La déclaration finale de la COP26 passerait sous silence les énergies fossiles

La déclaration finale de la 26e conférence climatique des Nations unies (COP26) pourrait bien ne pas mentionner la question des énergies fossiles, selon ce qui se dégage d’une première version des éléments clés risquant de s’y retrouver. L’industrie pétrolière et gazière est par ailleurs bien représentée à Glasgow, notamment par des lobbyistes canadiens qui veulent faire la promotion des ressources du pays.
La présidence de la COP26 vient de publier un « résumé » des éléments qui pourraient se retrouver dans la déclaration finale de la rencontre, qui se termine en théorie vendredi. Ce document contient des éléments de « contexte » relevés par les différents pays, mais aussi des points importants concernant l’« adaptation » aux bouleversements climatiques, la réduction nécessaire des émissions de gaz à effet de serre, la collaboration entre les États et la mise en œuvre des engagements.
Le document n’est qu’une ébauche des principaux points au cœur des discussions, et certains éléments pourraient disparaître au moment de la rédaction de la version finale, qui doit faire l’objet d’un consensus entre les États. Mais on remarque déjà dans le document l’absence de référence aux énergies fossiles, même si notre dépendance au charbon, au pétrole et au gaz naturel est la principale responsable de la crise climatique qui s’aggrave.
Fellow au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal et conseiller principal chez COPTICOM, Hugo Séguin estime que la question des énergies fossiles devrait pourtant figurer dans la déclaration. « Avec tout ce qu’on sait et au point où nous sommes, comme communauté internationale, on devrait être capables de nommer les choses et de nommer les principales sources du dérèglement climatique. Et l’une d’elles est notre système énergétique basé sur les carburants fossiles. On devrait donc pouvoir la nommer, surtout dans un contexte de négociations climatiques qui durent depuis plus de 25 ans », a-t-il fait valoir lundi.
Dans un cadre où pas moins de 197 parties doivent arriver à un « consensus » d’ici la fin de la rencontre, il ne s’étonne toutefois pas de cette omission. Selon lui, il est fort possible que certains pays producteurs d’énergies fossiles rejettent l’idée d’inscrire explicitement la nécessité de réduire notre dépendance au pétrole, au gaz et au charbon dans la déclaration finale.
Cela dit, M. Séguin estime que cette absence remarquée par certains observateurs et par les groupes environnementaux n’a pas été un frein à certaines annonces qui auront pour effet de réduire la place des énergies fossiles.
Concession aux producteurs ?
Pour Greenpeace, le fait de ne pas inscrire le besoin de sortir des énergies fossiles est une erreur et une concession aux pays producteurs, comme l’Australie (charbon) et l’Arabie saoudite (pétrole). Ces derniers, ainsi que l’Inde, ont déjà plaidé plus tôt cet automne pour une atténuation des recommandations du prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, prévu en mars 2022, concernant la sortie des énergies fossiles.
Dans un communiqué publié lundi, Greenpeace a rappelé que l’Agence internationale de l’énergie demande pourtant à ce qu’on mette fin à tout nouveau projet d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles pour respecter les engagements de l’Accord de Paris sur le climat. Or, ce n’est pas la voie qui est suivie par les grands pays producteurs et exportateurs. Selon la plus récente édition du Production Gap Report, ceux-ci prévoient d’exploiter en 2030 environ 110 % plus d’énergies fossiles que ce qui serait cohérent avec les objectifs de l’Accord de Paris, soit celui de limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
Le gouvernement Trudeau n’a pas choisi d’imposer de plafond à la croissance de la production pétrolière et gazière au Canada, mais il a promis de mettre en place un « plafond » d’émissions de gaz à effet de serre. Cette limite devrait être abaissée progressivement au cours des prochaines années, afin d’assurer le respect des cibles climatiques canadiennes.
Lobbying de l’industrie
L’organisme Global Witness a par ailleurs dévoilé lundi une liste de plus de 503 participants à la COP26 qui sont associés à l’industrie des énergies fossiles. Plusieurs d’entre eux sont des représentants d’entreprises qui font de l’exploitation et qui plaident pour le maintien, à long terme, du pétrole et du gaz naturel dans la consommation énergétique mondiale, actuellement comblée à 80 % par des énergies fossiles.
Selon ce qu’on peut constater dans la liste des participants inscrits comme provenant du Canada, on compte deux représentants de la pétrolière Suncor, qui exploite du pétrole des sables bitumineux et une des deux raffineries du Québec. Une autre entreprise canadienne, Fortis, qui est présente dans l’industrie gazière, est aussi représentée.
Qui plus est, l’Association canadienne des producteurs pétroliers a confirmé au Devoir que trois représentants sont à Glasgow, dont son président, Tim McMillan. L’organisme, qui se présente comme « la voix » de l’industrie au pays, organise une conférence de presse mardi. Il compte y faire valoir « la nécessité » de reconnaître le rôle du gaz naturel et du pétrole pour combler les besoins énergétiques dans les prochaines années et répondre à « l’ambition de l’Accord de Paris ».
Au-delà des éléments qui pourraient être absents de la déclaration finale de la COP26 et des efforts de promotion de l’industrie des énergies fossiles, les négociations qui se tiennent à la conférence de Glasgow cette semaine risquent d’être ardues, selon Hugo Séguin. Dans le cadre d’une séance plénière tenue lundi, plusieurs pays ont notamment réclamé une promesse ferme d’atteinte de l’objectif le plus ambitieux compris dans l’Accord de Paris, soit la limitation du réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Pour le moment, les gestes concrets posés par les principaux pays émetteurs, dont le Canada, sont insuffisants pour y parvenir.
Avec l’Agence France-Presse