Les pétrolières se heurteront aux objectifs climatiques du Canada, prévient Guilbeault

Le Canada est l’un des plus importants producteurs mondiaux de gaz naturel et de pétrole.
Getty Images Le Canada est l’un des plus importants producteurs mondiaux de gaz naturel et de pétrole.

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, ne ferme pas la porte aux projets d’expansion de l’industrie pétrolière et gazière au Canada, y compris en milieu marin. Mais il prévient que cette croissance risque fort de se heurter à une réglementation climatique de plus en plus sévère, ce qui devrait favoriser la transition économique de certaines provinces.

Le Canada est l’un des plus importants producteurs mondiaux de gaz naturel et de pétrole, respectivement grâce au recours à la fracturation hydraulique et aux gisements des sables bitumineux. Les entreprises du secteur prévoient aussi une hausse des volumes d’exploitation au cours des prochaines années, afin de répondre à une demande planétaire croissante.

Dans le cadre d’une entrevue accordée au Devoir, le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, souligne toutefois que l’industrie des énergies fossiles devra se plier à une réglementation de plus en plus stricte, ce qui risque de limiter ses ambitions de croissance. Il cite comme exemples l’engagement à plafonner et à réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier, l’augmentation prévue de la taxe carbone et les objectifs de diminution des émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre (GES).

« Pour que leurs projections se réalisent, les entreprises vont devoir faire face à un prix sur la pollution qui sera de 170 $ la tonne en 2030. Elles vont devoir faire face à un plafond sur les émissions de gaz à effet de serre. Donc, je pense que ces projections précèdent plusieurs des mesures que nous avons annoncées et prises, comme la réglementation sur le méthane », fait valoir le ministre.

« Soit les entreprises vont trouver des solutions technologiques qui vont permettre de réduire de beaucoup les émissions, de façon notamment à être sous le plafond des émissions, soit elles vont devoir se diversifier, ajoute M. Guilbeault. Il n’y a pas 36 solutions. On ne peut pas augmenter la production, augmenter les émissions et, en même temps, respecter les nouvelles réglementations canadiennes. S’il y a une augmentation de la production, il va falloir que ça s’accompagne d’une diminution radicale des émissions. »

Il n’a pas souhaité donner de détails sur la mise en œuvre de la promesse de plafonner puis de réduire les émissions de GES du secteur pétrolier et gazier, s’en remettant à la consultation qui doit être menée au cours des prochains mois. « Ces consultations vont devoir se faire assez rapidement, parce que je veux que ce règlement soit en place le plus rapidement possible. Est-ce que ce sera en 2022 ou au début de 2023 ? Chose certaine, ce ne sera pas 2025. On doit apprendre à aller plus vite dans le déploiement de nos mesures, notamment avec les mesures réglementaires. »

Transition

 

Le nouveau ministre de l’Environnement et du Changement climatique, qui a longtemps milité comme écologiste pour une sortie des énergies fossiles, estime par ailleurs que certaines provinces évoquent de plus en plus des projets de diversification économique, afin de réduire leur dépendance au secteur pétrolier et gazier.

Il dit d’ailleurs avoir discuté de ces questions récemment avec le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey. « Une bonne partie de notre conversation portait sur l’éolien en mer. Terre-Neuve a des plans très ambitieux de diversification de son économie. C’est un peu ça, la transition, fondamentalement. Plusieurs provinces commencent à regarder l’avenir d’une autre façon qu’avec le développement des énergies fossiles comme il a été fait depuis plusieurs décennies », selon lui.

Le gouvernement Trudeau ne ferme pas pour autant la porte aux nouveaux projets d’exploitation pétrolière, notamment au large des côtes de Terre-Neuve. Au début de l’année, il a d’ailleurs autorisé 40 forages exploratoires dans une région maritime reconnue par l’ONU pour son importance écologique et biologique. Cette autorisation répond aux souhaits de la province, qui espère que 100 forages seront réalisés au cours des prochaines années afin de doubler la production en milieu marin, et ce, après 2030.

Dans un rapport publié le mois dernier, le commissaire fédéral à l’environnement et au développement durable, Jerry DeMarco, soulignait que les industries fossiles nuisent aux efforts de réduction des émissions de GES du Canada. « Même en tenant compte des réductions considérables des émissions des sables bitumineux par baril, la production pétrolière et gazière du Canada, qui est en pleine expansion, reste l’un des principaux obstacles à l’atteinte des cibles climatiques du pays », écrit-il.

Selon un rapport publié plus tôt cette année par l’Agence internationale de l’énergie, il faut abandonner dès maintenant tout nouveau projet d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles pour espérer limiter les bouleversements du climat et respecter les objectifs de l’Accord de Paris.


Une version précédente de ce texte avait pour titre « Une réglementation plus stricte qui touchera les énergies fossiles », ce qui n'est pas exact.

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