Onze plantes s’ajoutent à la liste des espèces en danger du Québec

Québec ajoutera trois plantes à la liste des espèces floristiques «vulnérables», dont la vergerette à feuilles segmentées, qu’on trouve surtout en Arctique. Sa population du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie «compterait tout au plus 1500 individus».
Photo: iStock photo Québec ajoutera trois plantes à la liste des espèces floristiques «vulnérables», dont la vergerette à feuilles segmentées, qu’on trouve surtout en Arctique. Sa population du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie «compterait tout au plus 1500 individus».

Le gouvernement Legault ajoutera 11 variétés de plantes à la liste des espèces menacées ou vulnérables du Québec, a appris Le Devoir. Les espèces les plus susceptibles de disparaître sont toutes particulièrement sensibles aux impacts des activités humaines, qui menacent leurs habitats souvent très restreints.

Disant vouloir être « proactif » dans la protection des espèces floristiques, dans un contexte de crise climatique et de perte de biodiversité, le Conseil des ministres a décidé d’ajouter à cette liste onze nouvelles espèces, dont huit sont considérées comme « menacées » et trois sont jugées « vulnérables ». Il s’agit de la première désignation d’espèces floristiques par le gouvernement québécois en près de 10 ans.

Selon le gouvernement, cette démarche permet notamment de « reconnaître officiellement leur précarité sur le territoire québécois », de « stimuler les initiatives de conservation qui permettront la préservation de ces espèces et qui préviendront la dégradation de leur habitat ».

Les huit espèces aujourd’hui considérées comme étant menacées, soit le statut le plus sévère de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec, sont toutes vulnérables ou déjà affectées par les activités humaines. Qui plus est, leurs habitats sont habituellement très limités.

Ainsi, l’aubépine ergot-de-coq, qui est un arbre, se trouvait à seulement deux endroits au Québec, dans les régions de Châteauguay et de Valleyfield, selon ce qu’on peut lire dans les fiches techniques préparées par les experts du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques (MELCC). Or, l’unique occurrence observée plus récemment « est affectée par la destruction, la fragmentation et les perturbations de l’habitat associées à l’étalement urbain et aux activités humaines ».

Par ailleurs, une espèce de plante herbacée portant de petites fleurs blanches, la houstonie à longues feuilles, se limite aujourd’hui à « une seule colonie d’une douzaine d’individus répartis sur environ 30 m2 » située dans la région de Sherbrooke. Cette même colonie comptait auparavant 200 individus, mais elle aurait été en partie détruite « par des travaux d’entretien du pont ferroviaire situé juste au-dessus », selon les experts du MELCC.

Photo: iStock Le Québec compte des dizaines d’espèces floristiques menacées ou vulnérables, dont le ginseng à cinq folioles.

D’autres espèces aujourd’hui considérées comme en voie de disparition sont menacées par le piétinement, la pollution, ou encore d’autres types de perturbations de leur habitat.

Le gouvernement Legault a aussi inscrit une nouvelle espèce en danger qui est considérée comme un « élément exceptionnel du patrimoine floristique québécois » : la drave des monts de Puvirnituq. Cette petite plante herbacée a été découverte en 2011 et elle a été répertoriée à un seul endroit de l’extrême nord du Québec, dans le secteur de la rivière Déception. « La population mondiale de l’espèce compterait moins de 30 individus », selon l’évaluation des experts du MELCC.

Cette espèce endémique est jugée particulièrement vulnérable à « toute perturbation » de son habitat. « L’emplacement [deux colonies distantes] se situe à proximité d’une ancienne mine d’amiante, dans un secteur où s’exercent des activités minières [mine Raglan] », précise la fiche technique rédigée par le ministère de l’Environnement du Québec.

Par ailleurs, trois espèces s’ajoutent à la liste des espèces floristiques « vulnérables », dont la vergerette à feuilles segmentées, une plante de la même famille que le pissenlit qu’on retrouve surtout en Arctique. Sa population du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie « compterait tout au plus 1500 individus ». Elle est une relique de la dernière glaciation et elle présente donc « une valeur biogéographique et patrimoniale remarquable », selon les experts du MELCC.

Le gouvernement a aussi prévu que trois espèces passeront de menacées à vulnérables et trois autres pourront être retirées de la liste, et ce, « en raison de l’amélioration des connaissances sur leur abondance et leur répartition ».

Avec cette mise à jour de la liste, on compte maintenant 89 espèces floristiques inscrites, dont 65 menacées et 24 vulnérables. Un total de 507 espèces floristiques, dont 314 vasculaires et 193 invasculaires, y figurent également sur à titre d’espèces « susceptibles » d’être désignées menacées ou vulnérables.

Moderniser la loi

 

Directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec, Alain Branchaud salue la décision de mettre enfin la liste à jour. Celle-ci est d’autant plus nécessaire, selon lui, que des projets de développement, notamment dans le sud de la province, peuvent menacer directement des espèces pourtant en péril.

Le biologiste estime toutefois que l’ajout d’espèces sur la liste, dans le cadre de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, est insuffisant. « On a beau inscrire toutes les espèces qu’on veut à cette loi, ça reste une loi qui manque de mordant, si on la compare avec la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral. La nécessaire modernisation de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables est encore un chantier qui doit être à l’ordre du jour du prochain gouvernement du Québec. »

Cette modernisation devrait permettre de mieux protéger les espèces, notamment celles qui sont considérées comme étant « vulnérables », afin de ne pas aggraver leur situation par la destruction de leurs habitats.

Le même constat vaut pour la liste des espèces fauniques menacées ou vulnérables. « Il n’existe pas de processus légal pour l’inscription des espèces. Ça se fait de façon non transparente. On ne sait pas où en sont les dossiers. Et dans le cas des espèces fauniques, ça fait près de 10 ans qu’il n’y a pas eu de nouvelle inscription ou de modification de statut des espèces. »

La présence d’une espèce faunique en péril ne suffit également pas à bloquer un projet qui la menace directement. À titre d’exemple, le MELCC a autorisé en 2021 la destruction d’un des derniers habitats de la rainette faux-grillon, situé à Longueuil, pour construire une route. Cette espèce est classée « vulnérable » au Québec depuis septembre 2001 et elle a perdu plus de 90 % de son habitat au fil des ans. Le gouvernement fédéral a stoppé le projet routier, en vertu des dispositions de la Loi sur les espèces en péril.

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