Bay du Nord n’aura pas de système pour stopper une importante fuite de pétrole

Ce texte est tiré de notre infolettre « Le courrier de la planète » du 19 avril 2022.
Depuis l’approbation du projet pétrolier Bay du Nord par le gouvernement Trudeau, plusieurs ont critiqué ses impacts climatiques. Mais la volonté de l’entreprise Equinor de forer 60 puits d’exploitation à des profondeurs pouvant dépasser les 1000 mètres soulève également des inquiétudes face à de possibles déversement.
Dans le cadre de l’évaluation environnementale, « plusieurs groupes autochtones » ont d’ailleurs « exprimé leurs préoccupations » quant aux moyens prévus pour stopper une « éruption » de pétrole qui serait incontrôlable, selon ce qu’on peut lire dans le rapport de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC).
Ils jugent qu’un « système de coiffage » permettant de mettre fin à un important déversement devrait être disponible au Canada, et ce, même si le risque d’un tel événement est jugé très faible par l’AEIC. Un tel système est installé sur le fond marin pour bloquer la sortie du pétrole.
Or, Equinor a plutôt prévu de faire venir cet équipement du Brésil ou de la Norvège. Le transport par bateau et l’installation nécessiteraient un délai de « 18 à 36 jours après l’incident », selon les données fournies par l’entreprise.
Conditions
Pourquoi le gouvernement fédéral n’a-t-il pas exigé qu’un « système de coiffage » soit disponible au Canada, par exemple à Terre-Neuve ?
« Disposer d’un système d’équipement de coiffage dans l’est du Canada est peu susceptible de réduire le temps global d’installation, étant donné que le site doit être préparé, indépendamment du lieu où l’équipement de coiffage est acquis », explique au Devoir le cabinet du ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault.
Parmi les 137 conditions fixées par le ministre lors de l’approbation du projet, au début du mois d’avril, on précise toutefois que le promoteur devrait déployer « immédiatement » cet équipement « dans la zone du déversement sous-marin non contrôlé ». Il devrait aussi forer un « puits de secours » pour stopper la fuite. Equinor estime que ce puits « pourrait être construit de 100 à 115 jours après l’incident ».
Biodiversité
Pour le biologiste Sylvain Archambault, qui suit depuis plusieurs années les enjeux liés à l’exploitation pétrolière en milieu marin, il aurait été pertinent d’exiger la présence d’un « système de coiffage » dans l’est du Canada. « Pourquoi n’y en a-t-il pas à proximité pour les forages au large de Terre-Neuve ? Je ne le sais pas. Est-ce une question de coûts ? En Arctique, on l’exige. Et compte tenu du nombre de puits prévus pour le projet Bay du Nord, on pourrait exiger l’achat de cet appareil, pour l’avoir sur place à Terre-Neuve. »
M. Archambault rappelle que le projet Bay du Nord est situé dans « une zone de grande biodiversité » et en eaux profondes, soit entre 1000 et 1200 mètres de profondeur, ce qui le rend « plus complexe ». À titre de comparaison, la plateforme d’exploitation pétrolière Hibernia, elle aussi au large de Terre-Neuve, se situe à moins de 100 mètres de profondeur.
Le biologiste ajoute que plusieurs dizaines de forages exploratoires sont aussi prévus d’ici 2030 au large de Terre-Neuve. Au total, 40 ont déjà été autorisés par le gouvernement Trudeau, en plus des 60 forages d’exploitation de Bay du Nord. Raison de plus pour prévoir le pire, même si le risque est jugé faible.
Ce texte est tiré de notre infolettre « Le courrier de la planète » du 19 avril 2022. Pour vous abonner, cliquez ici.