La direction du REM promet de restaurer un marais qu’elle dit ne pas avoir endommagé

La Caisse de dépôt et placement (CDPQ Infra) a pris l’engagement de préserver un important milieu humide situé dans le secteur du Technoparc Montréal, connu sous le nom d’«étang aux Hérons».
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir La Caisse de dépôt et placement (CDPQ Infra) a pris l’engagement de préserver un important milieu humide situé dans le secteur du Technoparc Montréal, connu sous le nom d’«étang aux Hérons».

Même si la direction du REM affirme ne pas être responsable de l’assèchement d’un important milieu humide de l’ouest de Montréal, elle promet de restaurer cet habitat faunique réputé qui s’est vidé à la suite du passage, sous le marais, du tunnelier qui creuse le tronçon devant relier l’aéroport Montréal-Trudeau. Le ministère de l’Environnement analyse le dossier afin de déterminer s’il y a eu des infractions à la Loi sur la qualité de l’environnement.

Dans le cadre de la réalisation de son projet de Réseau express métropolitain (REM), la Caisse de dépôt et placement (CDPQ Infra) a pris l’engagement de préserver un important milieu humide situé dans le secteur du Technoparc Montréal, connu sous le nom d’« étang aux Hérons ». Plus de 160 espèces d’oiseaux ont été observées au printemps dernier — au plus fort de la migration — dans cet habitat réputé auprès des ornithologues.

CDPQ Infra a donc recours à un tunnelier afin de creuser le tronçon qui doit permettre au métro léger de rallier l’aéroport Montréal-Trudeau. Le problème, c’est que l’étang s’est asséché presque complètement au cours des dernières semaines, après le passage, sous le marais, du tunnelier. Un énorme trou s’est aussi formé dans un secteur de l’étang.

« C’est comme si on avait tiré sur le bouchon d’une baignoire », illustre Katherine Collin, porte-parole du regroupement Technoparc Oiseaux. Habituée du secteur, elle estime que cette situation est complètement anormale, même en plein été, en précisant que des étangs situés non loin de là, mais hors de la trajectoire du tunnelier, ne se sont pas asséchés.

« Naturel »

La direction du REM assure pour sa part qu’elle n’est absolument pas responsable de l’assèchement de ce marais, qui risque de compromettre la viabilité d’un des rares milieux humides de l’île de Montréal. « La variation du niveau de l’eau de l’étang aux Hérons serait liée aux conditions météorologiques particulières de cette année », indique CDPQ Infra, citant ses « experts » dans une « mise à jour » sur la situation. On y souligne que l’année 2021 est « particulièrement sèche » et que la zone se serait déjà « retrouvée asséchée » en saison estivale.

Revenant sur les travaux du tunnelier, CDPQ Infra précise toutefois qu’un affaissement a eu lieu près du point de départ du tunnelier, un phénomène qui « peut se produire lorsqu’une poche d’air se forme dans un sol meuble comme celui près du milieu humide ». Des travaux sont donc prévus au cours des prochains jours, pour combler cette « cavité ».

Par ailleurs, même si elle affirme que l’assèchement du marais est « d’ordre naturel », la direction du REM prévoit déjà de le recharger, c’est-à-dire qu’elle y ajoutera de l’eau. « Compte tenu de la présence de nos équipes dans le secteur pour la réalisation des travaux de comblement de la cavité et de notre engagement et sensibilité envers la préservation de la faune et la flore des milieux humides, les équipes procéderont à la recharge du milieu humide. » Cela serait fait « en accord » avec la Ville de Montréal et le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) « au cours des prochains jours ».

Du côté du MELCC, on précise que deux inspections ont eu lieu sur le site naturel asséché au cours des derniers jours et que « les vérifications se poursuivent ». S’il est démontré que les travaux du REM ont provoqué cette destruction d’un milieu humide, que ferait le MELCC ? « Le ministère prendra les mesures nécessaires pour faire respecter les lois et les règlements sous sa juridiction. En plus des recours prévus pour ce type de manquements, des mesures correctives pourraient être exigées de la part du responsable », explique-t-on, en réponse aux questions du Devoir.

Sanctionner la Caisse

 

Avocate au Centre québécois du droit de l’environnement, Anne-Sophie Doré explique si le promoteur n’a pas respecté les conditions de son autorisation, « le MELCC pourra imposer une sanction administrative et pécuniaire qui se traduit par une amende ». Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, pourrait aussi exiger que le milieu soit remis en état.

« A priori, si le ministère conclut qu’il y a bel et bien eu altération à un milieu humide en raison des travaux du REM, il pourrait conclure qu’il y a eu contravention à la Loi sur la qualité de l’environnement en raison du non-respect des dispositions portant sur les milieux humides », ajoute Me Doré. Il est en effet nécessaire d’obtenir une autorisation du ministère pour les travaux qui ont un impact sur les milieux humides et de déposer une compensation financière pour la destruction d’un milieu humide.

Pour l’écotoxicologue Daniel Green, il ne fait aucun doute que les travaux du REM ont provoqué la formation d’un trou dans le marais (visible sur des photos), qui s’est ensuite asséché. Selon lui, une telle situation était prévisible, en raison de l’instabilité des sols qui sont gorgés d’eau sous ce milieu humide.

M. Green estime que dans ce contexte, CDPQ Infra devrait être sanctionnée, puisqu’elle aurait contrevenu aux lois environnementales du Québec. « Si un promoteur immobilier faisait la même chose, l’entreprise serait poursuivie », souligne-t-il, en déplorant par ailleurs l’idée de « recharger » le marais avec l’eau tirée du réseau d’aqueduc, et donc traitée.

Katherine Collin déplore surtout le fait que cet assèchement pourrait avoir détruit les stocks de poissons qui vivaient dans cet étang. Ces stocks constituaient une ressource alimentaire pour plusieurs espèces d’oiseaux, qui ont aussi probablement perdu un habitat propice pour plusieurs dizaines d’espèces de la faune aviaire sur l’île de Montréal.

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