Le dépotoir de Saint-Nicéphore sera agrandi, au grand dam de la municipalité

Selon les données de Recyc-Québec, les Québécois ont généré 697 kilogrammes de déchets par habitant en 2018, alors que la moyenne se situait à 685 kilogrammes en 2015.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Selon les données de Recyc-Québec, les Québécois ont généré 697 kilogrammes de déchets par habitant en 2018, alors que la moyenne se situait à 685 kilogrammes en 2015.

En décrétant une « zone d’intervention spéciale » à Drummondville, Québec autorise la multinationale Waste Management à ignorer le zonage municipal afin d’agrandir son dépotoir de Saint-Nicéphore.

Il y a « urgence » d’agir, soutient le gouvernement provincial ; la Ville de Drummondville, elle, dit être « mise au pied du mur ».

Environ 350 000 tonnes de déchets de tout acabit, essentiellement en provenance de la MRC de Drummond et des régions environnantes, prennent chaque année le chemin de ce site d’enfouissement.

Puisque le dépotoir atteindra sa capacité maximale d’ici septembre, le gouvernement avance que l’urgence de la situation justifie que l’on fasse fi des volontés de la Ville de Drummondville. Les autres dépotoirs des environs ne peuvent pas accueillir davantage de déchets, et ne pas autoriser cet agrandissement « pourrait considérablement affecter la salubrité publique », peut-on lire dans le décret gouvernemental.

Or, la municipalité s’est dite « surprise » d’apprendre la nouvelle dans la très officielle Gazette du Québec de mercredi dernier. Ce projet va à l’encontre de « l’acceptabilité sociale », plaide-t-elle dans un communiqué. « Cette décision va complètement à l’encontre de la volonté de la population de Drummondville et de celle du conseil municipal, clairement exprimée à de nombreuses reprises auprès du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. D’ailleurs, toutes les décisions des tribunaux rendues à ce jour sur cette question ont donné raison à la Ville. »

Le décret de Québec autorise le dépotoir à recevoir jusqu’à 430 000 tonnes de déchets par année, et ce, pour les 10 prochaines années.

Cette autorisation provinciale d’urgence survient plusieurs mois avant le dépôt prévu d’un rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le sujet ; l’organisme doit statuer d’ici décembre sur un plan panquébécois de gestion des déchets.

Selon le représentant de Waste Management Québec, le gouvernement « n’a pas le luxe » d’attendre ce rapport, car le Québec risque de vivre « une crise des déchets ». « S’il y avait un seul site qui fermait dans le sud du Québec, il pourrait y avoir des déchets qui resteraient dans les rues », soutient Martin Dusseault, directeur des affaires publiques de l’entreprise, qui reconnaît par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un décret « traditionnel ».

Tant la Ville de Drummondville que WM Québec prévoient d’étudier en profondeur les conséquences de la décision de Québec avant de commenter davantage la situation.

Un peu partout au Québec

 

L’autorisation de l’agrandissement du dépotoir de Saint-Nicéphore est loin d’être la seule décision du genre prise ces derniers mois.

Le 2 juin dernier, le gouvernement a autorisé l’élargissement du plus gros site d’enfouissement du Québec, celui de Lachenaie, près de Terrebonne. Ce dépotoir reçoit les matières résiduelles de l’agglomération de Montréal, de la ville de Laval, ainsi que des MRC de Deux-Montagnes, de Thérèse-De Blainville, de Mirabel, de La Rivière-du-Nord, des Moulins, de L’Assomption et de Joliette, en plus de la totalité de la région de la Montérégie, ce qui représente 15 MRC.

Le BAPE a recommandé l’hiver dernier d’augmenter la superficie de ce dépotoir. Jusqu’à 1,25 million de tonnes de déchets pourra y être enterré par année, pour les cinq prochaines années.

Au début du mois de décembre, le gouvernement Legault a aussi publié un décret autorisant WM Québec à enfouir jusqu’à 18,6 millions de tonnes de déchets supplémentaires au dépotoir de Sainte-Sophie, à raison d’un million de tonnes par année, soit 2800 tonnes par jour.

Le site situé à l’est de Saint-Jérôme reçoit des déchets de la région immédiate et de la Communauté métropolitaine de Montréal depuis 1964. Il contient déjà environ 20 millions de tonnes de déchets domestiques ; cet agrandissement pourrait donc doubler sa capacité.

Puis, en Estrie, l’exploitant d’un autre site d’enfouissement souhaite aller de l’avant avec un projet d’agrandissement qui lui permettrait de stocker près de quatre millions de tonnes de déchets de plus au cours des 50 prochaines années. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, n’a pas encore décidé s’il donnera son feu vert au projet, mais le BAPE juge qu’il est injustifié de laisser le promoteur y enfouir autant de matières résiduelles.

Selon les données de Recyc-Québec, les Québécois ont généré 697 kilogrammes de déchets par habitant en 2018, alors que la moyenne se situait à 685 kilogrammes en 2015.

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