Le Québec a encore la moitié du chemin à franchir dans sa lutte contre le dérèglement climatique

En ce qui a trait à l’atteinte de ses objectifs verts, Québec est toujours à moitié dans le noir. Un an et demi après le dépôt de son premier plan de lutte contre les changements climatiques, le gouvernement de François Legault a défini les mesures qui lui permettront de remplir 51 % de ses cibles climatiques.
C’est ce qui ressort du plan vert mis à jour déposé jeudi à Québec par le ministre de l’Environnement, Benoit Charette. Les mesures qui y apparaissent permettront, si elles sont suivies à la lettre, de retrancher 16 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES) au total québécois en 2030.
En déposant son premier plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte (PEV), en novembre 2020, Québec avait cerné les actions nécessaires à l’atteinte de 42 % de ses objectifs de réduction. Le gouvernement de la Coalition avenir Québec a avancé de neuf points de pourcentage depuis. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990, il aura à faire deux fois mieux.
« Je ne dis pas qu’on sera à 9 % de progression chaque année, mais il nous reste huit ans, essentiellement », a lancé le ministre Charette en conférence de presse, jeudi. Selon les dernières données disponibles, les émissions polluantes au Québec ont grimpé, et non pas baissé, depuis 1990.
Jeudi, le ministre Charette a convenu que le travail qui se dressait devant lui était « colossal », mais grâce à des investissements supplémentaires d’un milliard de dollars — dénichés à l’aide du marché du carbone et inscrits dans le dernier budget du Québec —, le plan de mise en œuvre 2022-2027 du PEV bénéficie d’une enveloppe verte de 7,65 milliards de dollars. Québec pige dans cette bourse pour s’attaquer d’abord et avant tout aux émissions polluantes de l’industrie.
Le gouvernement de François Legault consacre pratiquement le double des sommes prévues dans son plan précédent à ce secteur. Il financera entre autres les grands émetteurs qui souhaitent lancer des projets sobres en carbone en bonifiant son enveloppe « ÉcoPerformance ». Il les accompagnera également s’ils choisissent la voie de l’électrification ou s’ils souhaitent se procurer des « équipements permettant de réduire les émissions de GES ».
Dans l’ensemble, les mesures concernant l’industrie devraient occuper 35 % des efforts de réduction de GES pour 2030, estime le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
Le plan vert mis à jour carbure toujours en grande partie à l’électrification des transports. Québec profite d’ailleurs de ce deuxième « minibudget environnemental » pour rehausser sa cible d’électrification du parc automobile. En 2030, M. Charette souhaite voir 1,6 million de véhicules zéro émission sur les routes du Québec.
Si la moitié des sommes prévues au plan de mise en œuvre doivent servir à financer la transition dans le domaine des transports, l’enveloppe totale consacrée à ce secteur diminue un tant soit peu. De 3,6 milliards dans le dernier PEV, elle passe à 3,5 milliards. Cela s’explique notamment par la réduction des crédits d’impôt offerts aux acheteurs de véhicules zéro émission.
Rien n’empêche le gouvernement d’ajouter des mesures en matière de transport à l’avenir, a assuré le ministre Charette, jeudi. « Si [nos moyens] évoluent chaque année, à travers tout ça, c’est sûr qu’il y aura de nouvelles mesures en transport », a-t-il dit.
Pas de surtaxe
Malgré tout, le ministre de l’Environnement persiste et signe : l’imposition de « malus » — ou de surtaxes visant à décourager la pollution — est une « fausse bonne idée ». Il n’en a pas inscrit à son nouveau plan vert et n’envisage pas de le faire à l’avenir. « Lorsqu’on dit qu’à partir de 2035, vous n’aurez plus la possibilité d’acheter un véhicule à essence, on change le comportement sans qu’il y ait pour autant le fameux malus », a soutenu M. Charette.
En matinée, le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois avait accusé le ministre de l’Environnement d’emprunter le mauvais chemin vers l’atteinte des cibles climatiques du Québec. « Au Québec, on devrait appliquer le principe pollueur-payeur. Ce que Benoit Charette nous dit, c’est que lui va appliquer le principe du pollueur payé. Ça n’a aucun, aucun bon sens », a-t-il lancé.
Aux yeux du porte-parole en matière de lutte contre les changements climatiques du Parti libéral du Québec, le gouvernement ne fait preuve d’aucun « sentiment d’urgence » en ne présentant que la moitié des mesures nécessaires à l’atteinte de ses objectifs.
« Le gouvernement manque d’ambition. On a besoin d’avoir 100 % des mesures », a renchéri le député péquiste Sylvain Gaudreault.