Réduire les contaminants dans notre eau potable

Miriane Demers-Lemay
Collaboration spéciale
Les municipalités doivent protéger leurs sources d’eau potable des inondations, entre autres. Sur la photo, on aperçoit la ville de  Sainte-Marthe-sur-le-Lac inondée  au printemps 2019.
Valérian Mazataud Archives Le Devoir Les municipalités doivent protéger leurs sources d’eau potable des inondations, entre autres. Sur la photo, on aperçoit la ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac inondée au printemps 2019.

Ce texte fait partie du cahier spécial Congrès de l'Acfas

Des contaminants émergents, des médicaments, des pesticides et des microplastiques : un cocktail de substances se déverse chaque jour dans nos cours d’eau et nos sources d’eau potable, sans que l’on connaisse réellement leurs impacts sur la santé et l’environnement. C’est ce que nous rappellent des chercheurs québécois participant au colloque La santé des cours d’eau : concilier les usages anthropiques de l’eau et la conservation des écosystèmes d’eau douce.

« Le défi, c’est qu’il y a beaucoup de questions et d’inconnues, observe Sébastien Sauvé, professeur en chimie environnementale à l’Université de Montréal. Dans l’eau potable, il y a beaucoup de polluants qui sont peu ou pas réglementés. Pour nombre de contaminants, on ne sait pas ce qui est sécuritaire ou non, on est dans une zone floue. »

Or, de nombreux impacts potentiels sur la santé se dessinent dans ces zones floues, énumère l’expert. Les perturbateurs endocriniens peuvent agir sur la fertilité des poissons et des humains. Les antibiotiques peuvent accroître la résistance des bactéries aux médicaments. Plusieurs contaminants contribuent à la prévalence de l’inflammation et du cancer. Les surplus d’azote et de phosphore peuvent favoriser la prolifération de cyanobactéries générant des cyanotoxines néfastes pour la santé.

La pollution est l’un des enjeux qui seront abordés lors du colloque de l’Acfas sur la santé des cours d’eau qui aura lieu le 12 mai prochain. Le colloque, qui réunira des experts du Centre québécois de recherche sur la gestion de l’eau (CentrEau) et du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie (GRIL), vise à renforcer la collaboration entre experts en environnement et en gestion de l’eau. Cette collaboration est d’autant plus importante que les défis concernant la gestion de l’eau au Québec sont appelés à prendre de l’ampleur à l’avenir, selon Sarah Dorner, professeure au Département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal.

« On anticipe plus d’inondations des affluents municipaux, on pense à des débordements d’égouts unitaires et à plus de potentiel de contamination », explique-t-elle à propos des impacts des changements climatiques. L’ingénieure donne comme exemple les crues printanières au lac des Deux Montagnes qui avaient inondé des maisons de Sainte-Marthe-sur-le-Lac en 2019. « On découvre aussi régulièrement des contaminants émergents, qui viennent influencer la qualité de l’eau pour les écosystèmes. »

« Comment mettre ensemble nos orientations de recherche afin de mieux gérer l’eau pour l’ensemble des usages, sans oublier les usages écosystémiques, tout en s’adaptant aux changements climatiques », dit Sarah Dorner, qui espère que le colloque participe à bâtir des ponts entre différentes disciplines de recherche sur l’eau.

Des politiques à améliorer

Les algues se multiplient et meurent, contribuant à l’accumulation de matière organique et à la réduction de la luminosité dans le plan d’eau. Pour dégrader toute cette matière, les bactéries consomment l’oxygène, jusqu’à son épuisement. Des bactéries anaérobies — n’ayant pas besoin d’oxygène — prennent le relais et provoquent la fermentation de la matière organique en libérant des gaz nauséabonds.

Ce vieillissement accéléré des plans d’eau, aussi nommé eutrophisation, est un phénomène bien documenté dans les lacs de la province. Malheureusement, le phénomène est maintenant observé dans les eaux profondes de l’estuaire du Saint-Laurent, elles aussi en manque d’oxygène. En cause : les apports excessifs d’azote et de phosphore provenant des engrais agricoles, ainsi que des effluents municipaux.

« Chaque municipalité qui prélève l’eau a dû faire une analyse de vulnérabilité de sa prise d’eau et comptabiliser les rejets ou les affluents ayant le potentiel de contaminer les écosystèmes », note Sarah Dorner.

Cette dernière croit que ces données pourraient servir à une communauté plus large de chercheurs afin d’identifier les principales sources d’azote et de phosphore à l’origine du problème. « Il faut rassembler les gens pour répondre à ces questions. Si on a des problèmes d’eutrophisation, ça prend des gens qui travaillent dans les écosystèmes, et des gens qui travaillent en génie », croit l’ingénieure.

Ces travaux de recherche plus concertés pourraient permettre aux municipalités de prendre de meilleures décisions ou encore d’ajuster les cadres réglementaires en conséquence. Au niveau municipal, l’azote est un élément réglementé sur sa toxicité et non pas sur sa charge totale dans l’eau, même si ce dernier aspect est au cœur de l’eutrophisation, illustre l’experte.

« Il y a un besoin d’avoir plus de transparence dans l’information, croit de son côté Sébastien Sauvé. Il y a un certain changement au niveau gouvernemental, avec les rapports sur les pesticides qui sont transparents, mais ce n’est pas systématique et partout. Je pense qu’une des façons de mieux comprendre, de faire avancer ces questions, c’est d’avoir une meilleure transparence et un accès aux données sur les traces de contaminants dans les cours d’eau. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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