Plus du tiers des habitants de la grande région de Montréal jardinent

Martine Letarte
Collaboration spéciale
Parmi les gens sondés, un ménage sur dix réussit même à produire pendant les mois d’été plus du quart de sa consommation de fruits et de légumes frais.
Photo: Fabrice Gaëtan Parmi les gens sondés, un ménage sur dix réussit même à produire pendant les mois d’été plus du quart de sa consommation de fruits et de légumes frais.

Ce texte fait partie du cahier spécial Environnement

La région de Montréal évoque souvent des images de terrasses bondées dès les premiers jours ensoleillés du printemps, de festivals, de gratte-ciel et certainement, aussi, de ponts et de congestion routière. Rarement est-elle associée au jardinage. Et pourtant…

Logan Penvern, qui fait son doctorat en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) sous la direction d’Éric Duchemin, directeur du Laboratoire sur l’agriculture urbaine, a découvert que plus du tiers des personnes qui habitent la région métropolitaine jardinent.

Le doctorant a étudié les données d’un sondage réalisé auprès de 1375 résidents sélectionnés aléatoirement sur cinq territoires choisis pour la différence des profils de leurs habitants et de leurs types de logements : les quartiers Montréal-Nord et Côte-Saint-Paul–Ville-Émard, à Montréal, le quartier Chomedey, à Laval, et les villes de Longueuil et de Terrebonne. Entre 31 % et 44 % des personnes jardinent dans ces territoires.

Parmi les gens sondés, un ménage sur dix réussit même à produire pendant les mois d’été plus du quart de sa consommation de fruits et de légumes frais. La part des récoltes dans l’alimentation des gens qui jardinent varie, mais c’est dans Montréal-Nord qu’elle est la plus importante, avec quatre ménages sur dix. « Pourtant, c’est le territoire étudié qui a la plus forte densité, et ce n’est pas là qu’il y a le plus d’espace pour jardiner », indique Logan Penvern, qui a remporté le prix du public lors de la finale de l’UQAM du concours Ma thèse en 180 secondes.

Comment favoriser le jardinage ?

Étonné de voir que le jardinage est si populaire à Montréal-Nord, Logan Penvern a aussi cherché à comprendre pourquoi. « On a remarqué que plusieurs personnes parmi celles qui ont répondu au sondage ont mentionné qu’elles jardinaient à l’extérieur de leur lieu de résidence, souvent en terre, grâce à des programmes de jardinage communautaire comme outil de verdissement et de sécurité alimentaire », explique-t-il.

Pour jardiner, il faut donc bien sûr avoir accès à la terre et avoir du temps. « Le sondage nous a fait voir qu’il y a souvent une contradiction : plusieurs familles aisées ont une maison avec un terrain, donc elles ont accès à l’espace, mais n’ont pas de temps pour jardiner, indique Logan Penvern. Pour leur part, les ménages moins aisés ont souvent moins accès à l’espace parce qu’ils habitent en appartement, mais certains auraient le temps de jardiner. »

Dans Rosemont, l’initiative Partage ta terre s’attaque d’ailleurs à cette contradiction en jumelant des personnes qui prêtent leur terrain à des personnes qui veulent y jardiner.

Il y a aussi différentes stratégies pour jardiner malgré un manque d’espace. « Par exemple, on va voir sur les balcons des cultures verticales avec des haricots grimpants notamment, remarque Éric Duchemin. Sur les balcons, où il fait souvent très chaud, on va aussi voir les gens installer des bacs à réserve d’eau qui permettent de ne pas avoir besoin d’arroser ses plants plusieurs fois par jour. »

Pour favoriser le jardinage, il faut aussi s’assurer que les gens ont les connaissances pour le faire. « Il y a plusieurs formations offertes, comme celles des Urbainculteurs, du Grand Potager, de l’Académie potagère, et nous avons mis en ligne le site cultivetaville.com, le portail québécois de l’agriculture urbaine », énumère Éric Duchemin.

La persévérance est également nécessaire pour jardiner. « Ça prend du temps pour créer un bon sol dans un environnement urbain, et il faut adapter nos cultures aux ravageurs, comme la chrysomèle, qui est super présente dans la région de Montréal, et le perceur de la courge », précise le professeur, qui jardine dans sa cour arrière de Pointe-Saint-Charles.

Logan Penvern, qui a choisi son sujet de thèse de doctorat pour rendre hommage à sa grand-mère bretonne qui produit les meilleures pommes de terre qu’il ait mangées dans sa vie, se qualifie lui-même de très mauvais jardinier. Mais il continue à faire pousser quelques plants sur son balcon. « Les écureuils en profitent plus que moi », dit-il en riant.

Une solution aux défis environnementaux ?

Les potagers fournissent des fruits et des légumes frais aux jardiniers sans nécessiter de transport, mais les quantités produites demeurent trop petites pour changer les choses sur le plan environnemental, d’après Éric Duchemin.

Il estime que c’est surtout en ce qui a trait au verdissement et à la biodiversité que le jardinage urbain apporte quelque chose. « Tous ces potagers donnent de l’espace pour les oiseaux et les insectes, dont les abeilles, qui jouent un grand rôle dans la pollinisation », explique-t-il.

L’agriculture urbaine permet aussi de réutiliser la matière organique dans laquelle il y a du phosphore. « Le phosphore est une ressource non renouvelable : il provient des mines de phosphate, précise M. Duchemin. Il faut le garder le plus longtemps possible dans la boucle de l’agriculture, et une des solutions serait d’utiliser davantage le compost, que nous produisons en grande quantité, pour faire pousser des fruits et des légumes en ville. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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