Le Québec «ne peut pas se fier» à l’éolien et au solaire, affirme l’industrie gazière

Le porte-parole de l’industrie de l’exploration gazière au Québec, Éric Tétrault, estime que la province devrait exploiter le gaz de schiste pour répondre à la demande énergétique des prochaines années, puisqu’elle « ne peut pas se fier » aux énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire. Mais en cas d’annulation des permis d’exploration, les entreprises comptent réclamer des centaines de millions de dollars à l’État québécois.
Éric Tétrault, qui agit à titre de président de l’Association pétrolière et gazière du Québec, a profité mardi de sa tribune à l’Assemblée nationale du Québec pour vanter les mérites de l’exploitation du gaz de schiste. Selon lui, le projet de loi 21, conçu pour mettre un terme aux projets d’exploration pétrolière et gazière, « condamne » le Québec à importer toute sa consommation d’énergie fossile.
Tout en affirmant que l’exploitation gazière permettrait de financer les missions de l’État, et notamment le « réseau de la santé », il a plaidé pour la réalisation d’un « projet pilote » d’exploitation. Selon lui, cela permettrait de « tester » une technologie qui servirait à extraire du gaz de schiste sans émettre de gaz à effet de serre.
« Ce que l’industrie tente de faire, c’est d’être plus rapide que les gouvernements vers la carboneutralité », a-t-il affirmé, en répondant aux questions du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien. Mais pour mener à bien ses projets de gaz naturel « sans émission », l’industrie aurait impérativement besoin d’avoir accès à l’hydroélectricité du Québec, a-t-il ajouté.
Éric Tétrault, qui est inscrit au registre comme lobbyiste pour l’entreprise gazière albertaine Questerre Energy, a par ailleurs critiqué ceux qui estiment que le Québec pourra répondre à la demande croissante en énergie en se tournant vers le développement éolien et solaire au cours des prochaines années. « On ne peut pas se fier » à l’énergie éolienne, a-t-il laissé tomber. « L’éolien et le solaire ne sont pas prêts », a ajouté M. Tétrault. « On pense que le gaz naturel “zéro émission”, ça vaut 100 fois l’éolien et le solaire », a-t-il également soutenu.
Compensations
Si le gouvernement Legault maintient son intention d’abolir les 182 permis d’exploration encore en vigueur au Québec, il devra toutefois s’attendre à verser des centaines de millions de dollars à l’industrie, a prévenu Éric Tétrault, qui représentait la dizaine d’entreprises encore présentes au Québec.
Selon lui, les 100 millions de dollars de fonds publics prévus par le gouvernement pour compenser les entreprises et financer la restauration de 62 puits d’exploration constituent en fait une « confiscation ».
Il a ainsi rappelé que les investisseurs « ont été invités à investir au Québec ». « Si on change les règles du jeu, il faut une compensation adéquate », qui comprendrait les « investissements consentis depuis 30 ans au Québec », mais aussi possiblement les « milliards de dollars » qui correspondent « aux profits perdus ».
Dans un communiqué publié mardi, Questerre a d’ailleurs dit qu’elle utilisera « tout le temps et l’argent nécessaires » pour s’assurer d’être traitée « équitablement ». Celle-ci a intenté une première poursuite contre le gouvernement du Québec, en raison de l’interdiction de la fracturation dans la vallée du Saint-Laurent.
À l’autre bout du spectre, des groupes environnementaux ont profité des consultations mardi pour demander au gouvernement de ne pas offrir de compensations aux entreprises. En 2011, au moment d’interdire l’exploration pétrolière et gazière dans le fleuve et l’estuaire du Saint-Laurent, le gouvernement Charest avait fermé la porte à de telles compensations.
Le ministre Jonatan Julien est cependant demeuré sur sa position, en promettant de rembourser certaines dépenses effectuées par les entreprises depuis 2015. Selon ce que prévoit le gouvernement Legault avec le projet de loi 21, Québec remboursera aussi 75 % des frais pour la fermeture et la restauration de 62 puits qui ont été forés, dont 29 puits de gaz de schiste, mais qui appartiennent toujours à des entreprises. Le gouvernement évalue la facture à 33 millions de dollars.
L’État québécois devra débourser des dizaines de millions de dollars pour la décontamination des puits pétroliers et gaziers abandonnés, dont plusieurs laissent fuir des hydrocarbures. La facture totale est inconnue.
Avec François Carabin