GNL Québec «ne verra pas le jour», affirment trois nations innues

Les méthaniers du projet GNL Québec passeraient par la rivière Saguenay, qui fait partie du territoire traditionnel des Innus.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir Les méthaniers du projet GNL Québec passeraient par la rivière Saguenay, qui fait partie du territoire traditionnel des Innus.

Trois nations innues qui s’opposent formellement au projet GNL Québec n’excluent pas de recourir aux tribunaux pour défendre leurs droits ancestraux et bloquer la construction du gazoduc et de l’usine de liquéfaction de gaz naturel. Les promoteurs du projet disent accueillir les « préoccupations » des Premières Nations et ils estiment pouvoir leur démontrer que l’exportation de gaz albertain exploité par fracturation contribuera à la lutte contre la crise climatique.

« Il est clair, net et précis qu’un tel projet ne se fera pas sans notre consentement. Et selon nous, c’est inacceptable que le projet voie le jour chez nous », a souligné lundi au Devoir le vice-chef de Mashteuiatsh, Charles-Édouard Verreault. « Le projet ne verra pas le jour. C’est certain, étant donné que nous avons des droits ancestraux sur ce territoire », a-t-il ajouté, au nom du regroupement de nations innues de Mashteuiatsh, Essipit et Pessamit qui s’opposent à GNL Québec.

M. Verreault a également soutenu que les Premières Nations n’excluent pas de lancer une action en justice afin de bloquer la construction de l’usine de liquéfaction du Saguenay, mais aussi du gazoduc de 780 kilomètres qui doit l’alimenter en gaz naturel provenant de l’Ouest canadien. « Rien n’est exclu. On évalue présentement quelles seraient nos prochaines actions, si le gouvernement décidait d’aller de l’avant avec le projet. Aucune action n’est exclue », a-t-il fait valoir. « On ne restera pas les bras croisés à attendre la suite. »

Il est clair, net et précis qu’un tel projet ne se fera pas sans notre consentement. Et selon nous, c’est inacceptable que le projet voie le jour chez nous.

 

Dans un « message » à la population du Saguenay–Lac-Saint-Jean publié lundi, les trois nations rappellent ainsi qu’elles détiennent « des droits ancestraux et des titres innus conférant à nos Premières Nations un caractère incontournable sur toute question affectant la pérennité [de ce territoire], l’usage qu’on en fait et les projets qu’on y planifie ».

Dans ce contexte, les Innus disent vouloir privilégier « la protection du territoire ». Or, ajoutent-ils, « en cette époque de changement climatique, une telle protection implique une approche globale, car ce qui nuit à l’environnement en un endroit a le potentiel d’affecter toute la planète et, donc nos territoires comme ceux des autres ».

Non à la fracturation

M. Verreault a par ailleurs rappelé que l’essentiel du gaz naturel qui serait transporté et liquéfié dans le cadre du projet de GNL Québec découle de la fracturation hydraulique, un « procédé d’extraction dénoncé à travers le monde entier et qui, sur le plan environnemental, est dommageable et inacceptable ».

Le gouvernement du Québec a d’ailleurs fermé la porte à l’industrie du gaz de schiste dans la province, dans le cadre de la Loi sur les hydrocarbures. « On nous propose aujourd’hui de faire exécuter ce processus de fracturation hydraulique à l’extérieur de la province, comme si cela allait régler quoi que ce soit en matière de pollution globale et d’émission de gaz à effet de serre », déplorent les nations innues dans leur message commun.

Selon les trois Premières Nations, il n’existe aucune certitude que le gaz naturel liquéfié au Saguenay permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre ailleurs dans le monde. Le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) portant sur le projet GNL Québec réfutait pour sa part l’idée que ce projet contribuerait à la « transition énergétique » nécessaire pour lutter contre la crise climatique, comme l’ont affirmé le premier ministre François Legault et certains de ses ministres avant même l’évaluation environnementale. Le rapport souligne plutôt que GNL Québec « pourrait constituer un frein à la transition énergétique sur les marchés visés par le projet ».

GNL Québec n’a pas encore signé de contrat de vente pour son gaz. L’entreprise a seulement annoncé au début du mois de juin « la création d’un partenariat stratégique » avec les promoteurs d’un terminal d’importation de gaz naturel qui serait situé en Allemagne. Mais ceux-ci, nommés Hanseatic Energy Hub, ont précisé par la suite que les discussions se résument à une « coopération technique » et qu’il n’existe aucun accord commercial.

« Relation de confiance »

Appelée à réagir lundi à la prise de position des Premières Nations, « GNL Québec accueille respectueusement les préoccupations émises par les représentants des communautés innues », a précisé l’entreprise par courriel, mais sans se prononcer sur l’opposition ferme manifestée ces mêmes représentants.

GNL Québec ajoute avoir « toujours privilégié une approche de collaboration » avec les Premières Nations. « Cette approche nous a permis de bâtir une relation de confiance, et nous avons le désir de poursuivre le dialogue afin d’avoir l’opportunité d’expliquer nos engagements et faire la démonstration que ce projet fournira le gaz naturel liquéfié ayant la plus faible empreinte carbone au monde, contribuant ainsi de façon importante à la lutte contre les changements climatiques », ont également fait valoir les promoteurs de l’usine gazière.

La semaine dernière, on apprenait que la banque française Société générale, qui conseillait GNL Québec en vue de l’élaboration du montage financier nécessaire pour réaliser ce projet de 14 milliards de dollars, n’était plus associée au projet. En juin, l’entreprise a aussi été touchée par de nouveaux départs, dont celui de sa « directrice principale, affaires publiques et relation avec les communautés » et de son ancien président, qui agissait toujours à titre de consultant. Dans tous les cas, GNL Québec affirme que ces situations sont normales dans le processus de développement du projet.

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