Les masques continuent de polluer nos plages

Si les masques ne courent plus les rues, ils n’ont pas quitté le littoral. Poussés par le vent et les vagues, nombreux sont les couvre-visages qui tapissent les plages, ce qui contamine l’eau de millions de microparticules plastiques.
Composé de polypropylène, un masque chirurgical met « plusieurs centaines d’années » à disparaître, avance Chunjiang An, professeur adjoint au Département de génie du bâtiment, civil et environnemental de l’Université Concordia. Alors, si le port du masque n’est plus obligatoire dans la plupart des lieux publics au Québec, la gestion de ces déchets demeure une question d’actualité.
Avec le doctorant Zheng Wang, des spécialistes de l’Université de Regina, de Pêches et Océans Canada et de l’Université Memorial, M. An s’est intéressé à la détérioration des masques jetables sur le littoral et aux risques qu’elle présente.
Les résultats de l’étude démontrent qu’une fois altéré par les conditions environnementales d’un rivage, un seul et unique couvre-visage peut libérer plus de 1,5 million de microplastiques dans l’eau.
M. An rassure, indiquant qu’il est impossible d’inhaler ce type de particules en portant un masque neuf. C’est l’exposition à l’abrasion du sable, au mouvement de l’eau et à la lumière du soleil qui fait en sorte que le masque peut « facilement se déchirer et libérer de nombreux microplastiques », explique le professeur au Devoir.
Ces particules, très fines et invisibles à l’œil nu, « existent bel et bien dans l’eau », précise-t-il. Ingérées par les poissons, elles contaminent ensuite le reste de la chaîne alimentaire, ce qui menace à la fois les animaux et la santé humaine.
Un déchet peu commun
Avant la pandémie, les littoraux étaient déjà d’importants « puits à plastique », puisque les détritus y sont souvent déposés « par les vagues, l’eau ou le vent », note le chercheur. S’ajoutant à la myriade de déchets qui polluent déjà notre planète, les masques à usage unique préconisés pendant la pandémie de COVID-19 constituent un « nouveau défi » environnemental. « Certaines personnes ne traitent pas les masques comme des déchets ordinaires. Ils les portent, puis les jettent [dans la rue] », déplore-t-il.
La publication de l’étude en 2021 a permis de sensibiliser la population. Mais ce n’était que la première étape pour le duo de l’Université Concordia. Depuis, il collabore avec un « grand fabricant de masques » à la recherche de matériaux biodégradables, qui pourraient remplacer le polypropylène.
Les défis sont nombreux, puisque le nouveau masque devra « à la fois répondre aux exigences environnementales et aux exigences de qualité de filtration ». Mais l’espoir n’est pas vain. En France, la société CP Projects a conçu en 2021 un masque chirurgical biodégradable et compostable conforme à la norme nationale, composé de biopolymères.
D’autres chercheurs s’intéressent à leur potentiel recyclable. À l’Université d’État de Washington, des scientifiques ont par exemple conclu que les fibres des masques, mélangées à du béton, rendent le matériau plus solide. D’autres les reconvertissent en chaises.
Les idées ne manquent pas, mais la réutilisation des masques est difficile. En plus d’être contaminés une fois utilisés, les couvre-visages sont composés de différents matériaux — la partie principale et les élastiques en polymères variés, le pont nasal en métal —, qui doivent être séparés avant que le recyclage puisse avoir lieu.
De son côté, M. An mène désormais une étude similaire sur les gants médicaux jetables.
Ce contenu est réalisé en collaboration avec l’Université Concordia.