Des groupes écologistes dénoncent la tonte du «Champ des monarques»

Des milliers de plants d’asclépiades auraient été fauchés, dénonce Technoparc Oiseaux.
Photo: Guillaume Levasseur Le Devoir Des milliers de plants d’asclépiades auraient été fauchés, dénonce Technoparc Oiseaux.

Des groupes écologistes se disent consternés par la tonte du « Champ des monarques », un terrain fédéral situé au nord de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Des milliers d’asclépiades en floraison ont ainsi été fauchées en pleine période de reproduction des papillons monarques, dénoncent-ils. Aéroports de Montréal (ADM) se défend d’avoir détruit le site et soutient qu’il s’agit plutôt d’une opération normale d’entretien.

« C’était probablement le plus beau site à Montréal pour la reproduction des monarques, avec plus de 4000 asclépiades dans un secteur de 19 hectares », se désole Benoit Gravel, de l’organisme Technoparc Oiseaux.

C’est une membre du groupe qui, lors d’une promenade dans le secteur le 24 juin dernier, a constaté que la végétation avait été coupée et que des milliers de pousses d’asclépiades, l’unique plante dont se nourrissent les chenilles de monarques, avaient disparu, relate M. Gravel.

Le « Champ des monarques », un terrain qui est laissé en friche depuis 2012, accueille également quelque 150 espèces d’oiseaux, dont des kildirs, des carouges à épaulettes et des bruants chanteurs, qui étaient également en période de nidification, indique Technoparc Oiseaux. « Tous les petits arbustes et bosquets ont été coupés, et on sait qu’il y avait énormément d’oiseaux qui y nichaient. Il y en a même qui nichent au sol. Mais tout a été rasé. »

C’est Transports Canada qui est propriétaire du terrain et le loue à ADM. Le site avait attiré l’attention dans les dernières années, car l’entreprise Medicom envisageait d’y construire une usine de fabrication de masques chirurgicaux. L’entreprise a finalement renoncé à son projet au grand soulagement des groupes écologistes.

« Tonte de gazon »

ADM se défend d’avoir détruit l’habitat des monarques. Dans un courriel, les autorités aéroportuaires ont indiqué qu’il y a deux semaines, une « tonte de gazon » a été effectuée « en raison de la présence d’herbe à poux et d’herbes longues, qui constituent des nuisances ».

« Nos équipes n’ont certainement pas “rasé” le terrain, tel qu’allégué par certains groupes, mais ont procédé à une coupe comme il est standard de le faire dans le cadre des opérations normales d’entretien du site aéroportuaire », a affirmé Éric Forest, conseiller en communications chez ADM.

Aéroports de Montréal soutient que le site comptait peu d’asclépiades et que les milieux humides n’ont pas été altérés. « Aucune espèce sensible, aucun habitat sensible ou aucune zone protégée ne sont présents dans ce secteur », assure l’organisme.

Ce n’est pas ce qu’a constaté le maire de l’arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa, lorsqu’une promenade l’a mené, le 25 juin dernier, jusqu’au site situé sur le territoire de Dorval. « J’y étais allé au mois de mai, et c’était plein d’asclépiades », confirme-t-il. « Mais quand j’y suis allé récemment, j’ai été estomaqué de voir que tout, tout, tout a été complètement rasé d’un bout à l’autre. Ça dépassait l’entretien normal. […] Les personnes qui ont fait le travail l’ont fait de façon systématique. »

Protection des espèces menacées

 

Selon les groupes environnementaux, le « Champ des monarques » et ses zones humides ont une grande valeur écologique. Mais il ne bénéficie d’aucune protection.

« Le problème, c’est qu’[ADM] est dans son plein droit », déplore le maire de Dorval, Marc Doret, qui s’est dit déçu de la coupe effectuée. Il rappelle que le terrain fédéral est zoné pour du développement industriel. L’élu souhaiterait discuter avec Transports Canada pour protéger au moins une partie du site.

L’automne dernier, en campagne électorale, Projet Montréal avait indiqué son intention d’agrandir le parc-nature des Sources, situé tout près, ainsi que de réclamer du fédéral une protection du « Champ des monarques ».

« On est consternés. C’est un saccage épouvantable. C’est une atteinte à la biodiversité de l’île de Montréal », estime le député néodémocrate de Rosemont–La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, qui avait écrit l’an dernier aux ministres fédéraux des Transports et de l’Environnement, Omar Alghabra et Steven Guilbeault, pour leur demander d’agir dans le dossier. « Mais le gouvernement s’en lave un peu les mains en disant qu’il a un bail avec ADM et que ce sont eux qui gèrent le terrain. »

L’élu du NPD rappelle que c’est le fédéral qui est responsable de faire respecter des lois sur la protection des espèces menacées. « Mais il n’est peut-être pas trop tard pour agir, que ce soit avec le bail avec ADM ou la création d’un parc fédéral. »

Par courriel, le cabinet du ministre Alghabra s’est limité à dire qu’Aéroports de Montréal devrait déployer plus d’efforts en matière de protection de l’environnement. En 2021, ADM a planté environ 180 pousses et 300 graines d’asclépiade dans deux secteurs du parc des Sources. « Notre gouvernement appuie cette initiative environnementale, mais nous réitérons à ADM qu’il doit en faire davantage. »

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