Le ministre des Forêts critique les opposants aux coupes le long de la rivière Péribonka

Le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, a défendu mardi la décision du gouvernement Legault d’autoriser des coupes forestières sur un territoire qui était ciblé depuis plusieurs années pour devenir une aire protégée, le long de la rivière Péribonka. Il a du même coup critiqué les opposants aux coupes, qui accusent Québec de nuire à la protection de la biodiversité et au développement touristique régional.
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a décidé d’autoriser des coupes forestières industrielles dans des secteurs situés le long de la rivière Péribonka, après avoir écarté l’an dernier le projet d’aire protégée qui devait permettre de préserver le corridor de cette rivière située au nord-est du Lac-Saint-Jean.
Ce projet de protection avait pourtant été soumis par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, avec l’appui de plusieurs intervenants de la région. Dans le cadre d’une consultation menée l’an dernier, l’organisme Tourisme Alma Lac-Saint-Jean avait d’ailleurs expliqué au MFFP que « la rivière Péribonka et sa vallée représentent un des plus beaux potentiels de développement de produits récréotouristiques » de la région, notamment à l’international.
« Pas dans ma cour »
Interpellé mardi par la députée solidaire Émilise Lessard-Therrien dans le cadre de l’étude des crédits du MFFP, Pierre Dufour a défendu la décision de son ministère d’aller de l’avant avec les coupes. « Il faut intervenir, parce que la tordeuse de bourgeons d’épinette est dans ce secteur et elle est nuisible », a-t-il d’abord soutenu. Une affirmation qui fait écho aux informations diffusées par le ministère lors des consultations sur les coupes tenues cet hiver.
Selon M. Dufour, les coupes auront un faible impact « visuel » le long de la rivière Péribonka. « Je m’excuse, mais à un moment donné, il faut que tout le monde fasse sa part. Il n’y a pas d’enjeu, techniquement. On parle de 4 % du secteur de la rivière Péribonka », a-t-il dit. Dans le contexte de l’ouverture de ces terres publiques aux entreprises, le ministère précise aussi que « des chemins et des infrastructures » devront être construits pour accéder aux secteurs de coupes.
Le ministre a par ailleurs critiqué les opposants aux coupes sur ce territoire, qui comprend de vieilles forêts, un écosystème de plus en plus rare au Québec. « On semble avoir des gens qui regardent ça et qui disent : “pas dans ma cour. Je veux avoir du bois pour construire ma maison, mais pas dans ma cour”. Je m’excuse, mais le territoire, il est vaste et il faut naturellement harmoniser et trouver les meilleures situations qui sont gagnantes pour tout le monde. C’est pas simplement pour trois individus qui ne veulent pas une intervention en avant de chez eux », a-t-il fait valoir.
« On nous dit : il ne faut plus couper. Mais de l’autre côté, on dit qu’il faut construire avec du bois. On dit que le prix du bois est trop cher. À un moment donné, il faut un équilibre », a-t-il ajouté.
Pierre Dufour reconnaît que les coupes forestières peuvent avoir un impact sur le territoire, mais il estime que celui-ci se résorbe avec le temps. « Dans les dix premières années après une coupe forestière, il n’y a jamais rien de beau là. S’il y a quelqu’un qui me dit que c’est beau, j’aimerais qu’on m’explique. Par contre, ça repousse. » Il a ainsi cité en exemple le secteur du Mont-Orford, en Estrie, où des coupes forestières ont eu lieu dans le passé. « On ne la voit plus la coupe, parce que 50 ans plus tard, la forêt a repris ses états », a dit le ministre.
Demande de moratoire
Dans une lettre envoyée récemment au premier ministre François Legault, des groupes environnementaux et des organismes de protection des milieux naturels de différentes régions du Québec ont demandé au gouvernement d’imposer un « moratoire » sur toutes les coupes forestières dans le territoire du projet d’aire protégée de la rivière Péribonka.
« Alors que l’impact de ces coupes sur la possibilité forestière régionale est négligeable en raison des nombreuses contraintes à la récolte, les conséquences sont déterminantes pour la survie d’un important projet écotouristique dans lequel la région a déjà investi plus de trois millions de dollars en infrastructures touristiques et qui mobilise depuis trois ans des acteurs du développement régional, dont Tourisme Alma-Lac-St-Jean et la MRC Lac St-Jean-Est », écrivent les groupes, parmi lesquels on compte Nature Québec, l’Action boréale, la Société pour la nature et les parcs, Greenpeace et la Fondation rivières.
La lettre rappelle également que le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles avait donné son aval au projet, qui aurait permis de protéger un tronçon de 80 km de la rivière. Ce territoire fait partie des 83 projets d’aires protégées délaissés par le gouvernement Legault, dans le contexte de l’atteinte de ses cibles de protection des milieux naturels terrestres du Québec pour 2020.
Avant de décider d’autoriser des coupes forestières le long de la rivière Péribonka, le gouvernement Legault avait annoncé à la fin de 2019 qu’il souhaitait autoriser des coupes sur un massif forestier situé sur le cours de la rivière. Or, ce massif était jusqu’alors protégé afin de préserver l’habitat du caribou forestier, une espèce particulièrement vulnérable aux impacts de l’abattage d’arbres de manière industrielle.
Au moment d’abolir les mesures de protection de ce massif forestier (et de deux autres massifs situés dans la région), le MFFP avait affirmé qu’aucun caribou ne se trouvait dans le secteur. Des inventaires aériens menés au cours de l’hiver 2020 ont toutefois permis de repérer des caribous dans le secteur où se trouve ce massif, selon ce qui se dégage d’un rapport produit par le MFFP. Ces cervidés font partie d’une population qui compte environ 225 bêtes et qui se trouve « dans un état extrêmement précaire », selon les experts du ministère.