Le gouvernement Trudeau ira en Cour suprême pour défendre son évaluation des pipelines

Lors de la période de questions mardi à Ottawa, Justin Trudeau a confirmé que «nous allons porter ce jugement en appel».
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Lors de la période de questions mardi à Ottawa, Justin Trudeau a confirmé que «nous allons porter ce jugement en appel».

Le gouvernement Trudeau se rendra en Cour suprême pour défendre sa loi sur l’évaluation de l’impact environnemental des grands projets, comme les pipelines, déclarée inconstitutionnelle par la Cour d’appel de l’Alberta.

« Nous allons porter ce jugement en appel », a confirmé le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lors de la période de questions mardi à Ottawa.

Il commentait la décision rendue un peu plus tôt dans la journée par le plus haut tribunal de l’Alberta à quatre juges contre un, selon laquelle la loi fédérale qui mesure l’impact environnemental de grands projets depuis 2019 est contraire à la constitution canadienne.

La Cour d’appel reconnaît dans sa décision de 209 pages que le changement climatique constitue « un danger existentiel pour le Canada », mais souligne que d’autres dangers existentiels menacent le pays, comme celui d’une loi qui compromet la division des pouvoirs entre les provinces et le fédéral garantie par la Constitution.

Danger existentiel

 

La Loi sur l’évaluation d’impact d’Ottawa reviendrait au même que de « priver l’Alberta et la Saskatchewan » de leur droit constitutionnel d’exploiter leurs ressources de gaz et de pétrole, raisonnent les juges albertains. Ils insistent sur le fait que le fédéral ne peut outrepasser ses pouvoirs, même pour une cause aussi noble que la protection de l’environnement.

La décision s’appuie même sur le renvoi relatif à la sécession du Québec pour démontrer l’importance de préserver le modèle fédéral prévu par la constitution, par opposition à l’établissement d’un gouvernement fédéral tout-puissant. « L’histoire nous enseigne qu’un gouvernement qui commande de manière centralisée fonctionne rarement bien dans un pays géographiquement étendu avec une population diversifiée et des priorités régionales divergentes », peut-on lire.

Le gouvernement de l’Alberta avait contesté la validité de cette loi fédérale, nommée C-69, la qualifiant de « cheval de Troie » en matière d’empiètement sur ses champs de compétence. La province avait plaidé que le libellé de la loi pourrait permettre à Ottawa d’utiliser ces préoccupations pour élargir considérablement ses pouvoirs dans ses champs de compétence.

La Loi fédérale sur l’évaluation d’impact énumère une liste d’activités qui peuvent déclencher une « évaluation d’impact » fédérale, notamment dans des secteurs de compétence provinciale. La loi permet par exemple à Ottawa d’examiner les répercussions de nouveaux projets de développement de ressources naturelles sur une gamme d’enjeux environnementaux et sociaux, y compris le changement climatique.

Puisque le jugement de la Cour d’appel de l’Alberta n’est que consultatif, la Loi fédérale sur l’évaluation d’impact et ses règlements restent en vigueur. Il n’aura donc aucun effet concret à moins d’être éventuellement confirmé par la Cour suprême.

Répétition du prix sur le carbone

 

Justin Trudeau a répété mardi que cette réforme était nécessaire pour « restaurer la confiance du public dans la façon dont les décisions sont prises », tout en faisant valoir que l’ancien cadre d’évaluation d’impact nuisait au développement de l’industrie.

Il a aussi rappelé que son programme national de tarification du carbone avait connu un chemin similaire, étant jugé inconstitutionnel par la Cour d’appel de l’Alberta avant que la Cour suprême ne lui donne finalement le feu vert en 2021. Une majorité des juges avait conclu que le projet fédéral de fixer un prix sur la pollution était, en fait, conforme à la constitution.

Le récent jugement albertain revisite de nouveau l’équilibre entre les pouvoirs des provinces dans leurs compétences en matière de ressources naturelles et ceux du gouvernement fédéral en environnement, une compétence qui est partagée, explique Anne-Sophie Doré, avocate au Centre Québécois du Droit de l’Environnement (CQDE).

« C’est une ligne qui est difficile à tracer dans certaines circonstances, mais la Cour suprême l’a très bien fait dans sa décision sur la taxe carbone. J’estime qu’il y aurait pu y avoir un raisonnement similaire qui aurait pu être appliqué dans cette cause », soutient-elle.

Au contraire, l’opposition conservatrice à Ottawa et au gouvernement en Alberta a vu dans le jugement de la Cour d’appel la démonstration que le gouvernement Trudeau « s’approprie des pouvoirs de manière idéologique » afin de nuire à l’industrie pétrolière.

« Le premier ministre Trudeau prétend que cela apporte de la prévisibilité au secteur énergétique. Alors pourquoi toutes les grandes organisations du secteur de l’énergie s’opposent à la loi C-69 ? Pourquoi sont-ils intervenus du côté de l’Alberta dans notre contestation constitutionnelle ? », a pour sa part déclaré le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, lors d’un point de presse à Edmonton.

La cheffe par intérim du Parti conservateur du Canada, Candice Bergen, a rappelé que son parti s’était toujours opposé à cette loi « terrible », qui empêche le Canada « de revenir au travail, construire des pipelines, et vendre de l’énergie au monde ».

Avec La Presse canadienne

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