Il faut interdire les nouveaux projets d’énergies fossiles, prévient l’Agence internationale de l’énergie

Le charbon doit être éliminé du portrait énergétique d’ici 2050, selon l’Agence internationale de l’énergie.
Ina Fassbender Archives Agence France-Presse Le charbon doit être éliminé du portrait énergétique d’ici 2050, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Pour espérer limiter le réchauffement climatique à un seuil sécuritaire, il faut abandonner dès maintenant tout nouveau projet d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles, conclut l’Agence internationale de l’énergie, en plaidant pour une hausse sans précédent des investissements dans le développement des énergies renouvelables.

Selon la « feuille de route » de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et limiter le réchauffement global à +1,5 °C, les pays doivent dès maintenant renoncer au développement futur de projets pétroliers et gaziers. Seuls ceux déjà en exploitation en 2021 doivent être maintenus, souligne l’organisme international placé sous l’égide de l’OCDE.

Cette nouvelle analyse de la trajectoire énergétique à suivre pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris, publiée mardi, précise que cela ne fera pas complètement disparaître les énergies fossiles du cocktail énergétique mondial. Mais d’ici 2050, il faudrait réduire d’au moins 55 % l’utilisation du gaz naturel et de 75 % l’utilisation du pétrole. Le charbon, qui est le pire des combustibles fossiles, devrait pratiquement disparaître  du portrait, selon l’AIE.

Ce scénario ne cadre pas avec les projections actuelles de production pétrolière et gazière au Canada. Selon les plus récentes données de la Régie de l’énergie du Canada, on prévoit une croissance de plus de 30 % de la production gazière d’ici 2040, principalement grâce à l’exploitation par fracturation dans l’ouest du pays.

Dans le secteur pétrolier, l’industrie envisage également une croissance, notamment dans le secteur des sables bitumineux. Au large de Terre-Neuve, on souhaite aussi doubler la production pétrolière en milieu marin après 2030 — un souhait appuyé par le gouvernement Trudeau, qui a déjà approuvé 40 nouveaux forages depuis le début de l’année.

Place aux énergies renouvelables

 

L’AIE reconnaît d’ailleurs que les nécessaires transformations du secteur énergétique constitueraient un virage majeur par rapport à la trajectoire actuelle. Mais elle ajoute dans son rapport que cette transition accélérée « amènera des bénéfices majeurs » pour l’humanité, notamment en permettant de s’approcher de l’objectif de limiter le réchauffement à +1,5 °C, soit le seuil à ne pas dépasser pour éviter le pire du bouleversement climatique.

L’organisme entrevoit également des bénéfices économiques dans le développement des énergies renouvelables. Selon l’AIE, ces sources doivent générer au moins 90 % de la demande mondiale en électricité d’ici 2050, l’énergie solaire et éolienne ne représentant pas moins de 70 % de la production.

Pour permettre une telle croissance des sources énergétiques non émettrices de gaz à effet de serre, les investissements totaux devraient atteindre 4000 milliards de dollars par année d’ici 2030, soit plus du triple des investissements actuels. Un tel chantier énergétique « créera des millions de nouveaux emplois », insiste l’AIE, ce qui aurait un effet important sur la « croissance économique mondiale ».

La transition énergétique historique qui est nécessaire ne sera toutefois pas suffisante, puisqu’une bonne partie des réductions d’émissions de gaz à effet de serre au-delà de 2030 devra provenir de technologies qui sont actuellement au stade de la « démonstration » ou de l’expérimentation.

« L’ampleur et la rapidité des efforts requis par cet objectif critique et formidable en font peut-être le plus grand défi que l’humanité ait jamais eu à relever », a d’ailleurs admis mardi Fatih Birol, le directeur de l’AIE. Il impose « une action soutenue des gouvernements et une coopération internationale bien plus importante » qu’aujourd’hui, a ajouté l’économiste, notamment pour soutenir les efforts des grands pays émergents.

Éviter le pire

 

Pour le moment, la communauté internationale est toujours très loin de faire le nécessaire pour éviter le naufrage climatique. Selon des données publiées en avril par l’AIE, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent connaître un rebond majeur cette année en raison de la croissance des émissions imputables à la combustion du pétrole, du gaz naturel et du charbon.

Le déclin des émissions liées au secteur de l’énergie a atteint 5,8 % en 2020, dans le contexte de la crise de la COVID-19. Il serait toutefois en bonne partie chose du passé puisque l’AIE prédit un rebond de 4,8 % en 2021, ce qui équivaut à une augmentation de 1,5 milliard de tonnes des émissions de gaz à effet de serre du secteur énergétique.

Cette hausse devrait ramener les émissions globales liées à la combustion de pétrole, de gaz naturel et de charbon à quelque 33 milliards de tonnes de gaz à effet de serre cette année, ce qui nous rapprocherait tout près du niveau d’émissions observé en 2019, soit avant la crise sanitaire planétaire.

Selon l’ONU, ce scénario de rebond des émissions de gaz à effet de serre n’est toutefois pas viable et les engagements des États ne sont toujours pas à la hauteur, cinq ans après la signature de l’Accord de Paris. Les engagements officialisés par les pays pourraient conduire la planète sur la voie d’un réchauffement de 3 °C à 4 °C d’ici la fin du siècle.

Si ce scénario se confirmait, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) prévient que le monde tel qu’on le connaît deviendrait carrément « méconnaissable », avec un « recul de l’espérance de vie » et « un recul de la qualité de vie » dans plusieurs régions de la planète. « L’état de santé et de bien-être » de la population serait ainsi « substantiellement réduit », et cet état continuerait de se dégrader au cours des décennies suivantes. Le GIEC met d’ailleurs en garde contre une hausse « majeure » des prix des aliments, des conflits et des migrations climatiques.

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