Les municipalités veulent en finir avec les vieux puits pétroliers et gaziers

Malgré la fin de l’exploration pétrolière et gazière au Québec, plusieurs municipalités devront continuer de cohabiter avec d’anciens puits sur leur territoire, dont certains représentent des risques pour l’environnement et la santé publique. Elles demandent donc au gouvernement d’agir rapidement et avec transparence.Le ministère responsable des puits a toutefois refusé de transmettre au Devoir une liste de 62 puits à restaurer, de même que le nom des entreprises responsables.
Alors que débutent ce mardi les consultations concernant le projet de loi qui mettra un terme à l’exploration pétrolière et gazière, la Fédération québécoise des municipalités (FQM) entend profiter de cette tribune à l’Assemblée nationale pour souligner l’importance de s’occuper des dizaines de puits pétroliers et gaziers qui ont été forés au cours des dernières années. Cette demande est au cœur du mémoire qui sera présenté en avant-midi.
« Ce sont les municipalités qui auront à vivre avec les puits dans les années à venir. On veut donc que le processus de fermeture soit fait dans le respect de l’environnement et avec transparence. Il faut que les communautés soient informées de ce qui a été fait, comme la fracturation et les produits chimiques utilisés. Il faut aussi que le suivi soit fait de façon rigoureuse, parce qu’on ne veut pas retrouver de puits orphelins, comme dans le passé », explique la présidente de la FQM, Audrey Boisjoly, en entrevue au Devoir.
Elle rappelle que certaines municipalités, placées dans le passé face à des projets d’exploration lancés sans consultation publique et sans cadre réglementaire propre à l’industrie, s’inquiétaient des risques pour leurs citoyens. Elles exigent donc un changement de paradigme pour la suite des choses. « On a toujours demandé d’être informés de ce qui se passe sur notre territoire. Nous sommes les premiers interpellés par les citoyens, donc on veut être informés et consultés. C’est essentiel. »
62 puits
Selon ce que prévoit le gouvernement Legault avec le projet de loi 21, Québec remboursera 75 % des frais pour la fermeture et la restauration de 62 puits qui ont été forés, dont 29 puits de gaz de schiste, mais qui appartiennent toujours à des entreprises. Le gouvernement évalue la facture à 33 millions de dollars.
Le Devoir a demandé au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) la liste des 62 puits, mais aussi le nom des entreprises responsables et une évaluation des coûts. « Les informations demandées ne peuvent malheureusement être transmises par le biais d’une demande média », a répondu le ministère, en invitant à soumettre une demande d’accès à l’information.
La facture pour les 62 puits, à laquelle il faut ajouter environ 70 millions de dollars en guise de compensations aux entreprises qui détiennent toujours des permis d’exploration, ne tient pas compte de tous les puits. Il faut en effet ajouter 95 puits abandonnés à la charge de l’État et qui nécessitent des « travaux », notamment pour stopper des fuites de gaz et de pétrole.
La facture finale est actuellement impossible à préciser, mais le nettoyage de certains puits orphelins est évalué à plusieurs millions de dollars. Pour le moment, les 30 puits pour lesquels le MERN a inscrit une estimation des coûts nous conduisent à une facture totale de 54 millions de dollars. Cette estimation concerne moins du tiers des 95 puits jugés problématiques, sur les 534 qui ont été localisés depuis 2018.
Compensations
Les consultations qui se tiennent cette semaine à Québec permettront aux élus d’entendre des représentants de l’industrie, des groupes environnementaux et des experts du domaine de l’énergie.
Des groupes écologistes comptent réaffirmer que le gouvernement ne devrait pas offrir de compensation pour l’annulation des quelque 182 permis d’exploration toujours en vigueur. En 2011, au moment d’interdire l’exploration pétrolière et gazière dans le fleuve et l’estuaire du Saint-Laurent, le gouvernement Charest avait fermé la porte à de telles compensations.
Des représentants de certaines entreprises toujours présentes au Québec estiment pour leur part que la fin de l’exploration leur fera perdre des centaines de millions de dollars, voire des milliards en revenus potentiels, même si aucun projet d’exploitation n’a vu le jour.
Selon une liste des montants perçus par le MERN pour le maintien des permis d’exploration depuis 2011, on peut estimer que les entreprises ont déboursé environ 13 millions de dollars sur 10 ans. Il n’existe pas de données indépendantes sur les investissements effectués par les entreprises.
Revoir les priorités d’aménagement du territoire
Dans le mémoire qui sera présenté mardi, la Fédération québécoise des municipalités demande au gouvernement d’abroger l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, de façon que les permis d’exploration ou l’exploitation des ressources du sous-sol, dont les ressources minières, ne puissent plus avoir préséance sur l’aménagement du territoire des municipalités. « Il faut que l’industrie minière et celle des hydrocarbures soient soumises aux mêmes règles que les autres industries », souligne Audrey Boisjoly. Actuellement, une municipalité ne peut pas décréter qu’un territoire est incompatible avec l’industrie minière, pétrolière ou gazière, si un permis d’exploration vise ce territoire.