Une baleine noire empêtrée dans un engin de pêche aperçue à l’est de Gaspé

Les baleines noires sont de plus en plus présentes dans le golfe du Saint-Laurent, à l’approche de la période estivale, et on recense déjà un premier cas d’empêtrement dans un engin de pêche. Pêches et Océans ne sait pas encore s’il sera possible de libérer l’animal, qui s’est déjà pris à cinq reprises dans des gréements de pêche.
Selon les informations publiées vendredi par le ministère Pêches et Océans Canada (MPO), cette baleine noire femelle de 14 ans a été vue jeudi dans un secteur du golfe du Saint-Laurent situé à l’est de Gaspé. Les experts du ministère, qui pilotent un programme de surveillance aérienne des baleines noires, tentent donc de la repérer de nouveau.
« Les équipes d’intervention pour secourir les mammifères marins sont actuellement en disponibilité. Si la baleine est localisée, et que les conditions météorologiques et maritimes le permettent, des efforts pourraient être faits dans les prochains jours pour tenter de la désempêtrer. Nous ignorons encore dans quel type d’engin de pêche la baleine est empêtrée, et d’où provient l’engin », a précisé le MPO dans un bref communiqué.
Cet animal, qui a été identifié par les chercheurs américains qui étudient l’espèce depuis plusieurs années, est une femelle qui a déjà été prise dans des engins de pêche à cinq reprises au fil des ans. Les empêtrements constituent d’ailleurs un problème majeur pour cette espèce en voie de disparition, qui compte environ 335 individus. Plus de 80 % des adultes de l’espèce portent des marques d’empêtrements.
Empêtrements et naissances
Les chercheurs du New England Aquarium estiment d’ailleurs qu’il est possible, dans certains cas, que des femelles qui ont subi un empêtrement dans des engins de pêche ne soient pas en mesure de se reproduire en raison des répercussions importantes sur leur condition physique.
Selon le North Atlantic Right Whale Consortium (NARWC), le taux de reproduction a nettement reculé au cours des dernières années, si bien que « les faibles naissances chaque année ont éliminé la capacité de la population à croître et à faire face à la mortalité causée par les humains ».
Au cours de la plus récente période des naissances, de l’automne 2021 à la fin du mois de mars 2022, 15 baleineaux ont vu le jour. Ce chiffre se situe sous la moyenne des dernières années, exception faite de la saison 2017-2018, au cours de laquelle aucun baleineau n’avait vu le jour. Sur la période 2007-2017, la moyenne annuelle était de 18 baleineaux, avec des pointes à 22 en 2013, 22 en 2011 et 39 en 2009.
« Beaucoup de femelles peuvent être incapables d’accumuler assez de graisse pour réussir à tomber enceintes ou à mener une grossesse à terme en raison de possibles réductions de la disponibilité de la nourriture et d’un effort accru pour trouver de la nourriture », selon le NARWC.
Les efforts des dernières décennies ont cependant montré qu’il était possible de faire croître la population. On ne comptait que 275 individus au début des années 1990. Mais grâce à des mesures de protection importantes mises en place dans les eaux américaines, dont des modifications des routes de navigation, des règles pour la pêche commerciale ainsi qu’un système de surveillance, la population avait atteint 500 individus en 2010.
Mortalité record
En plus du faible taux de natalité, les baleines noires ont subi une mortalité record au cours des dernières années. En 2017, pas moins de 17 individus adultes ont été retrouvés morts, dont 12 dans les eaux canadiennes. Un total de 10 baleines noires sont mortes en 2019, dont une femelle qui s’était empêtrée à au moins quatre reprises en 15 ans.
L’an dernier, le gouvernement canadien a recensé un empêtrement dans le golfe, mais aucun décès, dans le cadre des opérations de surveillance sans précédent qui sont menées depuis 2018 pour protéger l’espèce.
Ces mesures de protection, qui comprennent l’imposition de limites de vitesse aux navires et la fermeture de zones de pêche lorsque la présence d’une baleine noire est confirmée, sont essentielles pour protéger l’accès à un marché américain vital pour les pêcheurs, et notamment pour le crabe des neiges et le homard. Il existe en effet une loi aux États-Unis qui permet au pays de « bannir les importations » des produits de la pêche si l’industrie met en péril les mammifères marins.
Tout indique d’ailleurs que les baleines noires sont de plus en plus nombreuses à fréquenter le golfe du Saint-Laurent, du printemps à l’automne, après avoir en bonne partie déserté des zones comme la baie de Fundy. Ce phénomène pourrait être lié au réchauffement climatique, qui modifie la distribution de la nourriture.
Selon une étude pilotée par des scientifiques du Canada et des États-Unis, le golfe du Saint-Laurent constitue désormais « un habitat important » pour plus de 40 % de toute la population de baleines noires de l’Atlantique Nord.
Une baleine « urbaine »
La baleine noire peut atteindre une taille de 18 mètres, pour un poids de plus de 60 tonnes. Chaque individu est reconnaissable aux taches blanches uniques qu’il porte sur la tête, appelées callosités. Il s’agit d’une espèce qui se nourrit essentiellement de copépodes, de petits crustacés qu’elle filtre à l’aide de ses fanons.
La baleine noire est parfois qualifiée de « baleine urbaine », puisqu’elle vit près des côtes, notamment lors de la période de mise bas, au large des États américains de la Géorgie et de la Floride. Cela la rend particulièrement vulnérable aux collisions avec les navires et aux empêtrements dans les engins de pêche.
La baleine noire, appelée right whale en anglais, a été décimée par des siècles de chasse commerciale. Elle était une cible privilégiée pour les baleiniers, puisqu’elle flotte une fois morte et qu’elle fournit une bonne quantité de graisse, matière qui était fondue pour produire de l’huile.