Passe d’armes entre les directions régionales de santé publique et Québec

Benoit Charette a laissé entendre qu’il n’avait pas le choix de de quintupler la norme quotidienne du taux de nickel permis dans l’air.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Benoit Charette a laissé entendre qu’il n’avait pas le choix de de quintupler la norme quotidienne du taux de nickel permis dans l’air.

Le ton monte entre le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, et les directions régionales de santé publique (DRSP) alors que ces dernières s’unissent pour dénoncer le projet de hausser les seuils de concentration de nickel dans l’air.

« Il est préférable, dans une perspective de santé publique, de ne pas modifier à la hausse la norme journalière de 14 ng/m3 pour ce métal et ses composés cancérigènes », écrivent les DRSP dans un mémoire conjoint transmis au ministère de l’Environnement. « Maximiser les efforts pour diminuer le plus possible la pollution atmosphérique à la source apparaît comme un scénario beaucoup plus prometteur et durable que celui proposé actuellement. »

Le document a été parafé par les 18 directeurs régionaux de santé publique du Québec. Ces derniers plaident que le portrait sur la caractérisation du nickel dans l’air au Québec est « incomplet ». Ils écrivent en outre que « la volonté d’assouplir cette norme repose avant tout sur des arguments économiques et que le fait d’émettre davantage de nickel dans l’air ne représente pas un avantage d’un point de vue de la protection de la santé et de l’environnement. »

Le ministre isolé

 

Invité à réagir jeudi matin, le ministre de l’Environnement a laissé entendre qu’il n’avait pas le choix de quintupler la norme quotidienne du taux de nickel permis dans l’air, la faisant passer à 70 ng/m3. « On ne peut pas penser électrifier nos transports sans nickel », a-t-il dit, avant d’ajouter que la norme actuelle « freinerait le développement de la filière batterie ».

Concernant la sortie des directions régionales de santé publique, Benoit Charette en a minimisé la portée en soulignant qu’elles n’avaient pas fourni de « nouvelles données et études » et que la Santé publique « nationale », elle, appuyait le changement de norme.

Or, aux yeux de Québec solidaire, le ministre est de plus en plus « isolé » dans ce dossier. « Il y a juste lui, au Québec, qui pense que, ça, c’est une bonne affaire, que c’est inoffensif. Il y a juste lui, qui défend les intérêts des industries dans ce dossier-là. Il est complètement isolé », a déclaré le député Sol Zanetti, qui représente Limoilou, le secteur de la ville exposé aux dépassements de la norme de nickel dans l’air.

La semaine dernière, la Ville de Québec avait officiellement demandé au gouvernement de maintenir la norme à 14 ng/m3. Le ministre Charette avait maintenu sa position dans le dossier, mais s’était engagé à ajouter une station d’échantillonnage dans Limoilou et à créer un groupe de travail sur la qualité de l’air aux environs du port. 

Un enjeu au-delà de Québec

Avant de prendre position dans le dossier, la Ville avait tenu une assemblée plénière pour entendre les points de vue de divers organismes sur le sujet. À cette occasion, la DRSP de la Capitale-Nationale ne s’était pas montrée particulièrement alarmée par le changement de norme. Son directeur, le Dr André Dontigny, avait affirmé que le nickel était « un petit élément » de préoccupation « parmi d’autres plus importants » en ce qui a trait à la qualité de l’air dans Limoilou.

Il y a juste lui, au Québec, qui pense que, ça, c’est une bonne affaire, que c’est inoffensif. Il y a juste lui, qui défend les intérêts des industries dans ce dossier-là. Il est complètement isolé

 

Or, le document qu’il cosigne avec les autres DRSP affiche une opposition sans ambiguïté au changement de norme. A-t-il changé d’idée ? Non, s’est-il défendu jeudi en entrevue, disant que des « nuances » dans sa présentation l’assemblée plénière n’avaient pas été « retenues ».

Quant aux autres DRSP, elles craignent que l’allégement de la norme finisse par avoir des répercussions bien au-delà de Québec. « L’industrie du nickel a le potentiel de devenir une très grande industrie », a expliqué au Devoir le directeur intérimaire de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue, le Dr Stéphane Trépanier. « Les régions sont susceptibles d’avoir tôt ou tard une utilisation de nickel si la filière se développe. »

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