Une baleine noire empêtrée dans le golfe du Saint-Laurent

Pour la première fois depuis 2019, une baleine noire s’est empêtrée dans un engin de pêche dans le golfe du Saint-Laurent. Pêches et Océans Canada ne sait pas s’il sera possible de lancer une opération de sauvetage de cette baleine, qui serait « grièvement blessée ».
L’empêtrement de cette baleine noire de l’Atlantique Nord, qui fait partie d’une espèce au seuil de l’extinction, a été constaté mardi à l’est de l’île Miscou, au Nouveau-Brunswick. Cette région est particulièrement fréquentée présentement par les baleines noires qui passent une partie de l’année dans le golfe du Saint-Laurent, selon les données tirées des opérations de surveillances de Pêches et Océans Canada (MPO).
Selon les détails fournis dans un communiqué publié mercredi par MPO, il s’agit d’un mâle de cinq ans connu des chercheurs qui étudient l’espèce. « L’équipage à bord d’un navire de recherche de l’aquarium de la Nouvelle-Angleterre, qui travaille dans le sud du golfe du Saint-Laurent, a indiqué que la baleine semble être grièvement blessée », précise le communiqué.
Opération de sauvetage ?
Une étiquette satellite a été apposée sur l’engin de pêche, précise le ministère fédéral, afin de pouvoir localiser plus facilement l’animal. « Si les conditions météorologiques et les conditions de mer le permettent, des efforts peuvent être faits dans les jours à venir pour tenter de secourir la baleine », ajoute MPO. On ne sait donc pas pour le moment si une opération de sauvetage pourra être tentée.
Par ailleurs, MPO a profité de la publication de ce communiqué pour faire le point sur la situation d’une autre baleine noire qui est arrivée déjà empêtrée dans le golfe du Saint-Laurent, plus tôt cette année. Jeudi dernier, l’équipe de sauvetage des baleines de Campobello, au Nouveau-Brunswick, a été en mesure de retirer un cordage de cette femelle adulte, surnommée « Snow Cone ».
Les membres de l’équipe de sauvetage des baleines empêtrées dans des engins de pêche « ont indiqué que la baleine semble être en bon état compte tenu du fardeau de l’empêtrement, et qu’elle semble s’alimenter », précise le communiqué. Une première opération menée au mois de mai avait déjà permis de retirer certains cordages.
Mortalité record
Si le mâle de cinq ans est la première baleine noire à s’empêtrer dans les eaux canadiennes depuis 2019, l’espèce a connu des mortalités importantes dans le golfe du Saint-Laurent au cours des dernières années. En 2017, pas moins de 17 baleines noires de l’Atlantique Nord adultes ont été retrouvées mortes, dont 12 en eaux canadiennes. Un total de 10 baleines noires sont mortes en 2019, dont une femelle qui s’était empêtrée à au moins quatre reprises en 15 ans.
Afin d’éviter ces mortalités records pour l’espèce qui est de plus en plus présente dans les eaux canadiennes, le gouvernement fédéral a mis en place des mesures de protection sans précédent. Ottawa impose ainsi des limites de vitesse aux navires dans certaines zones du golfe, mais aussi des fermetures de zones de pêches lorsque des baleines noires sont repérées.
Il faut dire que les collisions avec les navires et les empêtrements dans les engins de pêches sont les deux principales causes de mortalité chez cette espèce. Selon un rapport de l’Institut océanographique Woods Hole, 85 % des décès de baleines noires entre 2010 et 2015 étaient imputables à des empêtrements.
Les mesures de protection qui se répètent à chaque année dans le Saint-Laurent sont d’autant plus importantes pour la baleine noire que le tiers de la population a été vu dans le golfe l’an dernier, soit 124 bêtes sur les 366 que compte cette espèce très précaire. Aucune mortalité n’a été signalée en 2020 dans les eaux canadiennes.
Protéger la pêche
Au-delà de la possibilité d’éviter la disparition de la baleine noire, qui accuse un fort déclin depuis quelques années, ces mesures de protection sont aussi nécessaires pour protéger l’accès à un marché américain vital pour les pêcheurs canadiens, notamment celui du crabe des neiges et du homard.
Les mortalités de baleines noires menacent en effet le gagne-pain de plusieurs pêcheurs. La législation américaine Marine Mammal Protection Act (MMPA) impose à l’industrie de la pêche, des États-Unis ou d’ailleurs, de démontrer que ses activités ne mettent pas en péril les mammifères marins. Si cette démonstration n’est pas faite, les Américains sont en droit de « bannir les importations » des produits de la pêche. Or, un tel scénario pourrait être désastreux pour les pêcheurs du Québec et des Maritimes.
L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) calcule qu’un total de 34 baleines sont mortes en trois ans, en plus d’une quinzaine de baleines observées empêtrées ou « sévèrement blessées ». Cela a amené les scientifiques à réviser à la baisse les données sur la population globale. Alors que les évaluations de la NOAA faisaient état en 2019 d’une population d’environ 400 bêtes, le plus récent bilan estime qu’il ne subsiste pas plus que 366 baleines noires dans l’Atlantique Nord.
Qui plus est, selon le North Atlantic Right Whale Consortium, qui regroupe des scientifiques canadiens et américains, le taux de reproduction de l’espèce a nettement reculé au cours des dernières années, si bien que « les faibles naissances chaque année ont éliminé la capacité de la population à croître et à faire face à la mortalité causée par les humains ». Selon les chercheurs de l’aquarium de la Nouvelle-Angleterre, qui étudie l’espèce depuis plus de 30 ans, il est aussi possible que des femelles qui ont subi un empêtrement dans des engins de pêche ne soient plus en mesure de se reproduire en raison de leurs blessures.
Pour les scientifiques, les mauvaises nouvelles des dernières années sont d’autant plus inquiétantes que les efforts des dernières décennies ont démontré qu’il était possible que la population de baleines noires croisse. On ne comptait que 275 individus au début des années 1990. Mais grâce à des mesures de protection importantes mises en place dans les eaux américaines, dont des modifications des routes de navigation, des règles pour la pêche commerciale ainsi qu’un système de surveillance, la population avait atteint 500 individus en 2010.