Le Québec en voie de rater sa cible de réduction de consommation de pétrole

Le gouvernement Legault admet que le Québec est en voie de rater complètement son objectif de réduction de la dépendance aux produits pétroliers, après des années d’augmentation continue de la consommation, essentiellement dans le secteur des transports, où les camions légers, dont les véhicules utilitaires sport, sont de plus en plus populaires.
Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) a publié vendredi, après la fin des travaux parlementaires, sa « Mise à niveau 2026 du Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques ». Ce document de 124 pages détaille pas moins de 230 mesures prévues d’ici 2026, avec un budget totalisant 12,7 milliards de dollars.
Ce texte est publié via notre Pôle environnement.
Ce plan « a pour but de repenser la consommation d’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre [GES], alors que près de 70 % de celles-ci, au Québec, sont issues de la production et de la consommation d’énergies fossiles », a rappelé le gouvernement Legault par voie de communiqué.
Or, en ce qui a trait à notre dépendance aux énergies fossiles, le Québec est sur la voie de l’échec, selon ce qu’on peut lire dans le document. Le gouvernement québécois, sous les libéraux de Philippe Couillard, s’était fixé dès 2016 l’objectif de réduire de 40 % notre consommation de produits pétroliers d’ici 2030 par rapport au niveau de consommation de 2013.
« Les résultats démontrent que la cible de réduction de la consommation de produits pétroliers de 2030 ne sera pas atteinte », peut-on lire dans le document produit par le MERN publié vendredi. Le « scénario » actuel indique plutôt « une réduction de la consommation de produits pétroliers de 27,5 % par rapport à son niveau [de] 2013, soit en dessous de la cible ».
Dans ce contexte, le MERN promet de proposer « des mesures supplémentaires pour combler cet écart », et ce, « dans les années à venir ». Quelles pourraient être ces mesures ? Le cabinet du ministre Jonatan Julien n’a pas répondu à nos questions vendredi.
Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau n’est pas étonné du constat d’échec du gouvernement sur la réduction de notre dépendance au pétrole. Il estime d’ailleurs que le gouvernement « ne fait pas du tout le nécessaire » pour atteindre la cible de 2030.
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Abonnez-vous au Courrier de la planète, notre infolettre sur les enjeux environnementaux.Selon lui, il faudrait directement s’attaquer aux principales sources de la consommation de produits pétroliers : les véhicules routiers. « Tout devrait être fait pour favoriser une moindre utilisation, un transfert vers des modes de transport moins énergivores et, ensuite, une amélioration des véhicules », fait-il valoir. « Concrètement, il faudrait encourager le transport actif, le transport en commun, le covoiturage. Il faudrait aussi mettre des contraintes financières sur les achats de nouveaux véhicules, particulièrement les lourds, et l’utilisation des véhicules, comme avec une taxe kilométrique », précise M. Pineau.
Il estime aussi qu’une « stratégie ferroviaire est inévitable » pour une occupation du territoire « avec une faible empreinte carbone ».
Davantage de pétrole
Le document publié vendredi par le MERN fait aussi voir que la consommation de « produits pétroliers » a connu une croissance continue de 2014 à 2019. Ses chiffres confirment les données déjà publiées dans l’État de l’énergie au Québec en 2022, un rapport produit par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.
Qui plus est, « la reprise économique de 2021 a ramené à la normale le secteur de l’énergie : la consommation de produits pétroliers est revenue à des niveaux équivalents à ceux d’avant la pandémie », constate la plus récente édition de l’État de l’énergie au Québec. Globalement, « aucune modification majeure, en ce qui a trait à l’énergie, ne perdurera à la suite des bouleversements liés à la COVID-19 ».
Le Québec consomme aujourd’hui environ 360 000 barils de pétrole chaque jour, soit plus de 130 millions de barils par année. Cette demande en pétrole est surtout destinée au secteur des transports, qui consomme 82 % des produits pétroliers.
Les données compilées par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal indiquent une croissance de 41 % de la demande en énergie du secteur des transports depuis 1990. Or, celui-ci tire encore aujourd’hui 97 % de son énergie des produits pétroliers.
Selon l’État de l’énergie au Québec, à lui seul, « le parc de véhicules personnels au Québec a augmenté de 66 % depuis 1990, soit une hausse trois fois plus importante que la croissance démographique de la province (+22 %) ». La catégorie de véhicules personnels qui a connu la plus forte progression durant cette période est celle des camions légers, ce qui comprend les véhicules utilitaires sport (VUS). Leur nombre a bondi de 319 % sur les routes du Québec.
Au cours de la même période, la baisse de la consommation énergétique des voitures a été « plus que compensée » par une hausse de 197 % de la consommation des camions légers, en raison de la progression des ventes. À titre d’exemple, celles-ci représentaient 71 % du marché au Québec en 2020.
Selon le plus récent bilan des émissions de GES du Québec, soit celui de 2019, celles-ci ont reculé d’à peine 2,7 % depuis 1990, alors que la cible (abandonnée en 2018) prévoyait une réduction de 20 % à l’horizon 2020. Le gouvernement Legault espère maintenant atteindre une baisse de 37,5 % d’ici 2030. Le secteur des transports compte pour 43 % du bilan actuel des émissions de GES du Québec.