Virage vert: un pas de géant pour l'industrie minière

Charles-Édouard Carrier
Collaboration spéciale
Les éoliennes de la mine Raglan, au Nunavik, qui avait été entièrement alimentée au diesel jusqu’en 2014.
La Raffinerie Les éoliennes de la mine Raglan, au Nunavik, qui avait été entièrement alimentée au diesel jusqu’en 2014.

Ce texte fait partie du cahier spécial Action climatique

De 1990 à 2018, les émissions de GES du secteur industriel québécois ont diminué de 24,4 %, selon l’Inventaire québécois des émissions atmosphériques. Bien que peu de données spécifiques au secteur minier de la province existent, Ressources naturelles Canada a dévoilé qu’entre 2008 et 2017, les sociétés minières du pays avaient réduit leur consommation énergétique et leurs émissions de GES de 6,8 % et de 16,6 % respectivement. Les rejets directs de 14 métaux indicateurs dans les eaux de surface ont quant à eux connu une baisse de 26,5 % au cours de la même période. Ces chiffres en disent long sur les efforts déployés par l’industrie minière pour adhérer aux principes du développement durable.


 

Malgré les efforts réalisés par l’industrie minière pour améliorer son bilan énergétique, celle-ci peine à faire reconnaître sa contribution à un Québec plus vert. Jean-François Verret est président du conseil d’administration de l’Association minière du Québec (AMQ) et directeur projets, géologie et exploration à la mine Raglan de la compagnie Glencore. Dans cette entrevue faite en collaboration avec l’AMQ, le président nous explique de quelle façon l’industrie minière d’ici contribue, selon lui, à la mise en place de solutions vertes et écoresponsables.

Pourquoi le désir d’augmenter la présence d’énergie renouvelable dans le quotidien des Québécois doit-il forcément passer par une plus grande utilisation des ressources puisées dans les sols ?

Les métaux et minéraux nécessaires à la transition énergétique, à l’électrification des transports et au développement des technologies faibles en carbone sont multiples. Par exemple, pour produire un panneau solaire, une batterie pour un véhicule électrique ou une éolienne, on aura besoin de métaux de base et de minéraux critiques et stratégiques que l’on retrouve dans le sol de chez nous. Le cadmium, le cuivre, l’étain, le zinc, le graphite, le lithium, le magnésium, le nickel, etc., on est géologiquement capables de les extraire. Ils sont là et on sait qu’on a les énergies propres, la main-d’œuvre qualifiée et une expertise incroyable pour aller les chercher.

En quoi une extraction au Québec diffère-t-elle d’une extraction ailleurs dans le monde, au chapitre des pratiques écoresponsables ?

La source première de notre énergie au Québec, c’est l’hydroélectricité. En utilisant cette énergie renouvelable et verte pour l’extraction, on réduit du même coup l’empreinte environnementale du processus. De plus, la réglementation de l’industrie minière au Québec est très stricte, tant en ce qui concerne les pratiques d’extraction qu’en ce qui concerne la sécurité des travailleurs. Oui, c’est exigeant pour l’entreprise, mais c’est rassurant pour le citoyen de savoir que c’est fait dans les règles de l’art, et notre main-d’œuvre de grand talent est amplement en mesure de répondre à ces exigences.

Pourtant, lorsque l’on pense aux activités minières, « pratiques écoresponsables » n’est pas le premier terme qui nous vient en tête…

On le sait tous qu’on a un passé construit par les humains à une époque où le concept de développement durable n’existait pas. Les choses ont bien changé et il faut parler de nous en fonction des réalités d’aujourd’hui. On ne peut pas nier qu’en plus de 100 ans, il y a eu des moments où l’industrie a été délinquante. Et pour se défaire de cette image, ça passera par l’éducation auprès des jeunes et par une meilleure communication avec le grand public, mais également par la voix de nos employés. Ce sont des gens fiers, ce sont nos meilleurs ambassadeurs.

La réalité d’aujourd’hui, c’est que le téléphone intelligent, les tablettes, les vélos, les voitures électriques, tous ces objets du quotidien nécessitent l’utilisation de minéraux et de métaux critiques pour être fabriqués. On peut le faire à partir de ce qui est extrait sur un autre continent, sans traçabilité et dans des mines qui utilisent une électricité produite par du pétrole ou du charbon. Mais on peut aussi le faire de façon écoresponsable chez nous, dans un cadre où l’énergie verte est une priorité.

La demande en minéraux critiques et stratégiques dont vous parlez est de plus en plus forte, et l’approvisionnement devient un défi stratégique pour les entreprises. On dit que, pour répondre à cette hausse anticipée de la demande, l’offre des pays producteurs, tels que le Canada, devra augmenter d’ici 2050. Qu’est-ce que cette hausse prévue de la demande signifie pour le Québec ?

