Pas de solution miracle pour remplacer le plastique

C’est cette année que le gouvernement de Justin Trudeau doit interdire six objets en plastique à usage unique au Canada. Mais les solutions pour remplacer les sacs, emballages et autres objets de plastique jetables ne sont pas sans répercussion sur l’environnement, disent des experts.
On pourrait presque l’appeler le syndrome de la paille de plastique. En quelques semaines, un objet de consommation devient l’ennemi juré de la planète. « On essaie d’éteindre les feux. Mais quand on choisit autre chose, parfois, ce n’est pas mieux », dit Geneviève Dionne, directrice de l’écoconception et de l’économie circulaire à Éco Entreprises Québec.
Les pailles de carton, bambou, verre ou métal qui ont remplacé plusieurs pailles de plastique comportent des conséquences sur l’environnement.
Côté emballage, encore pire, « c’est le Far West », laisse tomber Mme Dionne. Son organisation vient de publier un rapport sur les emballages identifiés « compostables » ou « biodégradables ». Constat : peu de ces matières sont véritablement certifiées et même lorsqu’elles le sont, cette certification est en « décalage avec la réalité », dit la directrice.
C’est que les tests de compostage ont été réalisés en laboratoire, et non pas selon les conditions du terrain. Si un emballage se composte en 80 à 90 jours selon son fabricant, par exemple, la plupart des autres matières organiques sont déjà décomposées en maximum 60 jours. « L’emballage n’est donc pas dans les bonnes conditions pour se dégrader et va être retiré à la fin du processus et acheminé à l’enfouissement », dit Mme Dionne.
On essaie d’éteindre les feux. Mais quand on choisit autre chose, parfois, ce n’est pas mieux.
Remplacer le polystyrène, souvent démonisé, pour votre poutine à emporter n’est donc pas simple. Ne sachant dans quel bac déposer un emballage compostable, un citoyen pourrait l’envoyer au recyclage… où il sera jeté, car il ne peut pas se fondre avec les autres plastiques.
À tout cela s’ajoutent des emballages dits « biodégradables », mais non compostables : certains ne feront que se scinder en plus petits morceaux de plastique, là encore inutiles au recyclage ou au compostage. « Est-ce qu’on fait pousser du maïs pour faire un emballage ou c’est des résidus de biomasse ou de papetière ? D’où viennent nos emballages ? » demande aussi Mme Dionne.
Une œuvre inachevée
Quel type d’interdiction a donc un sens ? En 2018, Montréal devenait la première grande ville canadienne à bannir les sacs de plastique de moins de 50 microns, soit les sacs minces.
Cette décision d’interdire ne semble pas avoir eu l’effet escompté. « On a essayé de changer l’épaisseur des sacs en plastique en se disant : “Le monde va les réutiliser”, mais ça ne marche pas », a déclaré la mairesse Valérie Plante en février 2020. L’interdiction doit donc s’élargir cette année à tous les types de sacs de plastique, incluant ceux plus épais qui sont actuellement distribués par les commerces.
Une analyse du cycle de vie des sacs de plastique avait déjà soupesé cette possibilité en 2017. Pour qu’un sac de plastique épais (50 microns), du type de ceux qui sont actuellement distribués dans les commerces, soit équivalent à un sac de plastique léger ou jetable, il faudrait l’utiliser au moins de quatre à six fois. Un sac en plastique tissé, de 16 à 73 fois, écrivait alors le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG).
« Dans le meilleur scénario, si les consommateurs réutilisaient leurs sacs et que le plastique des sacs bannis n’était pas utilisé ailleurs par l’industrie pour faire d’autres produits, alors il y avait des effets bénéfiques », dit Jean-François Ménard analyste au CIRAIG.
Analyse rigoureuse
Qu’il soit jetable, recyclable ou réutilisable, un objet de plastique mal géré dans les matières résiduelles peut se retrouver dans l’environnement. Le problème va donc plus loin.
Du plastique désagrégé physiquement ou chimiquement au fil du temps, il y en a partout. Une partie importante des microplastiques est « générée à partir des décisions du consommateur », tranche Anne-Marie Boulay, professeure à Polytechnique et aussi membre du CIRAIG.
Les pneus sont une source bien connue, mais aussi les textiles synthétiques, de plus en plus populaires. C’est donc dire que les vêtements de plastique recyclé, qu’on nous vend comme « verts » en sont aussi responsables ? « Oui, des microplastiques sont générés des vêtements au moment du lavage », note la chercheuse en précisant que toutes les fibres synthétiques sont en cause.
Cet exemple invite à dépasser le marketing vert, dit-elle, pour une analyse rigoureuse. Pour l’experte, il s’agit maintenant de quantifier les effets dommageables pour pouvoir les mettre dans la balance : « Oui, il y a un problème de plastique, tant dans la production que dans la gestion, c’est clair. Mais il faut aussi avoir des comparaisons plus exhaustives, sinon on va peut-être choisir une solution qui va générer plus de dommages », conclut Mme Boulay.