie de Fundy. Ce phénomène pourrait être lié au réchauffement climatique, qui modifie la distribution des sources de nourriture.
Selon une étude pilotée par des scientifiques du Canada et des États-Unis, le golfe du Saint-Laurent constitue désormais « un habitat important » pour plus de 40 % de toute la population de baleines noires de l’Atlantique Nord.
Une baleine « urbaine »
La baleine noire peut atteindre une taille de 18 mètres, pour un poids de plus de 60 tonnes. Chaque individu est reconnaissable aux taches blanches uniques qu’il porte sur la tête, appelées callosités. Il s’agit d’une espèce qui se nourrit essentiellement de copépodes, de petits crustacés qu’elle filtre à l’aide de ses fanons.
La baleine noire est parfois qualifiée de « baleine urbaine », puisqu’elle vit près des côtes, notamment lors de la période de mise bas, au large des États américains de la Géorgie et de la Floride. Cela la rend particulièrement vulnérable aux collisions avec les navires et aux empêtrements dans les engins de pêche.
La baleine noire, appelée right whale en anglais, a été décimée par des siècles de chasse commerciale. Elle était une cible privilégiée pour les baleiniers, puisqu’elle flotte une fois morte et qu’elle fournit une bonne quantité de graisse, matière qui était fondue pour produire de l’huile.