Tout d’abord, ça signifie des emplois dans des régions où l’on a besoin de retombées économiques positives. Il faut aussi y voir une occasion de revoir nos cadres réglementaire et législatif et nous assurer qu’ils sont clairs pour les investisseurs qui veulent venir développer le territoire, tant sur le plan environnemental que sur le plan social, entre autres pour ce qui est des relations avec les communautés. À ce sujet, le Québec est déjà en bonne position par rapport à d’autres endroits dans le monde.

Actuellement, comment se positionnent les mines en activité sur notre territoire en matière d’approvisionnement responsable ?

L’initiative canadienne du plan Vers le développement minier durable demande une saine gestion des activités minières. Relations avec les communautés, changements climatiques, biodiversité, santé et sécurité des travailleurs, émission de gaz à effet de serre et gestion des résidus se retrouvent dans des protocoles qui demandent aux minières de se mesurer et de performer. Du côté de l’AMQ, nous avons décidé de faire des audits auprès de nos membres, puisque ce sont des sujets extrêmement importants dans le virage environnemental que nous sommes en train de faire.

Malgré de telles initiatives, est-ce qu’il y a des secteurs de l’industrie qui peinent à réduire leur impact environnemental ? Si oui, lesquels ?

Ça se passe surtout à l’étape de la transformation. En ce qui concerne le fer et l’or, par exemple, les procédés de transformation sont très bien maîtrisés ici, au Québec. Mais du côté des terres rares, les procédés métallurgiques sont plus complexes et ça reste un défi pour nous. Pour compléter notre virage vert, il faut absolument développer notre expertise dans ce secteur.

En tant que Québécois, de quoi pouvons-nous être fiers lorsque l’on conjugue industrie minière et transition énergétique ?

À la mine Raglan, au Nunavik, on était alimentés à 100 % au diesel jusqu’en 2014. On a décidé d’amorcer un virage, fin 2010, en se disant qu’on ne pouvait plus continuer comme ça. On a considéré le solaire, puis le gaz naturel liquéfié et, finalement, l’éolien. Même si Hydro-Québec et nos investisseurs chez Glencore y voyaient trop de risques au départ, on est allés de l’avant pour construire la première éolienne dans le Grand Nord. Non seulement on a démontré que c’était possible, même à 60 degrés au-dessous de zéro, mais nous en avons maintenant deux en fonction et on étudie la possibilité d’en construire deux autres.

Concrètement, ça représente quatre millions de litres de diesel qu’on n’utilise plus, soit l’équivalent de 3000 véhicules retirés des routes chaque année. Pour l’industrie, cette décision a envoyé un message fort, ça a marqué l’imaginaire dans notre domaine.

Quelles retombées l’installation et l’utilisation d’une éolienne au Nunavik ont-elles pu avoir sur l’industrie minière québécoise ?

Elles ont prouvé que c’est possible, pour une mine, de passer à l’énergie renouvelable. Et les projets dans ce sens se multiplient. L’électrification des activités minières n’est plus un plan B ou C, on construit les mines en pensant à l’énergie électrique, comme c’est le cas avec le Nouveau Monde Graphite de Saint-Michel-des-Saints, la première mine à ciel ouvert 100 % électrique au monde pour une production carboneutre. Si le premier domino a été l’éolienne de Raglan, l’extraction écoresponsable est maintenant la nouvelle norme.

À la lumière de ces succès, à quoi les Québécois peuvent-ils s’attendre de l’industrie minière dans les prochaines années ?

On a tous les éléments de l’équation pour réussir le virage vert. Il y a de nombreux exemples qui démontrent que ce changement de cap est bien entamé. Le défi est de fermer la boucle : prenons notre matière première, transformons-la ici et utilisons-la pour faire des batteries, des parcs solaires, des éoliennes, etc. C’est aussi ça, un Québec inc. : extraire, transformer et retourner le produit final dans le marché québécois. C’est la meilleure façon de s’assurer que la traçabilité est verte et qu’une approche écoresponsable a été privilégiée d’un bout à l’autre du processus.

Une éolienne comme celle de la mine Raglan a besoin de deux tonnes de terres rares. Est-ce que le grand public sait qu’on a tout ça ici ? Peut-être pas. Et peu importe le projet, ce sera toujours mieux de le faire chez nous selon nos normes et législations que de l’importer sans traçabilité.

Un plan national pour «faire du Québec un chef de file»

En 2020, le gouvernement québécois a dévoilé le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025 visant à « faire du Québec un chef de file de la production, de la transformation et du recyclage des minéraux critiques et stratégiques en partenariat avec les milieux régionaux et autochtones ».

Parmi les nombreuses actions prévues au plan, on souhaite faire du Québec un partenaire responsable à l’échelle internationale pour l’approvisionnement en minéraux critiques et stratégiques et sensibiliser la population de la province à l’importance des minéraux critiques et stratégiques au quotidien. Par ces efforts, on espère « créer des emplois de qualité dans les régions tout en contribuant à développer une économie plus verte ».»

En amont au dévoilement du plan, le gouvernement a tenu des rencontres citoyennes dans les régions de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Capitale-Nationale, de la Côte-Nord, de Montréal, du Nord-du-Québec et du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Source : Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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