Pas d’examen du BAPE pour Ray-Mont Logistiques

Le promoteur de Ray-Mont Logistiques a déjà asphalté le site du projet industriel, où des citoyens du secteur voulaient implanter un «parc-nature».
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le promoteur de Ray-Mont Logistiques a déjà asphalté le site du projet industriel, où des citoyens du secteur voulaient implanter un «parc-nature».

Malgré les demandes répétées des résidents d’Hochelaga-Maisonneuve, le gouvernement Legault n’entend pas soumettre Ray-Mont Logistiques à une évaluation environnementale de l’ensemble des impacts de ce projet industriel situé aux limites d’un quartier résidentiel. Pour le moment, le promoteur doit seulement fournir une mise à jour d’une étude sur le « climat sonore » imputable au projet de transbordement de conteneurs.

Le gouvernement avait déjà accordé des autorisations au promoteur afin qu’il mène différents travaux sur son site, situé au nord de la rue Notre-Dame, à l’est de la rue Viau. Ray-Mont Logistiques a donc pu asphalter ce terrain, où des résidents du secteur et des élus souhaitaient implanter un « parc-nature » lié à un boisé situé plus au nord. L’entreprise pouvait aussi construire les voies ferrées nécessaires et utiliser des sols contaminés pour construire un « mur écran » situé du côté du secteur résidentiel.

La demande déposée par le promoteur pour la construction de la « plateforme intermodale » (qui permet de faire passer les conteneurs des camions aux wagons) pouvait toutefois être assujettie à l’obtention d’une « autorisation » ministérielle en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE).

C’est à ce moment que le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, aurait pu recommander d’assujettir le projet à la procédure d’évaluation environnementale prévue dans la LQE. Pour cela, le ministre devait déterminer que « les enjeux environnementaux que peut susciter le projet sont majeurs et que les préoccupations du public le justifient », selon le libellé de la LQE.

Rappelons que Ray-Mont Logistiques prévoit d’ouvrir sur son site une entreprise de transbordement de conteneurs qui sera en activité tous les jours, 24 heures sur 24, à moins de 100 mètres d’un quartier résidentiel. La plateforme comprendra aussi l’empilement d’un maximum de 10 000 conteneurs sur le site, en vue de leur exportation par navires, et 1000 passages de camions semi-remorque chaque jour.

« Climat sonore »

Pendant plusieurs mois, le ministre s’est contenté de répéter qu’il attendait le dépôt de la demande de construction de la plateforme intermodale avant de déterminer si le projet serait soumis à une évaluation environnementale complète, qui aurait pu mener à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Mardi, il a décidé que ce ne serait pas le cas, une information confirmée au Devoir par son cabinet en fin de journée.

Par voie de communiqué, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) a toutefois exigé plus tôt en journée l’arrêt des travaux sur le site, le temps que le promoteur mène « une étude de modélisation du climat sonore plus représentative des conditions critiques qui pourraient être observées que celle qui a déjà été fournie à titre préliminaire le 11 février 2022 ». L’entreprise devra aussi proposer « des mesures de mitigation appropriées ».

« C’est une bonne nouvelle pour tout le monde, pour les citoyens et la Ville de Montréal aussi », a déclaré la mairesse Valérie Plante en marge d’une conférence de presse, où elle a rappelé que la Ville avait tenté en vain dans les dernières années de modifier ce projet « comme on le souhaitait ». Mais « on a perdu en cour », a-t-elle rappelé. Ray-Mont Logistiques réclame aussi 373 millions de dollars à la Ville en raison des délais pour obtenir certains permis.

La mairesse s’est réjouie que Québec « aille de l’avant avec des mécanismes juridiques » afin de s’assurer que le projet de Ray-Mont Logistiques « corresponde aux attentes de la population » de ce secteur de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.

« Est-ce que ça me satisfait ? C’est vraiment un bon début. Comme on dit, ce n’est pas la fin parce qu’il y a beaucoup de zones d’ombre, mais pour notre quotidien, c’est vraiment un bonheur. C’est vraiment la fête dans le quartier », a lancé au Devoir Anaïs Houde, membre de Mobilisation 6600, un regroupement de citoyens qui militent pour que ce site devienne un parc-nature. Au cours des dernières semaines, des travaux sur le site ont causé maintes nuisances aux résidents, a-t-elle indiqué.

Des inquiétudes

 

Dans les coulisses de la Ville, on s’inquiète toutefois qu’une autorisation environnementale soit donnée rapidement au promoteur. Une source bien au fait du dossier a d’ailleurs dit craindre que les mesures proposées pour réduire les nuisances sonores ne rendent pas le projet « acceptable » pour autant auprès des résidents. « On sait que c’est juste une pause [du chantier], qu’on n’a rien gagné vraiment », reconnaît aussi Mme Houde, qui milite pour que le BAPE se penche sur ce dossier.

Dans une déclaration écrite, Ray-Mont Logistique a pris acte mardi de la décision du MELCC, tout en soulignant que les travaux relancés récemment sur son site découlaient de la nécessité de « se conformer aux exigences de la Ville de Montréal ». « La volonté de l’entreprise a toujours été de se conformer à la réglementation en place », a fait valoir le promoteur.

Malgré l’arrêt des travaux ordonné par le MELCC, les activités sur le site de Ray-Mont Logistiques se poursuivaient mardi. Des images obtenues par Le Devoir montrent que des déplacements de conteneurs étaient en cours sur l’heure du midi. « C’est un comportement voyou et vraiment pernicieux de l’entrepreneur Ray-Mont Logistiques depuis des années », a d’ailleurs lancé mardi Patricia Clermont, elle aussi membre de Mobilisation 6600.

Des élus, des commerçants et des résidents du secteur ont exhorté récemment le gouvernement Legault à agir dans ce dossier, après des mois d’opposition au projet. « Ce n’est pas le genre de développement qu’on souhaite dans notre quartier », a alors fait valoir la députée fédérale d’Hochelaga, Soraya Martinez Ferrada, en soulignant l’opposition du gouvernement Trudeau au projet de Ray-Mont Logistiques.

Pour la présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, Claudel Pétrin-Desrosiers, Ray-Mont Logistiques est un projet incohérent dans un contexte de lutte contre les impacts de la crise climatique. Qui plus est, l’opposition des résidents du quartier risque de provoquer « des impacts psychosociaux » si le projet va de l’avant. « Je ne vois aucun justificatif pour que ce projet voie le jour. »

Une nouvelle manifestation organisée par Mobilisation 6600 aura lieu samedi contre ce projet industriel.

 

Avec Pauline Gravel

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